Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
Source : rue89.nouvelobs.com
Connaissez-vous la permaculture ?
Cette philosophie du jardin clame qu’il ne faut pas se contenter de cultiver sa parcelle, mais créer un véritable écosystème, fertile, dont on pourra récolter les fruits. Cela peut donner des résultats incroyables : des melons en avril, des agrumes dans la « Sibérie autrichienne », d’énormes rendements sur de petites surfaces.
Depuis quelque mois, la permaculture connaît un grand engouement en France. Parce que jardiner est à la mode, parce qu’on veut manger mieux.... mais aussi un peu parce que depuis un an et demi un gentil Belge à bob en explique les rudiments sur YouTube. Son nom : Eric Barzin, alias Perméric.
La permaculture est certes très poétique, mais elle se caractérise avant tout par des techniques, parfois complexes. Le problème, c’est que ces savoir-faire épars ont longtemps été transmis entre initiés.
On en trouvait des traces dans d’obscurs ouvrages – toujours chers et souvent oubliés – ou dans des formations parfois hors de prix. Seuls de rares motivés connaissaient les bonnes associations de plantes et de légumes, savaient fabriquer une tour à pommes de terre ou encore utiliser des pierres et niveler un terrain pour créer des micro-climats. Mais ça, c’était avant Eric et ses tutoriels au délicieux accent.
Beaucoup d’apprentis permaculteurs sont tombés sur lui en cherchant des infos sur Internet. Kevin, qui aspire à trouver un terrain à exploiter près de Dunkerque, est l’un d’entre eux :
« Quand on tape certains mots comme “permaculture” dans YouTube ; il est dans les premiers résultats. Moi, j’ai d’abord vu la vidéo où il récolte la sève des bouleaux. J’ai bien aimé son style, c’est très concret, il se filme en faisant les choses et il explique exactement ce qui va se passer.
Du coup j’ai regardé toute ses vidéos, ça permet de voir l’évolution de son travail, de voir aussi que tout ça, ça marche. On s’identifie à lui, on a presque l’impression de jardiner avec lui. J’ai même remarqué qu’il a pas mal maigri depuis qu’il a commencé. »
Grâce à Perméric, j’ai moi-même compris comment créer une butte qui reproduit en quelque sorte le fonctionnement du sol d’une forêt. On appelle ça une butte autofertile ou en « Hugelktultur » en allemand.
Depuis quelques mois, un peu grâce à cette vidéo, cette pratique ancienne et confidentielle est devenue incontournable dans nombre de jardins « naturels », dont le mien.
« Ne prend pas ton vélo, par chez moi ça monte beaucoup, on est sur le toit de Belgique »
Eric Barzin est venu me chercher en voiture au terminus de la petite gare de Spa-Géronstère, à deux heures de train de Liège. Il me conduit à travers la forêt rouge et magnifique qui entoure la cité thermale et se termine à l’arrière de sa maison. Déjà, il me parle de son prochain projet :
« J’aimerais bien creuser des “swales”, on appelle ça aussi des baissières. Ce sont des rigoles qui suivent les courbes de niveau et permettent de créer des retenues d’eau. Je ne vais pas pouvoir le faire tout de suite, pour ça il faut un gros budget, mais j’ai très envie de faire cette vidéo, ça va intéresser plein de gens et on trouve pas encore grand chose là-dessus. »
Quand Eric expérimente quelque chose, il se filme. Un peu par réflexe. Ou parce que ça a, un temps, fait partie de son métier. Les comptes Twitter et Dailymotion de son ancienne vie de consultant en stratégie web sont encore en ligne.
Entre 2009 et la fin 2010, on le voit publier à la pelle des liens et des vidéos pour apprendre à ses clients à animer une page web ou à s’assurer un bon référencement.
Et puis, un jour, tout s’arrête. Il nous raconte :
« J’ai fait un burn-out. J’aimais le côté technique de mon métier mais pas du tout son sens. J’étais très fatigué, je passais beaucoup trop de temps devant mon ordinateur, je suis tombé malade. »
A cette époque, un ami lui parle de permaculture. Il quitte son travail, se plonge dans les bouquins, fait une formation de douze jours et achète avec sa compagne un terrain pour y appliquer ses nouvelles connaissances.
« Pendant plus d’un an, j’ai arraché les arbres et j’ai semé et planté, j’étais comme “l’homme qui plantait des arbres” [la très belle nouvelle de Jean Giono, qui a été ensuite animée par Frédéric Back, ndlr]. »
Les premiers temps, Eric reste loin d’Internet. Puis, tout doucement, il y revient.
« J’allais souvent sur YouTube, je tapais “permaculture” mais je ne trouvais rien. »
Il commence d’abord un blog pour partager ses découvertes. Sur son compte Twitter, on le voit à nouveau publier des liens dès la fin 2012, cette fois en rapport avec sa nouvelle passion. Et puis, en avril 2013, il se filme en train de construire un bac de culture et poste la vidéo sur YouTube :
« Je n’y avais pas vraiment réfléchi. J’ai posté ça parce qu’on ne trouvait rien sur le sujet sur Internet. J’ai mis des mots-clés, une description et des liens aux bons endroits, un peu par habitude, parce que je sais bien faire ça. Ensuite j’ai continué à en publier et j’ai eu rapidement pas mal de visites.
Quand on rencontre des gens ou qu’on voit des témoignages sur Internet, on se dit que beaucoup de permaculteurs sont de doux rêveurs ; moi je suis plutôt du genre pressé, j’ai envie de faire plein de choses. »
Depuis, Perméric fait revivre dans ses vidéos les savoirs qu’il trouve dans des livres. Et ça marche. Certaines de ses vidéos dépassent les 100 000 vues. Parfois, dans la rue ou dans les salons écolos, on le reconnaît. Il nous explique tout ça en vidant une truite sortie de son élevage en aquaponie.
Cette technique ancestrale permet de cultiver en symbiose des poissons et des légumes. Les fientes azotées des truites nourrissent les végétaux, qui eux-mêmes épurent l’eau du bassin des poissons. Eric Barzin vend depuis quelques mois, au prix de 97 euros, une formation à l’aquaponie par Internet. 75 personnes l’ont achetée, c’est pratiquement sa seule source de revenus pour l’instant.
« Je n’ai compris qu’en juillet dernier que je pouvais gagner de l’argent grâce aux pubs sur YouTube. Je touche maintenant 68 dollars par mois [55 euros, ndlr]. C’est un peu ridicule, mais c’est déjà ça.
Je ne vais pas me comparer à Cyprien ou à Norman, mais je me dis qu’ eux font des vidéos depuis beaucoup plus longtemps que moi. Si maintenant je touche 68 dollars, dans un an ou deux je saurai peut-être en gagner 350 ou 400. »
Perméric espère pouvoir bientôt « sortir de la galère financière ». Dans son jardin, il nous montre ses buttes autofertiles, ses ocas du Pérou, ses cephalotaxus – un conifère qui donne des fruits – et nous explique comment il a « designé » son terrain de près d’un hectare.
A terme, il compte commercialiser sa production, ses semences et boutures ou même la visite de son exploitation.
En attendant, Eric fait encore et toujours des vidéos gratuites. Il écrit maintenant ses textes à l’avance, utilise un prompteur et fait de plus en plus de montage.
Il vient de lancer un réseau social gratuit, Permaculteurs.com, où il invite chacun à partager ses expériences, en texte ou en vidéo.
Eric montre un oca du Pérou qui a poussé dans sa butte (Thibaut Schepman/Rue89)
Source : rue89.nouvelobs.com