Autre indication, plus optimiste cette fois : la campagne électorale, même à toute petite échelle, a montré une fois de plus combien la société civile palestinienne était en avance sur ses inamovibles représentants et avide de tracer une voie de sortie à l'interminable conflit israélo-palestinien. Dans plusieurs villes, ce sont d'anciens membres de l'OLP et du Fatah, le parti de Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas, qui ont dénoncé les turpitudes et l'immobilisme des cadres de l'Autorité palestinienne. Dans la grande ville d'Hébron comme dans le village de Saffa, proche de Ramallah, ce sont même des listes constituées à 100 % de femmes qui ont mobilisé, sur le thème «Participez, vous pouvez !», ou sur celui de l'indispensable renouvellement des cadres.
Ces élections ne changent rien mais disent l'essentiel : le pouvoir palestinien est aujourd'hui dans une impasse, rejeté par les Palestiniens, et n'a plus que la légitimité que les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël veulent bien lui concéder. A Ramallah, cette confession stupéfiante a été faite au Monde par Saëb Erekat, ancien proche d'Arafat, éternel négociateur d'un processus de paix à l'arrêt : «Nous sommes une autorité qui ne peut plus payer les salaires, qui ne peut offrir un horizon politique, qui ne peut obtenir la réconciliation palestinienne entre le Fatah et le Hamas, et les Israéliens continuent la colonisation !»
A ce bilan lucide, il faut ajouter que la démocratie, qui caractérisait jusqu'alors la vitalité palestinienne, est en état de mort clinique : les élections présidentielle et législatives qui devaient se tenir en janvier 2010 ont été repoussées indéfiniment. Quant au gouvernement de «réconciliation» entre Hamas et Fatah, il n'est qu'une aimable plaisanterie. «Les gens sont excédés, ils en ont assez d'être pris en otages dans un prétendu processus de réconciliation entre deux partis», assure le responsable de la commission électorale palestinienne au New York Times.
Les Israéliens se satisferont de cette décomposition avancée de la représentation palestinienne. Eclipsé par la Syrie, par la poursuite des processus révolutionnaires dans le monde arabe, un possible accord entre Palestiniens et Israéliens est sorti de l'actualité et, plus grave, des agendas diplomatiques. C'est un danger extrême, tant l'histoire a montré que chaque fois que ce conflit semblait oublié, il rebondissait avec encore plus de violence et de haine.
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** Article publié dans le numéro 809 du Magazine Marianne paru le 20 octobre 2012