La fièvre médiatique autour de l’expérience controversée du biologiste Gilles-Éric Séralini sur la toxicité du maïs OGM NK 603 de Monsanto et de l'herbicide Roundup (voir ici et ici), en septembre dernier, avait passé sous le silence les dimensions économique et juridique de la transgenèse végétale.
La Cour suprême américaine vient de rappeler à quel point les OGM posent le problème de la brevetabilité du vivant : à l’unanimité, elle confirme l’obligation de payer une redevance pour l’usage de semences OGM, même dans le cas d’une réutilisation pour créer de nouvelles graines (lire ici son avis). Elle donne ainsi raison à Monsanto qui poursuivait un cultivateur de l’Indiana, Vernon Hugh Bowman, âgé de 75 ans, déjà condamné pour avoir replanté du soja transgénique sans payer pour ce nouvel usage. « Les cultivateurs peuvent consommer ou vendre » leur récolte de soja résistant à l’herbicide Round up ready, « mais n’ont pas le droit d’en conserver une partie pour la replanter ensuite », affirme la Cour, qui précise que les semences vendues sont soumises à un brevet « qui autorise les agriculteurs à les semer pour une récolte et une seule ».
Le cas de ce paysan est particulier : pendant huit ans, il a chaque année acheté des semences de soja en en payant les droits. Mais il a aussi acquis en vrac des graines destinées à l’alimentation animale, les a plantées et les a traitées au Round up. Exposées au glyphosate, le principal composant chimique de cet herbicide, seules les pousses OGM ont survécu. Il en a ensuite recueilli les graines, replantées à nouveau l’année suivante. Pour sa défense, il a plaidé « l’épuisement du brevet », qui autorise l’acheteur à user du produit tel qu’il lui sied, du moment qu’il en a acquitté la redevance. Mais pour le juge suprême des États-Unis, Bowman s’est placé lui-même en dehors de cette doctrine juridique, car en cultivant des graines OGM non rétribuées à Monsanto, il s’est rendu coupable de copie d’un produit protégé par le droit de la propriété. Devant la Cour, le cultivateur a reconnu ne pas connaître d’autres agriculteurs pratiquant la même méthode que lui, justifiée à ses yeux par le risque économique lié à l'exploitation de sa ferme.
« Cette décision est un revers pour les paysans de notre pays », a réagi Andrew Kimbrell, directeur exécutif de l’ONG Center for food safety (CFS), qui a soutenu Bowman dans le litige, et dénonce « la persécution au nom des brevets » (voir ici son communiqué). Pour l’association, « la décision de la Cour est contraire à la logique et à l’agronomie en attribuant indûment la reproduction de la semence aux agriculteurs, alors que c’est le travail de la nature ».