Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
16 avril 2013 2 16 /04 /avril /2013 17:45

 

 

Opération transparence après l'affaire Cahuzac. Lundi soir, les patrimoines des ministres ont été publiés sur le site du gouvernement. Pour la première fois, ceux qui nous dirigent dévoilent leurs propriétés, leurs comptes en banque, leurs œuvres d'art. Bientôt, ce sera au tour des parlementaires.

Résultat des courses : huit ministres sur 38 ont un patrimoine net supérieur à 1 million d'euros. Marisol Touraine, Laurent Fabius et Michèle Delaunay sont redevables de l'impôt sur la fortune (ISF). Beaucoup de ministres, sans être richissimes, affichent un patrimoine considérable.

Tous ne sont pourtant pas logés à la même enseigne. Les ministres les plus jeunes (Najat Vallaud-Belkacem, Cécile Duflot, etc.) affichent des patrimoines plus faibles. Et certaines déclarations ne laissent pas d'étonner : Manuel Valls, le locataire de la place Beauvau, possède bien quelques biens mais ses comptes en banque ressemblent furieusement à ceux d'un smicard.

De quoi redonner confiance en la politique ? Des politistes interrogés lundi par Mediapart en doutent fort. « Avec la publication des patrimoines, on est dans une réaction court-termiste à l'affaire Cahuzac, analyse le sociologue Éric Keslassy. Cela ne va pas forcément dans le mauvais sens. Mais François Hollande est pour l'instant dans le symbole tant que ces déclarations ne seront pas assorties d'un vrai contrôle. »

De fait, l'opération vérité n'est pas vraiment complète. « C'est un peu la politique au pays de Dame Tartine, avec les maisons en pain d'épice et les fontaines en limonade, s'amuse le politiste Luc Rouban. On devrait déjà s'assurer de la sincérité de ces déclarations de patrimoines. Car il y a mille et une façons de contourner les règles. Une vraie transparence passerait par des enquêtes élargies sur la famille : vous pouvez très bien mettre un pactole au nom de votre épouse ou créer une société de consultants gérée par un proche. »

A priori, une haute autorité devrait être chargée par la future loi (examinée en conseil des ministres le 24 avril) d'enquêter sur le patrimoine des hommes politiques et de traquer les fausses déclarations. Mais elle n'ira pas enquêter sur les proches. Et encore faut-il qu'elle soit dotée de véritables pouvoirs et moyens.

Reste une réalité qui saute aux yeux : le décalage de niveau de vie entre la majorité des citoyens et ceux qui nous gouvernent. Selon Le Monde, le patrimoine des ministres est de 913 549 euros en moyenne. C'est quasiment le niveau de patrimoine des 10 % de Français les plus riches, quatre fois plus que le patrimoine net moyen des ménages d'après l'Insee. Une réalité marquante, surtout pour un gouvernement de gauche. Mais qui n'est pas pour autant une surprise.

Sociologues et chercheurs s'amusent d'ailleurs de la naïveté avec laquelle la France est en train de redécouvrir « l'accaparement de l'élite politique par un milieu social supérieur » (Éric Keslassy). Car la République française est toujours, plus que jamais même, une République de notables où les classes populaires sont, sauf exceptions, exclues du jeu.

« Plus que dans d'autres pays encore, la classe politique française est dans l'entre-soi », abonde le politiste Luc Rouban, chercheur au Cevipof. Une réalité qui tient aussi bien à la formation des élites en France, au mode de sélection du personnel politique par des partis omniprésents qu'à un système politique où le cumul des mandats est la règle. « En fait, les responsables politiques ne sont pas plus riches que leur classe sociale. La France a un vrai problème de renouvellement de la vie politique », résume Vincent Tiberj, chercheur à Sciences-Po.

Le casting de l'Assemblée nationale en est une cruelle illustration. L'Assemblée nationale de 2012 est surtout un aréopage de cadres, de fonctionnaires et de professions libérales, surreprésentés par rapport à leur réalité sociale. Ouvriers et employés représentent la moitié de la population active, mais seulement 2,6 % des députés. Et il n'y a qu'un seul député ouvrier sur 577, en l'occurrence le Front de gauche Patrice Carvalho – ils étaient trois entre 2002 et 2007, et deux entre 2007 et 2012. La proportion d'ouvriers et d'employés a atteint un pic en 1946 à 18,8 %, juste à la sortie de la guerre. Le PCF à son apogée avait alors raflé 150 sièges. Depuis, à part quelques poussées sporadiques, il ne cesse de baisser, comme le montre ce graphique de l'Observatoire des inégalités :


Ouvriers et employés à l'Assemblée depuis 1871Ouvriers et employés à l'Assemblée depuis 1871© Observatoire des inégalités

« L’élite sociale s’accapare la représentation nationale », résume Éric Keslassy. Le sociologue a passé au crible l'Assemblée élue en 2012. Conclusion : « La surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures et la sous-représentation des employés et ouvriers, par rapport à leurs poids respectifs dans la population active occupée, sont écrasantes (…) et s’accentuent d’une législature à l’autre » :


Les origines socio-professionnelles des députés 
Les origines socio-professionnelles des députés© Institut Diderot

Depuis la IIIe République, bourgeois et grands-bourgeois occupent la scène politique mais, en 2012 encore, « appartenir à la strate supérieure du corps social offre des ressources qui favorisent l’élection », note Éric Keslassy, « un capital économique élevé, un fort capital social (réseau relationnel et statut social) et un nécessaire capital culturel (diplôme et capital politique) ». Un temps, le PCF a assuré l'ascension de profils issus des classes populaires, mais ce rôle s'est estompé avec l'effondrement électoral des communistes. Et malgré ses déclarations d'intention, le PS peine depuis à faire émerger la diversité de la société française.

« Trous noirs »

Cet accaparement a des causes anciennes, qui tiennent à la façon dont les élites en France se créent et se reproduisent. « La sociologie des élites en France, qu'elle soit politique ou économique, c'est une culture de l'entre-soi, explique Luc Rouban. L'histoire des élites en France est structurée par les réseaux et les clans familiaux, qui sont au cœur de la notabilité française. »

L'élite républicaine, formée aux meilleures écoles (Sciences-Po, ENA), n'y échappe pas. Les anciens camarades de François Hollande à l'Ena (la fameuse promo “Voltaire”, sortie en 1980) trustent aujourd'hui les responsabilités, politiques mais pas seulement.

Leurs cadets de la promotion Léopold Sédar Senghor, sortie en 2004, ont rempli les cabinets ministériels sous l'ère Sarkozy et désormais ceux de François Hollande. À l'époque, certains élèves de cette promotion avaient d'ailleurs remis en cause le classement de sortie, qu'ils trouvaient particulièrement accaparé par des “héritiers”, eux-mêmes fils ou fille d'énarquesÀ l'ENA, 70 % des élèves sont issus de parents appartenant aux catégories socio-professionnelles supérieures (cadres, enseignants du supérieur et du secondaire, professions libérales et intellectuelles, chefs d’entreprise de plus de 10 salariés).

 

"La rentrée des chambres" de Rousseau-Decelle, 1907 
"La rentrée des chambres" de Rousseau-Decelle, 1907© DR

Autre facteur : la professionnalisation de la vie politique, à l'œuvre depuis le milieu des années 1970, selon Luc Rouban, auteur d'une grande étude sur le profil sociologique des députés de la cinquième république. « La classe politique qui avait connu la guerre, la Résistance, a disparu et une nouvelle génération est apparue qui a suivi un parcours très balisé : fort investissement local, implications dans le parti et débuts de plus en plus jeune », explique Rouban. Y compris au parti socialiste, où les jeunes élus ont souvent déjà des années de militantisme derrière eux, dans les organisations étudiantes ou encore à SOS-Racisme.

Les députés sont d'ailleurs beaucoup plus diplômés. En 1958, 25 % n'avaient aucun diplôme. En 2007, ils n'étaient plus que 4 %, selon Luc Rouban. Le cumul des mandats, y compris dans le temps, accentue bien entendu cette professionnalisation. De même que l'absence d'un véritable statut de l'élu, qui rend complexe l'engagement politique pour de simples citoyens ou des salariés du privé.

Quand les partis ont l'occasion de s'ouvrir, ils trouvent de toutes façons souvent de bonnes raisons pour ne pas le faire. En 2002, Mariette Sineau et Vincent Tiberj ont étudié la façon dont les partis avaient recruté leurs candidats. « C'était l'occasion de diversifier le corps politique. Mais les grands partis avaient plutôt choisi des diplômés du supérieur. Il y a une sorte de profil-type du bon candidat : il n'est ni jeune, ni ouvrier, ni d'origine beur et ce n'est pas une femme. Il appartient aux classes moyennes supérieures. Il y a une vraie logique de reproduction », résume Tiberj.

De fait, l'exclusion des classes populaires s'accompagne d'un décalage grandissant avec la réalité de la société française. L'Assemblée nationale reste ainsi très peu féminisée (26,5 %) et seuls 10 députés sont issus des minorités visibles. Le député type reste un homme blanc, de plus de 50 ans, issu des classes supérieures, résume Éric Keslassy. « Les partis ne veulent pas s'ouvrir à la diversité politique. Les places sont chères, les élus se disent qu'il n'y a pas de raison de les donner. Cette absence de représentativité sociale, de genre d'âge et d'origine est à la fois le symptôme et la cause de la crise démocratique. Un symptôme, parce que la politique ne concerne plus qu'une faible partie des citoyens. Mais aussi une cause : alors que les politiques sont jugés de plus en plus inefficaces, le dégoût des citoyens vis-à-vis des politiques tire sa force du sentiment que les politiques sont nuls mais qu'en plus, ils ne leur ressemblent pas. »

« Avec des partis omnipotents pour décider qui seront leurs candidats, pas de proportionnelle aux élections, et le cumul des mandats qui concerne 80 % des parlementaires, on est à peu près en France dans le pire des systèmes possibles si l'on veut que la classe politique se renouvelle, déplore Vincent Tiberj. Le discours républicain a longtemps masqué cette réalité mais aujourd'hui ce décalage devient flagrant et la comparaison avec les autres pays est terrible. »

D'autant qu'en dépit de la transparence annoncée, subsistent, ajoute le chercheur, des « trous noirs » de la démocratie comme la réalité des avantages en nature des élus, qui ne sont pas rendus publics, ou des structures opaques comme les intercommunalités. On pourrait aussi y ajouter la réserve parlementaire, qui constitue un pactole distribué à discrétion par les parlementaires en toute opacité (elle devrait être rendue publique à l'Assemblée nationale à la fin de l'année).

« En un mot, il faudrait que notre démocratie se transforme vraiment », insiste Tiberj, qui craint de voir la pression sur les politiques vite retomber, sitôt passée l'onde de choc de l'affaire Cahuzac.

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Démocratie Réelle Maintenant des Indignés de Nîmes
  • : Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
  • Contact

Texte Libre

INFO IMPORTANTE

 

DEPUIS DEBUT AOÛT 2014

OVERBLOG NOUS IMPOSE ET PLACE DES PUBS

SUR NOTRE BLOG

CELA VA A L'ENCONTRE DE NOTRE ETHIQUE ET DE NOS CHOIX


NE CLIQUEZ PAS SUR CES PUBS !

Recherche

Texte Libre

ter 

Nouvelle-image.JPG

Badge

 

          Depuis le 26 Mai 2011,

        Nous nous réunissons

                 tous les soirs

      devant la maison carrée

 

       A partir du 16 Juillet 2014

            et pendant l'été

                     RV

       chaque mercredi à 18h

                et samedi à 13h

    sur le terrain de Caveirac

                Rejoignez-nous  

et venez partager ce lieu avec nous !



  Th-o indign-(1)

55

9b22