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18 novembre 2011 5 18 /11 /novembre /2011 11:01
| Par Jade Lindgaard

Après l'accident de Fukushima, les experts en sûreté ont annoncé un changement radical de leur « doctrine » : il leur faut désormais « imaginer l'inimaginable ». En clair, imaginer des inondations, des séismes ou des accidents industriels a priori improbables, et regarder l'effet que ces aléas pourraient produire sur les centrales nucléaires françaises. C'est chose faite. 

L'IRSN, appui technique de l'autorité de sûreté nucléaire (ASN), après l'analyse des rapports rendus par les exploitants du nucléaire (EDF, Areva, CEA...) dans le cadre des évaluations complémentaires de sûreté commandées à la suite de la catastrophe japonaise, a rendu ce jeudi ses conclusions (rapport, avis et résumé sont à lire ici). Le résultat est sans appel : les centrales, dans ces conditions, sont défaillantes.

Ces « stress tests » révèlent en effet que, dans « un certain nombre de scénarios extrêmes » (inondations, séismes...), les dispositifs « assurant tout ou partie des fonctions de sûreté essentielles pourraient être mis en échec du fait de la survenue d'agressions extérieures de grande ampleur ». Et en particulier si ces aléas entraînent une perte prolongée des sources d'énergie électrique – c'est ce qui s'est produit à Fukushima – ou des sources froides, indispensables au refroidissement du réacteur et de la piscine de combustible usagé.

« La protection de ces équipements de sauvegarde vis-à-vis des aléas environnementaux est dans certains cas insuffisante », écrit l'IRSN. Par exemple, les « filtres à sable », dispositifs de dépressurisation et de filtration de l'enceinte des réacteurs, qui doivent retenir le césium, un élément radioactif, en cas de rejet dans l'environnement, par exemple s'il y a fusion du cœur, « ne sont pas actuellement conçus » pour faire face à un séisme d'intensité imprévue.

 

Affiche anti nucléaire, village Avignon mon amour, 15 octobre 2011 (JL)
Affiche anti nucléaire, village Avignon mon amour, 15 octobre 2011 (JL)

Concrètement, s'il se produisait aujourd'hui en France un aléa naturel aussi improbable que le fut la conjonction du tsunami et du séisme au Japon en mars dernier, le système électronucléaire hexagonal ne serait pas en meilleure capacité de réagir que l'ont fait Tepco et les autorités japonaises. Pourquoi ? Parce qu'il est toujours régi par le postulat qu'« un accident grave ne peut être engendré par un phénomène naturel externe à l'installation », écrit le rapport. C'est ce principe historique que l'INRS veut bousculer en conduisant les exploitants à s'adapter à une nouvelle philosophie du risque autour de « noyaux durs » permettant se surprotéger un petit nombre d'équipements jugés essentiels.

« La sûreté n'est pas statique, on ne peut pas dire, parce que l'on demande des dispositions nouvelles, que les installations n'étaient pas sûres auparavant », précise Jacques Repussard, directeur-général de l'IRSN, avant d'ajouter: « Elles sont raisonnablement sûres mais il ne faut pas s'interdire de faire encore mieux. » Pour André-Claude Lacoste, président de l'ASN, « on est face à des investissements massifs » qui vont « prendre des années ».

Aujourd'hui, aucune installation hexagonale ne présente de danger imminent. Mais toute une série de fragilités ont été identifiées. Les problèmes se situent à plusieurs niveaux : non-respect du référentiel de sûreté, sous-estimation de certains risques naturels (crues de fleuves, séisme), et surtout : le vaste impensé du risque a priori « inimaginable ».

Or, c'est l'une des premières leçons qui semblent pouvoir être tirées de Fukushima, ajoute Jacques Repussard : « Les petits défauts apparamment anodins peuvent avoir des conséquences très graves. » Par exemple, les générateurs diesel, indispensables pour assurer l'alimentation électrique en cas de coupure d'accès au réseau, énergie elle-même indispensable au refroidissement du réacteur – pour éviter qu'il ne s'emballe –, ne disposent pas d'assez de réserve de fioul pour fonctionner longtemps.

«Les petits défauts peuvent avoir des conséquences très graves»

Autre exemple : les batteries de secours des réacteurs ne sont pas étanches, ce qui pose un problème en cas d'inondation. Pour Jean-Christophe Niel, directeur-général de l'ASN, la nouveauté, c'est d'insister sur les risques de cumul d'écarts, plutôt que de les envisager indépendamment. « Ce ne sont pas des défauts majeurs mais en cas de situation grave, cela fragilise l'installation » car « cela réduit les marges disponibles », ajoute Jacques Repussard. C'est ce que les initiés appellent l'« effet falaise » : il suffit de pas grand-chose pour qu'une situation bascule. 

De façon significative, cette critique du petit défaut pouvant contribuer, par accumulation, à la catastrophe, c'est exactement ce que dénoncent ces derniers mois certains agents EDF (voir notamment la tribune de Laurent Dubost sur un incident en salle des machines à la centrale de Belleville-sur-Loire). 

L'IRSN publie ainsi ce graphique très intéressant : en vert, c'est le domaine de dimensionnement actuel pour lequel un bon niveau de défense contre les aléas est établi. En rouge, les zones à redéfinir. On y voit que plus la crise est grave, moins bonne est la protection contre les aléas.

 

 Ce que les experts mettent en cause, c'est à la fois le manque de certains matériels et de réactivité, et la mauvaise remontée de certaines informations. Les sous-traitants sont-ils assez bien formés à la culture de sûreté ? En capacité de réagir comme il le faut en cas de problème ? Pour l'IRSN, la réponse n'est pas claire. Des agents de la centrale de Belleville-sur-Loire signalent à Mediapart la présence de personnel non francophone sur le chantier de leur dernier arrêt de tranche, et l'absence de traducteurs. Comment les uns se coordonneraient-ils aux autres en cas de problème ?

Pour Philippe Saint-Raymond, président du groupe permanent d'experts pour les laboratoires et les usines auprès de l'ASN, « sur toutes les installations, on constate des problèmes de conformité, petits ou plus importants ». Autre exemple, les salles de contrôle des centrales nucléaires « ne tiennent pas au séisme », et « le risque de toxicité chimique n'est pas pris en compte de façon suffisante ». Le risque terroriste n'a lui-même pas été envisagé par ces évaluations de sûreté. Quant aux sites d'Areva (dont La Hague et Melox, où se fabrique le désormais fameux Mox), s'ils sont bien dotés de moyens de gestion de crise, ils ne sont pas assez « robustes », explique Philippe Saint-Raymond.

Face à ses analyses critiques, l'observatoire du nucléaire, association fondée par l'ancien porte-parole de Sortir du nucléaire, Stéphane Lhomme, considère que « pour l'IRSN, les centrales nucléaires peuvent continuer à fonctionner... malgré leur sûreté défaillante ». C'est la règle du jeu de ces évaluations de « faire ressortir les points faibles majeurs », répond Jacques Repussard. Tous les yeux se tournent maintenant vers l'ASN qui doit rendre ses conclusions à partir des analyses de l'IRSN d'ici le début de 2012. Seules ses conclusions pourraient revêtir un caractère de contrainte. Au niveau européen, les autorités de sûreté doivent rendre un rapport commun pour juin 2012.

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