Médiapart - 22 novembre 2011 |
Comme presque chaque année depuis dix ans, un convoi de déchets nucléaires vitrifiés doit quitter Valognes, dans la Manche, mercredi 23 ou jeudi 24 novembre à destination de l'Allemagne. Mais en pleine controverse nationale sur l'avenir de la filière, le départ de ce train « Castor » (acronyme anglais de « Cask for storage of transport of radioactive material »), avancé d'un jour, suscite une mobilisation particulière des anti-nucléaires. Un camp d'activistes « Stop Castor » s'est implanté près de Valognes, gare proche de La Hague, d'où sont partis les colis, pour tenter de bloquer le transport. Pour le collectif du camp Stop Castor : « Partout dans le monde, le tissu de raisonnements spécieux, de promesses mirifiques et de mensonges éhontés avec lequel se soutenait le lobby nucléaire se déchire. » Ils appellent à « bloquer l'industrie du nucléaire» (lire ici leur tribune « le train de déchets radioactifs ne partira pas comme ça »).
Au total, ce sont 11 colis de type « Castor HAW 28 M », d'environ 7 mètres de long, contenant chacun 28 canisters (à part le dernier qui n'en compte que 21) qui doivent rejoindre Gorleben, village du nord de l'Allemagne où sont stockés des rebuts radioactifs. Chaque contenant de ce type permet de conditionner 56 kg de produits de fission dans une matrice de verre, explique l'autorité de sûreté du nucléaire (ASN). Sa masse totale atteint 490 kg. Ce sont des déchets de haute activité à vie longue. C'est le dernier train de ce type qui doit voyager entre la Normandie et l'Allemagne. Il a été autorisé à circuler par le gendarme du nucléaire.
Vendredi dernier, des mesures de radioactivité ont été effectuées autour du chargement sous la houlette de l'ASN. Tous les résultats enregistrés sont bien inférieurs au seuil légal : les débits de doses évalués au contact et au centre des capots de protection des colis de déchets sont de l'ordre au total de 130 microsieverts par heure (micro Sv/h) – un millisievert équivaut à 1000 microsieverts – annonce l'Association pour le contrôle de la radioactivité de l'Ouest (Acro), un laboratoire indépendant saisi pour la première fois par l'ASN pour conduire une expertise pluraliste et contradictoire à côté de celle des experts institutionnels de l'IRSN. Des représentants de comités locaux d'information (Cli) et de Greenpeace étaient également présents.
A deux mètres, l'Acro mesure encore au total 37 micro Sv/h. Selon ses analyses, « ces valeurs respectent la réglementation relative aux transports des matières radioactives – notamment la limite de 100 micro Sv/h à 2 m – mais elles sont loin d'être anodines pour autant, s'agissant de convois qui circulent et stationnent dans des lieux où des personnes du public peuvent être présentes ». Ainsi, à deux mètres d'un wagon, les niveaux d'exposition atteignent respectivement 150 fois le bruit de fond gamma ambiant et 2500 fois le bruit de fond neutrons ambiant. Le rayonnement pourrait être détectable jusqu'à 60 mètres.
Selon la réglementation en vigueur, le débit d'équivalent de dose au contact du colis et du véhicule ne doit pas dépasser 2 millisieverts par heure (mSv/h). A deux mètres du véhicule, le débit doit rester inférieur à 0,1 mSv/h.
Les valeurs mesurées restent « très en dessous des normes », analyse Alain Corréa du collectif Stop-EPR, ni ici, ni ailleurs, lui aussi convié, « mais à 30 mètres du convoi, ça débarbouille ». L'activité neutronique préoccupe aussi Guillaume Blavette du Réseau sortir du nucléaire, pour qui cela indique « qu'il reste une activité nucléaire, infinitésimale, alors même que les déchets sont vitrifiés ».
L'Acro conclut d'ailleurs que le public devrait être informé lors des passages de ce type de convois radioactifs. Et que le personnel SNCF susceptible d'être exposé devrait être formé et faire l'objet d'un suivi dosimétrique individuel. L'année dernière, le transport d'un convoi équivalent avait suscité la mobilisation de plusieurs milliers de personnes en Allemagne, qui avaient notamment organisé des sit-ins autour des voies afin de retarder l'avancée du train.