Bien sûr, il y avait quelques démonstrations festives. Mais la manifestation en faveur du mariage pour tous ce dimanche en France n’avait rien d’une « gay pride ». Ce n’est pas une communauté qui est descendue dans la rue pour dire sa fierté identitaire. C’est une France solidaire qui s’est jointe aux gays et aux lesbiennes pour dire sa honte de voir la simple égalité des droits si douloureusement consacrée.

Des grands-parents, des mères de familles tout ce qu’il y a de plus hétéros, des garçons qui aiment les filles sont en quelque sorte venus crier : « Nous sommes tous des homosexuels ! » Une jeune lycéenne, fille de deux mamans, le résumait avec ses mots : « Ça fait tellement de bien ! » Une mère d’homo le disait avec les siens : « Ça répare tant de mal. »

Depuis des mois, ce débat stupéfie par ses outrances. On ne parle pas que des amalgames grotesques faits avec la pédophilie, la polygamie et même, récemment encore, le handicap mental. Laissons au parti de Christine Boutin sa dernière saillie : « Plus de monde à l’arrivée du Vendée Globe qu’à Paris : on voit où sont les vraies valeurs. » L’homophobie rampante sous-tend bien des discours des anti-mariage quand ils parlent simplement de « familles normales ». Savent-ils, ceux-là qui prétendent n’avoir en tête que l’intérêt de l’enfant, que des adolescents se suicident encore lorsqu’ils se découvrent « différents » ?

François Hollande l’a rappelé vendredi. Il ne retirera pas son projet. Mais que ne l’a-t-il davantage porté, lui qui après avoir envisagé un temps une clause de conscience pour les maires récalcitrants renvoie désormais la question de la procréation assistée à une loi ultérieure ? En campagne, il promettait une société apaisée. Ecouter ses opposants est certes à son honneur. Mais pourquoi donner le sentiment aux anti-mariage gay qu’ils ont pu l’« ébranler » ? Le changement, c’est indiquer avec force à une nation frileuse et campée sur son conservatisme le chemin du progrès.

En 1974, la France était à l’avant-garde du droit des femmes en dépénalisant l’avortement. Près de quarante ans plus tard, du mariage gay à l’euthanasie, elle est à la traîne en Europe sur pratiquement tous les sujets d’éthique.

Parce que mieux vaut en sourire qu’en pleurer, le dernier mot revient à ces Belges venus manifester hier à Paris : « Le mariage homo existe depuis dix ans chez nous. Et on y mange toujours les moules avec des frites. »