
Les organisateurs voulant conférer un caractère solennel à leur protestation, ils avaient décidé de marcher en silence. « Ce qui n’a pas été facile, de révéler Me Bourget, puisque les gens dans les rues nous applaudissaient et voulaient nous parler. Mais nous sommes demeurés silencieux… jusqu’à ce qu’on arrive à la place Émilie-Gamelin. Là, on a été accueillis par un tonnerre d’applaudissements et tout un tintamarre, dans une ambiance électrisante ! »
La marche avait deux objectifs : faire part des inquiétudes des juristes quant au contenu de la loi 78, « qui, selon nous, brime les libertés fondamentales », ainsi que faire valoir « notre désarroi » devant une perte de confiance prévisible de la part des citoyens à l’endroit de nos institutions.
Dès le départ, Me Bourget était très conscient des risques que prenaient maints juristes en menant une telle dénonciation publique. « Je dirais que les craintes que certains entretenaient se sont concrétisées », dit-il.
« Il n’y a pas de conséquences pour moi puisque je suis avocat en pratique privée, précise-t-il. Par contre, mon confrère François Desroches, avocat à la SAAQ, a été directement visé par les commentaires du ministre Moreau. Puisqu’il y a une enquête administrative en cours, par respect pour François, je ne veux pas commenter sa situation, mais disons que ça vient simplement démontrer tout le courage que ça prenait pour certains avocats de descendre dans la rue ! »
Rémi Bourget insiste sur le fait que notre système de justice se fonde sur la primauté du droit. Il est par conséquent essentiel pour les juristes de montrer que la loi 78 doit être respectée, tout en demandant qu’elle soit déclarée inconstitutionnelle. « Notre marche est peut-être la seule manifestation à avoir été à 100 % légale depuis l’adoption de la loi 78, lance l’avocat. Nous avons respecté l’itinéraire qu’on avait fourni huit heures d’avance à la police. C’était fondamental pour nous. »
Au Québec, on a la chance d’avoir une constitution basée sur la primauté du droit, insiste-t-il. « Donc, lorsqu’il y a des lois qui contiennent des abus de pouvoir, on peut les faire déclarer inconstitutionnelles. Mais la façon de faire, c’est devant les tribunaux - et non en les bafouant dans la rue. Avec notre marche, nous avons respecté la loi, tout en la contestant. »
Cette marche silencieuse par des centaines de juristes a fait sensation à travers le monde. « J’ai été contacté par différents groupes, notamment par des défenseurs des droits civils dans d’autres pays, raconte Me Bourget. Ils ont demandé à nous rencontrer… On verra ce que cela peut donner, mais disons que notre démarche a eu des échos à travers le monde », conclut-il avec satisfaction.