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Par democratie-reelle-nimes
Un opposant au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes repousse un gendarme mobile, le 24 novembre 2012 (Laetitia Notarianni/AP/SIPA)
« Je fais en sorte que tous les recours puissent être traités par une justice indépendante », déclarait la semaine dernière François Hollande au sujet de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes. Les opposants au projet aimeraient bien qu’il dise vrai et que la « force du droit » leur donne in fine raison... Las, l’Etat ne donne pas le temps aux recours d’être jugés sereinement, et déloge les manifestants avec des procédures bancales.
Rappelons que cela fait plus de quarante ans qu’une plate-forme aéroportuaire est en projet sur cette zone de bocage située à 30 km de Nantes. A l’époque des Trente glorieuses, ni la sauvegarde des zones humides ni la préservation de la biodiversité, et encore moins le réchauffement climatique, n’étaient des « causes » politiques. Les temps ont bien changé.
Raphaël Romi, professeur de droit de l’environnement et élu Europe écologie - Les Verts (EELV) à Nantes, ancien militant du PSU, connaît bien Jean-Marc Ayrault avec qui il défilait en 1997 contre le projet de centrale nucléaire du Carnet, annulé. Cet ancien camarade suggère une porte de sortie au Premier ministre :
« Si le gouvernement a tant confiance dans la force du droit, qu’il annonce un moratoire de deux ans et attende l’épuisement des recours juridiques. Mieux encore, qu’il couple les élections locales de 2014 avec un référendum sur le sujet. Ou alors qu’il profite de la révision du schéma national des infrastructures de transports (Snit) pour sortir de ce dossier sans humiliation et montrer l’exemple dans sa région ».
Car les recours contre le projet d’Aéroport du Grand-Ouest (AGO) sont encore assez nombreux. N’étant pas suspensifs, ils ne peuvent bloquer l’avancement des travaux. Mais l’Etat prend le risque de se faire condamner a posteriori, ce qui n’est pas très glorieux. Tour de piste des actions juridiques en cours et de leur chance d’aboutir.
C’est la plus ancienne des contestations : les propriétaires terriens ont quasiment perdu leur combat contre Vinci et sont en train de se faire exproprier. Après qu’ils ont refusé la proposition de 16 cents par mètre carré (1 600 euros l’hectare), le juge leur a finalement accordé 27 cents le mètre carré (2 700 euros l’hectare). Deux dossiers se sont pourvus jusqu’en cour de cassation, la date de leur examen n’est pas encore fixée.
L’arrêté de cessibilité, le document par lequel le préfet liste les parcelles à exproprier, doit par ailleurs être jugé devant le tribunal administratif le 6 décembre prochain.
En début d’année, après avoir fait faire une contre-étude par un cabinet indépendant, le collectif des élus doutant de la pertinence du projet d’aéroport (Cédpa), a demandé au Premier ministre, François Fillon à l’époque, d’annuler la déclaration d’utilité publique (DUP) de février 2008. Devant l’absence de réponse, qui vaut refus d’abroger, le Cédpa a saisi le Conseil d’Etat.
Pour le collectif, Françoise Verchère, élue régionale Front de Gauche, affirme :
« Notre contre-étude montre que la DUP est fondée sur des chiffres faux. Les circonstances de droit et de fait ont changé, la hausse des prix du pétrole, l’entrée du secteur aérien dans le marché d’échange de carbone, les prévisions d’augmentation de trafic, tout cela remet en cause la pertinence de l’aéroport. »
Le Conseil d’Etat récemment saisi du dossier mettra huit mois à deux ans pour rendre sa décision. Il est déjà arrivé que des projets déclarés d’utilité publique soient annulés par la juridiction administrative suprême, pour des motifs écologiques. Par exemple, la construction d’une ligne à très haute tension dans les gorges du Verdon a été annulée par le Conseil d’Etat en 2006.
Deux associations, l’Acipa et le Cédpa ont saisi le 24 octobre la commission des pétitions du parlement européen, au nom du respect de plusieurs directives européennes, qui ont force de droit en France. Cette démarche peut déboucher sur une saisie de la Cour de justice de l’Union européenne et une condamnation de la France.
C’est probablement la procédure qui a le plus de chances d’aboutir. Selon l’eurodéputée EELV Sandrine Bélier, membre de cette commission, les arguments des mandants sont « solides » : non respect de la directive sur l’évaluation des incidences sur l’environnement, de la directive cadre sur l’eau, des directives dites « oiseaux » et « habitats »...
La commission des pétitions du parlement européen va entendre les arguments des deux parties, peut décider de se déplacer sur le terrain, demander des compléments d’information… et in fine jouer le rôle de médiateur européen, en évitant d’aller jusqu’au contentieux et à la condamnation. Sandrine Bélier pense que la France est susceptible d’être mise en défaut sur quatre points :
la réglementation Natura 2000 sur les habitats remarquables et les espèces protégées menacées d’extinction. Ici, plusieurs espèces sont mises en péril par le projet, notamment le fluteau nageant. Les procédures de demandes de dérogations de destructions d’espèces protégées sont indéfendables...
Les militants écologistes en sont persuadés : c’est la question cruciale de l’eau qui fera tomber le projet d’aéroport. Le sujet est très sensible en Bretagne, minée par les problèmes de nitrates et d’algues vertes, et la France a déjà été condamnée pour non respect de la réglementation européenne.
Le site choisi pour l’aéroport correspond au bassin versant de la Vilaine dans le si fragile estuaire de la Loire, et il est déjà arrivé que la protection de cette zone fasse tomber des projets, comme l’extension du port de Saint-Nazaire à Donges-Est annulée en 2009.
Une commission indépendante a examiné le projet d’aéroport à l’aune de la loi sur l’eau, et son avis, qui vient d’être rendu, est mi-chèvre mi-chou. Elle donne son aval mais émet deux réserves importantes :
D’ici la fin de l’année, le préfet doit prendre un arrêté autorisant les travaux et dire s’il reprend les réserves de cette commission. Raphaël Romi, professeur de droit de l’environnement, en est convaincu :
« Si l’arrêté est pris sans que les réserves soient levées, un recours sera déposé et il a de grandes chances d’être annulé. La Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), France nature environnement (FNE) et Bretagne vivante sont très incommodées par la tournure que prennent les débats. »
Vinci propose une méthode expérimentale de compensation des zones humides : au lieu de « recréer » deux mares là où il en détruit une, Vinci propose une « compensation fonctionnelle », méthode qui laisse perplexe nombre de spécialistes.
Eric Delobel, directeur général adjoint d’Aéroport Grand-Ouest en charge du futur aéroport, se veut « très confiant sur la suite des événements ». Il explique attendre l’arrêté du préfet qui sera sa « feuille de route concernant les aspects la loi sur l’eau et zones humides » :
« Les travaux préparatoires démarreront après. Nous commencerons par le transfert des espèces protégées, le défrichement et le diagnostic archéologique. »
Il concède qu’il faudra couper les arbres de la lande de Rohanne, mais explique que « couper un arbre n’est pas une destruction irréversible [tant qu’il n’est pas “désouché”, ndlr] ». Et pense avoir le temps, avant les travaux de terrassement en vue de la construction de la piste prévus au printemps 2014, d’attendre les conclusions des experts scientifiques. Il justifie :
« Nous avons une approche qualitative et non quantitative des zones humides, certaines ont plus de fonctionnalités que d’autres. »
Pas du tout de cet avis, l’élu EELV Raphaël Romi voit trois solutions se profiler pour les mois qui viennent :
Jean-Marc Ayrault saura-t-il saisir la porte de sortie ?
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