Source : blogs.mediapart.fr/edition/que-vive-la-grece
Οι ζωές μας αξίζουν περισσότερο από τους λογαριασμούς τους!
Nos vies valent plus que leurs comptes !
Les menaces qui s’adressent aux Grecs actuellement afin de les dissuader de voter pour Syriza le 25 janvier prochain deviennent de plus en plus fortes, pressantes…
Monsieur Juncker, le Président de la Commission européenne se contentait, il y a peu, de dire qu’il préférerait, après de possibles élections grecques, revoir des visages familiers représenter à nouveau la Grèce. N’ignorant pas que le leader de Syriza, Alexis Tsiparas, a annoncé la fin de la politique d’austérité et l’annulation d’une majeure partie de la dette, le ministre allemand des finances, Monsieur Schaüble, est allé plus loin, déclarant que « de nouvelles élections ne changeront pas les accords que nous avons conclus avec le gouvernement grec », ajoutant qu’il n’y avait « pas d’alternative ». Le Commissaire européen à l’économie, Pierre Moscovici, a franchi encore un cran. En visite à Athènes le 15 décembre dernier, Moscovici a averti : « L'idée d'envisager de ne pas rembourser une dette énorme est suicidaire. Ce n'est pas possible, ça signifierait faire défaut et c'est ce que nous avons cherché à éviter pendant des années ».
Pierre Moscovici ignore superbement et ne partage en rien le quotidien des Grecs qui s’apparente pour un grand nombre d’entre eux à une situation de crise humanitaire. Le Commissaire européen n’a pas le droit d’utiliser impunément le terme de « suicidaire » pour qualifier une décision souveraine que prendrait un nouveau gouvernement élu au suffrage universel. Si ce terme mérite d’être employé, c’est bien pour décrire la politique suivie depuis 2008 et ses conséquences désastreuses pour le pays et sa population. En effet, le taux de suicide des Grecs a explosé à mesure que la politique mortifère mise en œuvre étendait ses effets dans toutes les dimensions de la vie sociale et économique.
Quelles sont les données réelles de la situation financière de la Grèce aujourd’hui ?
En apparence ou, plus exactement, dans le contexte politique et économique actuel, la Grèce ne paraît pas aujourd'hui pouvoir se financer seule. Le pays semble toujours dépendre de la solidarité européenne et internationale. Cependant, à la différence de 2010 et 2012, les marchés ne peuvent plus contraindre la Grèce à sortir de la zone euro ou à se déclarer en faillite. Si Syriza arrive au pouvoir, l’éventuelle menace d’exclusion de la zone euro ne serait pas le fait des marchés, des banques (qui ont transféré leurs créances) ou de Syriza mais celui des créanciers publics du pays : les Etats de la zone euro, le MES (où l'Allemagne dispose d'un droit de veto au conseil d'administration), la BCE et le FMI. Si ces créanciers refusent de s'entendre avec le nouveau pouvoir démocratiquement élu à Athènes, alors on pourrait considérer qu’ils disposent apparemment effectivement des moyens de contraindre la Grèce : en refusant de financer plus avant l'Etat grec ou en coupant l'aide à la liquidité d'urgence de la BCE accordée aux banques helléniques
En juin prochain, la Grèce devra rembourser 6 milliards d'euros à la BCE. Comme on le sait, la BCE a annoncé refuser de renouveler cette dette. Le résultat des sacrifices des Grecs (l’excédent primaire de 2014) apparaît ainsi d’ores et déjà englouti dans cette seule créance. En dépit de sa brutalité, l' « ajustement » grec ne semble donc pas encore suffisant. Sauf changement d’orientation, les Grecs seront donc appelés à prolonger leurs efforts : hausse des impôts, baisse de dépenses publiques, nouvelle réforme des retraites et « libéralisation » des licenciements collectifs constituent les issues prévisibles et qui ne manqueront pas d’être exigées par les créanciers. Une voie que même le gouvernement Samaras considère désormais comme socialement et économiquement suicidaire….
Athènes, dépendant apparemment du financement des institutions européennes et internationales, pourrait être menacé par elles d’exclusion de la zone Euro mais, paradoxalement, pourrait répondre à cette menace en affirmant son attachement à la zone Euro et en annonçant unilatéralement deux mesures : l’arrêt du paiement des intérêts et la restructuration d’une majeure partie de la dette (les deux tiers sans doute afin de revenir aux 60% retenus par le Traité de Maastricht). L’objectif énoncé à plusieurs reprises par tel dirigeant de Syriza d’abaissement du niveau de remboursement de la dette publique de 4% à 2% pour les dix prochaines années est bien un objectif a minima.
Les intérêts de la dette publique grecque représentent sans doute 20-25% des dépenses de l’Etat. Il s’agit ainsi du premier poste de dépense.
Alexis Tsipras, dans son discours de septembre à Thessalonique, a considéré que le nouveau gouvernement grec sitôt élu remettrait en cause les mesures prises par les différents mémorandums et répondrait par des mesures d’urgence à la crise humanitaire.
Il n’est pas réaliste de penser que le coût très immédiat de ces décisions, tant attendues par le peuple grec, sera financé par des crédits européens ou par des rentrées fiscales résultant de la lutte contre l’évasion fiscale ou la corruption.
La seule manière de dégager les marges de manœuvre nécessaires est de déclarer que le nouveau gouvernement cessera sine die tout paiement des intérêts.
Bien sûr, la réaction des institutions européennes (la Commission, la Banque centrale) et internationales (le Fonds monétaire international) sera très négative.
Mais à cela il convient de répondre de deux façons : c’est d’abord la confiance du peuple grec dont il convient de s’assurer. Quant à la décision d’arrêter le paiement des intérêts, il s’agit d’une décision souveraine du nouveau gouvernement.
A quelles mesures de rétorsion peut-on s’attendre de la part des institutions internationales ?
Une suspension sans doute immédiate de tout versement à la Grèce.
Cette menace est de portée assez limitée :
- Côté européen, il reste à verser une dernière tranche de 1,8 milliard d’euros
- Côté Fonds monétaire international, il reste à verser 12,6 milliards d’ici mars 2016
- Dans l’hypothèse discutée actuellement d’un nouveau plan, une dizaine de milliards supplémentaires de « précaution » seraient envisagées (en contrepartie, comme toujours, de nouvelles mesures de régression sociale).
Il convient d’observer que ces sommes (entre 20 et 25 milliards d’euros), qui pourraient ne pas être versées à la Grèce, sont relativement mineures si on les compare aux 225,6 milliards déjà versés.
Le risque pour les institutions internationales serait que le nouveau gouvernement grec déclare, en cas de conflit ouvert, quelque chose de beaucoup grave que le non-paiement des intérêts : sa volonté alors de dénoncer la totalité de la dette publique.
La réalité d’une nouvelle crise grecque à venir est celle donc d'un débat qui sera tendu entre des créanciers qui semblent vouloir demeurer inflexibles et un gouvernement qui demanderait qu'on prenne en compte la situation réelle du pays et engagerait le pays vers la voie ferme de la reconstruction.
Après plus de six années d’austérité, l'économie grecque est en ruine. « L'ajustement » s'est transformé en désastre : la richesse nationale produite chaque année est inférieure d'un quart à celle de 2008. La pauvreté et la précarité ont explosé, le chômage touche plus du quart de la population. De l’avis général, reflété par la presse économique pourtant peu encline à la sympathie pour Syriza, il s’agit d’un des pires désastres économiques survenus en temps de paix. Mais surtout, ce lourd tribut n'a en rien permis de mettre sur pied un modèle économique pour le pays.
Si les créanciers veulent rentrer dans leurs fonds, les Grecs, eux, veulent retrouver les moyens de vivre et se développer.
Le slogan de campagne de Syriza pourrait ainsi être « Nos vies valent plus que leurs comptes ! »
En dehors du tourisme et d’un armement naval largement « offshore », quelle peut être la base du développement de l’économie grecque ? D’un montant qui représente 175 % du PIB grec, la dette semble être le problème du pays. Une dette qui contraint les gouvernements à dégager des excédents primaires toujours plus importants donc à priver l'économie nationale de ressources. Cette dette empêche de répondre à l’immense détresse sociale causée par l'austérité et empêche tout investissement dans l’avenir.
La proposition de Syriza d'une conférence calquée sur celle de 1953 qui avait annulé l'essentiel des dettes allemandes d'avant-guerre, identifie une des sources du mal grec et tente d'y apporter une solution. Seul un budget grec avec un niveau de dette nettement réduit est de nature à rendre possible la reconstruction du pays et ouvrir ainsi la voie vers un nouveau modèle de développement lequel constitue l’enjeu principal à moyen/long terme. Faute d’un effacement suffisant de la dette, le pays continuera à décliner.
Dans ce contexte,l'attitude des créanciers de la Grèce paraît éminemment critiquable, y compris en tenant compte de leur intérêt bien compris. Le mémorandum de 2012 prévoyait une réflexion sur la dette une fois arrivé le premier excédent primaire. Amplifiant les mesures prises par ses prédécesseurs, pendant deux ans, le gouvernement Samaras a saigné le pays pour parvenir à cet objectif et tenter d’engager des discussions. Mais les créanciers européens n'ont rien voulu savoir et le sujet d’une renégociation de la dette a été soigneusement évité.
Comment expliquer la cécité des créanciers de la Grèce ?
Depuis 2010, semble exister une approche que certains qualifient de « morale » de la crise grecque. Il faudrait faire un exemple avec un pays qui a manqué de sérieux budgétaire. Toute concession envers Athènes est donc perçue comme une défaite morale. D'où les négociations toujours très tendues avec la Troïka qui se terminent souvent par de nouvelles mesures qui sont autant de preuves que la Grèce « paie » pour le versement de toute aide. A côté de ces considérations marquées par une morale protestante qui voit dans la dette une faute (les deux termes, dette et faute, sont les mêmes en allemand : « Schuld »), il existe cependant des considérations puissantes et très matérielles. L'Allemagne, longtemps favorable à la restructuration de la dette pour que les créanciers « prennent leurs responsabilité », a changé d'option. Elle rejette désormais toute coupe dans la dette grecque. C'est que l'Allemagne est devenue, comme les autres pays de la zone euro, elle-même créancière.
L'intégralité des versements effectués par les pays de la zone euro en direction de la Grèce s'élève, comme nous l’avons vu, à plus de 220 milliards d'euros. Si la Grèce devait cesser ses paiements, le coût pour ces pays serait très lourd. La France devrait accuser d'un peu moins de 29 milliards d'euros. Pour l'Allemagne, la facture serait de même importance. Plus encore que financier, le prix à payer serait politique. Pour la Chancelière allemande, qui a toujours défendu l'idée que la Grèce ne coûterait rien au contribuable allemand, ce serait un désastre. En France, les conséquences sur la situation financière de l’Etat seraient préoccupantes mais il ne semble pas y avoir de doute non plus sur les effets que produirait une telle configuration sur les intentions de vote en faveur de l’extrême droite du FN.
Il est de plus en plus évident que la même politique que celle initiée en Grèce conduite en France comme dans les autres pays européens produit les mêmes effets. C’est avec cette politique qu’il faut en finir, partout. Partout, un nouveau modèle de développement doit être élaboré et mis en œuvre afin d’instaurer les conditions de renouveau des activités productives et de la démocratie.
Source : blogs.mediapart.fr/edition/que-vive-la-grece