Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
C’est une belle prise pour l’équipementier télécom chinois Huawei dans sa bataille contre les tentatives de mise à l’écart en Europe, et particulièrement en France, afin de sauver les Alcatel et Nokia en difficulté. Huawei a engagé Serge Abou, un Français, longtemps l’ambassadeur de l’Union européenne à Pékin, pour conseiller son action de lobbying à Bruxelles, auprès des institutions européennes.
L’information est donnée par le South China Morning Post, le quotidien de Hong Kong, qui précise que, en raison des règles de la fonction publique européenne, Serge Abou ne peut que « conseiller » Huawei mais aucunement représenter la firme chinoise à Bruxelles.
Serge Abou, ancien ambassadeur de l’Union européenne en Chine, conseiller de Huawei (capture South China Morning Post)
Le recrutement de ce poids lourd de la machine européenne qu’il connait parfaitement -il a été au cabinet du Président de la Commission, Romano Prodi, avant de représenter l’UE à Pékin pendant six ans, jusqu’en 2011- devrait aider Huawei à renforcer son action de lobbying sur le continent.
L’an dernier, rappelle le SCMP, Huawei, devenu ou en passe de devenir selon les informations, premier équipementier télécom au monde, a dépensé 3 millions d’euros en actions de lobbying à Bruxelles, ce qui en fait le huitième par montant engagé selon le « registre de transparence “ européen. Ce qui donne une idée de l’enjeu.
Cette semaine encore, Arnaud Montebourg, le ministre français du redressement productif, a fait une nouvelle sortie contre Huawei dans sa défense acharnée de l’équipementier franco-américain Alcatel-Lucent qui vient d’annoncer un nouveau plan de suppression de plusieurs milliers de suppressions de postes.
Le réveil est tardif. En 2007, nous écrivions déjà sur Rue89 :
‘Avez-vous déjà entendu le nom de Huawei ? Si la réponse est négative, vous feriez bien de le retenir. Surtout si vous êtes un salarié du groupe Alcatel-Lucent... Huawei est un équipementier télécom chinois qui grandit à un rythme quatre à cinq fois plus rapide que la Chine elle-même, c’est-à-dire très très vite.’
Alcatel-Lucent est fatigué : pub vivante pour portable Alcatel en Chine, en 2000 (Pierre Haski/Rue89)
Huawei fait face dans plusieurs pays -Etats-Unis, Grande-Bretagne, Australie, France évidemment...- à des accusations de deux types :
C’est face à ces deux accusations, qui pourraient l’écarter du marché européen, le premier au monde, que Huawei se défend en faisant appel à Serge Abou et d’autres lobbyistes (en France, la société chinoise a recruté à la tête de sa filiale François Quentin, ancien dirigeant de Thalès).
Mais il n’est pas si facile d’exclure un aussi gros intervenant d’un marché comme l’Europe ou même la France. On entre vite dans les contradictions de la mondialisation.
Prenez Alcatel-Lucent : la société franco-américaine aujourd’hui mal en point est très présente en Chine, et a même été retenue comme fournisseur de technologie 4G par les opérateurs chinois...
Ecartez Huawei de France, où il est fournisseur agréé de Free et de SFR, et il est probable que c’est la fin des contrats d’Alcatel-Lucent en Chine, où l’équipementier a installé une partie de sa production, héritage d’un rachat ancien de la filiale de l’américain Bell.
Ce simple exemple montre que les plaidoyers ‘nationaux’ d’Arnaud Montebourg ne suffiront pas à sauver les emplois d’Alcatel-Lucent en France et dans le monde, face à des entreprises chinoises présentant à la fois une technologie de pointe moins chère, et faisant miroiter à leur tour des emplois en Europe.
Il faudra un dossier solide, tant sur l’accusation d’espionnage que sur celle de dumping, pour écarter Huawei. L’Europe aura désormais sur son chemin l’un des siens, Serge Abou, pour contrer ses tentations de protection, sinon protectionnistes.