Rue89 - Live blogging 23/04/2013 à 16h06
La loi ouvrant le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe a été définitivement adoptée par 331 voix. Un cri a retenti dans l’hémicycle : « Egalité ! Egalité ! Egalité ! »
Voilà. La loi « ouvrant le mariage aux personnes de même sexe » est votée – même par Henri Guaino, qui, tout à sa passion pour ce texte, s’est trompé de bouton.
La deuxième lecture du texte a pris fin dans la matinée du vendredi 19 avril, au terme d’une nuit mouvementée. Ce mardi, chaque groupe avait droit à une dernière intervention de cinq minutes pour expliquer son vote.
Revivez-les minute par minute.
16h25. Frigide Barjot est dans la place. Elle s’est installée au premier rang de la tribune du public, au-dessus des députés UMP. Trois ministres attendent dans l’hémicycle : Najat Vallaud-Belkacem, Cécile Duflot et Dominique Bertinotti.
16h30. la sonnerie retentit. Les députés reviennent. Sur Twitter, Christine Boutin livre sa sentence, dans un style très « Rois maudits » :
« Grâce au mépris et au mensonge, Hollande gagne une bataille aujourd’hui et se plie aux activistes LGBT. Mais son entêtement le perdra. En allant trop loin, il a atteint mon but : faire lever une nouvelle génération. Qui ne se taira pas. Jamais. Et prendra le pouvoir. Merci. »
16h33. Bernard Roman présente l’explication de vote du groupe PS. Il cite Simone Veil, Robert Badinter.
« Ce n’est pas la première fois que l’Assemblée nationale est au rendez-vous de son histoire. »
Il parle d’une « avancée décisive de notre droit », d’une « loi qui fait vivre » la devise de la République. C’est une loi d’égalité, de liberté, de fraternité », dit-il.
« En votant cette loi, nous pensons aux jeunes homosexuels que certains propos ces dernières semaines ont blessé [...], nous pensons à ceux qui croyaient que la société française les avaient acceptés [...] nous pensons aussi à ces parents qui demandent que les enfants qu’ils élèvent ensemble puissent être adoptés par le conjoint [...] »
« Quel cinéma ! », entend-on sur les bancs UMP quand Roman évoque les sorties d’écoles où viendront « deux papas et deux mamans ».
16h38. Au tour d’Hervé Mariton, pour le groupe UMP. Il annonce qu’il offrira un bouquet de roses et de réséda à ses amies Diane et Françoise qui se marieront dans quelques semaines.
Soit c’est une énorme coïncidence, soit c’est une plaisanterie de cultureux : le poème d’Aragon, « La Rose et le réséda », a été publié dans un recueil baptisé « La Diane française »...
Mais laissons le poursuivre : le député de la Drôme dénonce « un déni de démocratie », « un déni affectif », « un déni moral ».
La Révolution a su créer « un sacré républicain », rappelle-t-il. « Nos cérémonies en mairie ne sont comparables à aucun autre mariage dans le monde », tout comme « l’adoption plénière ».
« Vous brisez la joie de la filiation, la force de la transmission [...] Vous ajoutez de la crise à la crise, vous allumez la mèche indigne de l’homophobie », accuse-t-il.
Il prévient que l’opposition saisira le conseil constitutionnel. Puis rêve, lyrique, et déclame du Guy Béart :
« Si la France se mariait avec elle-même, si un jour elle se disait “Je t’aime”, elle inventerait la ronde qui épouserait le monde... »
16h43. Au nom de l’UDI (un des groupes les plus divisés sur ce sujet), Jean-Christophe Fromentin lance : « Vous ouvrez fatalement à la PMA ! »
« Ce qui nous a le plus surpris, c’est que sous prétexte de créer une égalité pour les adultes, vous créer une terrible inégalité pour les enfants. [...] Rien ne nous autorise à priver les enfants d’un père ou d’une mère ! »
Il quitte la tribune sur ces mots :
« Pour ma part, comme pour beaucoup de Français, c’est un sentiment de tristesse qui domine. »
16h49. « La gauche vient d’ouvrir le champ des libertés », se félicite Noël Mamère, qui intervient au nom d’EELV.
Il rend hommage à Raymond Forni, qui avait fait voter la loi de dépénalisation de l’homosexualité. Il rappelle le droit de vote des femmes, la loi sur l’IVG... « Et ça n’a pas chamboulé la société, ça l’a fait évoluer ! »
Puis il casse l’ambiance qui règne parmi ses collègues de la majorité :
« Arrêtons les emphases et les grands mots, nous ne sommes pas dans un jour historique, la France est en train de rattraper son retard ! »
Il évoque les 4 000 lettres d’insultes reçues après le mariage de Bègles en 2004, trace un parallèle avec l’ambiance actuelle et fait la leçon :
« Si nous sommes ici représentants du peuple, ce n’est pas pour jeter le peuple dans l’ignorance, c’est pour lutter contre la peur des autres ! »
Cris sur les bancs UMP.
16h54. Alain Tourret, pour les Radicaux de gauche, dit sa fierté d’avoir participé à faire exister « ce texte fondateur de la République ».
« Tout cela s’est fait dans le vacarme », regrette-t-il. « On nous a accusés d’être des assassins d’enfants, rien que ça. Un pas de plus a été franchi depuis l’adoption du Pacs. »
« Nul ne reviendra sur ce texte », promet-il. « A l’évidence la droite n’abrogera pas ce texte de progrès, ni par la loi ni par le référendum. »
Il évoque les autres chantiers à venir et promet :
« Nous nous opposerons de toutes nos forces à la GPA, cette marchandisation du corps humain. »
Pour finir, Tourret se fait plaisir et applaudit « un jour de clivage positif entre la droite réfrigérée et la gauche imaginative ».
16h59. Marie-George Buffet intervient au nom des communistes, façon bilan :
« Le débat a questionné des pans entiers de notre expérience sociale et humaine. »
Elle estime que cette loi va permettre de « mettre le droit en accord avec le fait ».
Elle cite l’interview de Marinette Pichon dans l’Equipe de lundi :
« J’ai une femme que j’aime et qui m’aime. On a un grand garçon bien dans ses pompes, équilibré. »
Puis Buffet confie hâte de célébrer les premiers mariages. « Ne tardez pas sur les décrets ! », supplie-t-elle en direction du gouvernement.
17h04. « Dehors ! Dehors ! », hurlent tous les députés.
« Pas de place pour les ennemis de la démocratie dans cet hémicycle ! » tonne Claude Bartolone. « Sortez-moi ces excités ! »
Un groupe agite une banderole dans les tribunes du public. Impossible de la déchiffrer d’où je suis mais selon plusieurs députés, elle porte l’inscription « Référendum ».
On passe au vote :
votants : 566 ;
suffrages exprimés : 556 ;
pour : 331 ;
contre : 225.
17h06. « Egalité ! Egalité ! Egalité ! Egalité ! » scande la gauche, debout.
« Après 136 heures et 46 minutes de débat, l’Assemblée nationale a adopté le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe », annonce solennellement Bartolone. La France est le quatorzième pays à accorder une telle possibilité aux couples homosexuels.
17h08. Christiane Taubira se dit « submergée par l’émotion ». « Chacun d’entre nous est singulier et c’est la force de la société. »
« Si vous êtes pris de désespérance, balayez tout cela, et gardez la tête haute ! » enjoint-elle à ceux qui ont souffert des paroles homophobes entendues ces derniers mois.
Taubira cite Nietzsche, la gauche l’applaudit, Bartolone descend l’étreindre, puis les socialistes saluent, dans les tribunes, Corinne Narassiguin, oratrice de leur groupe en première lecture, dont l’élection a été invalidée depuis.
Puissance de l’inconscient : en examinant le détail des votes, on s’aperçoit que Guaino – comme Chatel – a voté pour. Avant d’expliquer qu’il s’agissait d’une regrettable erreur.
18h30. Le secrétariat général du Conseil constitutionnel annonce qu’il a enregistré « une saisine présentée par au moins 60 députés et une saisine présentée par au moins 60 sénateurs » sur cette loi.
Le grand jour (Baudry)