LEMONDE.FR avec AFP | 26.09.11 | 10h44 • Mis à jour le 26.09.11 | 10h48
Signe d'un profond malaise dans l'éducation nationale, un front uni des syndicats du public et, fait exceptionnel, du privé, appelle à une grève, mardi 27 septembre, pour dénoncer la "dégradation" de l'école.
Les organisations syndicales veulent peser sur le projet de budget 2012 qui passe mercredi en conseil des ministres et prévoit la suppression de 14 000 postes dans l'éducation nationale, portant à 80 000 le nombre de postes supprimés entre 2007 et 2012, alors que les effectifs d'élèves augmentent.
La grève doit permettre de "délivrer un message fort pour que l'éducation soit au cœur des priorités de notre pays", a déclaré Sébastien Sihr, du SNUIPP-FSU, principal syndicat du primaire, alors que l'école est devenue l'un des grands enjeux de la présidentielle de 2012.
ENTRE 20 ET 54 % DE GRÉVISTES
La grève sera-t-elle bien suivie? Si Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, se dit "confiante", Patrick Gonthier d'UNSA éducation, prône la prudence "face à un gouvernement qui ne lâche rien" et alors que des enseignants "attendent" la présidentielle.
En primaire, où les grévistes doivent se déclarer quarante-huit heures à l'avance, entre 20,5 % de professeurs selon le ministère et 54 % selon le SNUIPP devraient faire grève, ce qui devrait être "très significatif dans de nombreux départements", selon le syndicat.
Depuis 2008, un service minimum d'accueil (SMA) est obligatoire quand plus de 25 % des enseignants d'une école sont en grève, mais certaines communes refusent toujours de le mettre en place. A Paris, "au moins quatre-vingt-dix écoles seront fermées", selon le SNUIPP-75.
Une centaine de manifestations sont également prévues dans le pays. Dans la capitale, le défilé doit partir à 14 h 30 de Luxembourg.
"PAS RÉVOLUTIONNAIRE"
Le ministre Luc Chatel se veut serein. "Une grève fin septembre dans l'éducation nationale, ce n'est pas révolutionnaire", a-t-il dit, soulignant la proximité des élections professionnelles (13 au 20 octobre).
M. Chatel, qui "assume" les suppressions de postes, assure que "la vraie question aujourd'hui, c'est le sur-mesure" des enseignements et non "la quantité".
Justement, cette communication sur un enseignement "sur-mesure" est mal passée auprès des syndicats, qui constatent que les suppressions de postes détériorent surtout les possibilités de suivi individuel des élèves. "On ne fera pas de la qualité si on n'a pas des personnels formés en nombre suffisant", estime ainsi Bernadette Groison, de laFSU.
BAISSE DES MOYENS DANS LES ÉTABLISSEMENTS DÉFAVORISÉS
Selon une enquête du SNPDEN, principal syndicat des principaux et proviseurs du public, les établissements défavorisés ont été "les plus durement touchés" en cette rentrée : ils ont perdu en moyenne 2,5 % de leurs heures, alors que les favorisés ont vu leurs heures légèrement augmenter.
En outre, selon l'enquête du SNPDEN, le "levier" le plus employé pour supprimer les postes a été de limiter les cours à effectifs réduits, remettant justement en cause l'accompagnement personnalisé et le "sur-mesure".
En cette rentrée, l'école primaire est particulièrement touchée : elle a perdu près de 9 000 postes, sur un total de 16 000.
Dans le secondaire, "on supprime tout ce qui est qualitatif" et "les postes ont été retirés en priorité aux collèges et lycées en difficulté : on prend plus à ceux qui ont moins", selon Philippe Tournier, du SNDPEN.
La scolarisation des tout-petits, les cours à effectifs réduits, les projets éducatifs, les postes de "rased" de lutte contre l'échec scolaire sont des "variables d'ajustement". Classes surchargées, réserve de remplaçants quasi inexistante, bas salaires et réformes contestées, telle celle de la formation des enseignants, sont d'autres motifs de mécontentement.
Le privé, où l'appel à la mobilisation est historique, réclame "zéro retrait d'emploi pour 2012" et met en avant ses spécificités : tous les enseignants sont chaque jour devant une classe (aucun professeur n'est en disponibilité) et il n'y a pas de remplaçants."La suppression de près de 1 500 postes de plus cette année pose d'énormes problèmes. Il a fallu retirer des heures d'accompagnement personnalisé aux élèves", a affirmé le secrétaire général de l'enseignement catholique, Eric de Labarre.
L'ÉCOLE DE LA RÉPUBLIQUE
Pour Mme Groison,"le gouvernement a renoncé à la réussite de tous les jeunes". L'école de la République "relève plus du tri sélectif que de l'ascenseur social", dénonce Christian Chevalier, du SE-UNSA.
"Le poids des inégalités sociales est toujours aussi fort pour expliquer les performances moyennes des élèves à l'âge de 15 ans en France", a aussi constaté l'OCDE dans un rapport récent.
Avec la présidentielle, l'année scolaire 2011-2012 sera celle du "choix" entre un modèle éducatif libéral et un modèle républicain, prévient M. Chevalier.