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15 janvier 2012 7 15 /01 /janvier /2012 17:54
Marianne - Sylvie Archambault | Dimanche 15 Janvier 2012 à 18:01
Un récent sondage publié par le Figaro n'a pas suscité l'intérêt qu'il aurait mérité : plus de quatre Français sur cinq (83%) pensent que les responsables politiques ne se préoccupent pas d'eux, et une majorité réclame une réforme «en profondeur» du capitalisme.



(capture d'écran Youtube - seeprogress - CC
(capture d'écran Youtube - seeprogress - CC

Il eut été fort instructif d'analyser cette défiance envers le pouvoir politique (et son  augmentation : 60% des sondés  pensent que le fonctionnement de la démocratie n'est pas satisfaisant contre 48 % en 2009)  et cette remise en question de la légitimité de l'ordre capitaliste.
Or les partis proposant un programme collant véritablement à ces aspirations, qui  proposent une réforme de nos institutions pour plus de démocratie et un remaniement profond de la réglementation de l'environnement économique  ne décollent pas dans les intentions de vote des français. Pourquoi ? La question mériterait d'être posée. Pourquoi une analyse si clairvoyante des dérives du système politique et économique côtoie une telle résistance au changement ?

Une réponse en terme de système pourrait nous apporter un certain éclairage.
Le système dans lequel nous évoluons est devenu total, une totalité géographique, les analyses ne manquent pas sur la toute puissance du capitalisme depuis la chute du communisme, mais une totalité fonctionnelle aussi : jamais aucun système n'a atteint cette perfection dans l'unification des besoins et des désirs.  Il régente notre vie professionnelle, notre vie politique, notre vie sociale  mais  aussi privée à travers sa boîte à images. 

C'est la première fois dans l'histoire que la personne humaine a si peu d'autonomie, est ainsi soumise à jets continu aux pressions et impératifs émanant d'une seule et même source, car sous des apparences de séparation ce sont bien les mêmes groupes d'intérêt qui coordonnent tout cela : autrefois la société était structurée  des conflits entre groupes sociaux à intérêts divergents : par exemple sous l'ancien régime entre la noblesse qui avait le pouvoir politique et la bourgeoisie qui avait le pouvoir économique, au XIX° siècle entre capitalistes et prolétariat. De plus, quantité de personnes gravitaient autrefois autour du système sans en faire véritablement partie : le milieu paysan par exemple qui évoluait  en quasi autarcie et assurait sa vie sur le mode familial beaucoup plus que sociétal.


Plus personne n'échappe aujourd'hui au système. 
Il est devenu monstrueux, tentaculaire et a acquis son autonomie par rapport à l'être humain : il n'a quasiment plus besoin de lui ( la valeur travail diminue constamment dans le processus de production) et quand il ne peut s'en passer ( le consommateur ou le maintien de l'ordre social) il a à sa disposition les techniques les plus perfectionnées et abouties de formatage cérébral : abrutissement par le désir de possession et la propagande, agitation des peurs pour justifier la répression de la puissance publique.

Notre civilisation est bien plus proche de ce qu'a décrit Orwell dans son "1984" ou encore d' "un bonheur insoutenable" de Levin que de l'aliénation marxienne : c'est  la soumission à un ordre total et totalitaire.

Tout système a pour but et fonctions premières d'assurer sa pérennité : il va donc utiliser tous ces moyens pour convaincre qu'aucune alternative n'est possible ou même plus qu'il n'y a pas d'alternative. Il va isoler socialement chaque individu et le persuader que ses penchants naturels pour la compassion ou la solidarité sont utopiques et naïfs et que les valeurs de compétition et de domination prônées par le système sont les seules portes du bonheur et de l'accomplissement de soi. 

L'homme est écrasé, réduit à néant, devenu dépendant (et accessoire) du système, incapable de penser hors du cadre. Voici pourquoi, même s'il peut être attiré par le discours des plus révolutionnaires, par les analyses les plus clairvoyantes des injustices du système, il ne croit plus en sa propre capacité à changer l'ordre des choses et le cours des événements. 

J'ai vu récemment une intervention de J. Généreux qui retraçait l'historique de la pensée néo-libérale et de la façon dont peu à peu elle avait envahi tous domaines et pays. Il disait que depuis les 30 années où la propagande contre l'état providence sévissait, nous étions en ce moment en train d'en vivre seulement les premiers effets, car la génération qui avait connu un système économique plus solidaire offrait encore des résistances idéologiques. Par contre, disait-il, la jeune génération qui arrivait en ce moment sur le marché du travail elle, avait tété au biberon ces dogmes néo-libéraux, avait parfaitement acquis par exemple que la retraite à 60 ans n'était pas "réaliste" ou qu'il est normal qu'il y ait des chômeurs.. Il n'était pas très optimiste pour les années à venir...


Ceci dit, on peut changer de lorgnette et voir tout ce qui est en train de bouger partout... une contestation du système est en train d'émerger, les signes en sont évidents. Ils correspondent à une prise de conscience, à la conquête idéologique préalable à toute révolution, chère à Gramsci mais aussi, on peut très bien le voir, à un ralliement d'une partie de "l'élite" à sa contestation, qui est une étape déterminante du processus de changement. 

Mais, deuxième caractéristique, ils n'émergent plus selon les mêmes processus qu'autrefois : ils refusent toute structuration politique ou syndicale, toute idée même de structuration verticale car ils ont bien compris que ces structures font partie du système qu'ils dénoncent. (ce qui permet d'ailleurs aux défenseurs du système de dénigrer et donc de nier la réalité de ces manifestations : cela ne sert à rien, ils ne sont pas organisés, ils n'ont pas de programme....) 
Cette étape préparatoire pourra être très rapide ou prendre des années,cela dépend des conditions extérieures (la criiiiise ! ) et donc du ralliement du plus grand nombre à sa cause . 
Cela dépend aussi de la capacité, qu'il ne faut pas minimiser,  du capitalisme à récupérer et à intégrer cette contestation, comme il le fit de la contestation de 68.


Ces expériences marginales sont encore épisodiques, isolées, sans liens organisés les unes avec les autres... mais ce temps viendra car elles marquent de plus en plus l'opinion publique, parce qu'elle sont le fait de jeunes qui savent parfaitement utiliser au profit de leur action les techniques et les sciences de communication actuelles : we are the 99 % est un slogan qui n'a pas fini sa carrière .

 

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