On ne les appelle toujours pas “lobbies”, pourtant leur existence devient de moins en moins cachée. A partir de mardi 1er octobre, les “représentants d’intérêts”, ces groupes de pression ou d’influence, défendant les intérêts d’entreprises, d’ONG ou d’associations vont franchir un nouveau pas vers la reconnaissance et l’officialisation de leur statut à l’Assemblée nationale.
Issues du rapport du député Christophe Sirugue (PS, Saône-et-Loire), les nouvelles dispositions qui entrent en vigueur vont vers plus de transparence et d’encadrement et sont saluées comme “un nouveau pas dans la bonne direction” par l’organisation Transparency International France, même si cela reste “un minimum en matière de transparence de la décision publique”. De leur côté, les lobbyistes se disent satisfaits, par la voix de Pascal Tallon, président de l’Association française des conseils en lobbying qui assure que “tout le monde va découvrir qu’il n’y a rien à découvrir”.
Plus d’informations, mais toujours pas de contrôle. Un registre de renseignement existait déjà depuis 2009 mais le nouveau “registre de transparence”, mis en ligne à partir de mardi, s’inspire directement du modèle bruxellois et va encore plus loin (voir le modèle pour les cabinets de conseil). Toute personne ou organisme voulant défendre ses intérêts auprès des députés et souhaitant le faire officiellement via le registre devra désormais indiquer : le nom de ses clients, les honoraires perçus pour le seul lobbying au Parlement, les objectifs et missions à remplir ainsi que le chiffre d’affaires ou les montants dépensés en termes de lobbying. Autant d’informations qui seront rendues publiques.
Si “l’orientation est bonne” pour Pascal Tallon, il va falloir du temps pour convaincre les clients de passer à la transparence, la plupart étant tenus par des clauses de confidentialité dans leur contrat. Les associations qui devront, pour leur part, fournir la liste de leur financements se heurteront au même problème. Beaucoup pourraient donc être tentés de ne tout simplement pas s’inscrire sur le registre et passer par des voies officieuses ; pour les autres, Christophe Sirugue espère pouvoir récolter l’ensemble des informations au 1er janvier 2014. Autre bémol, souligné par l’association Transparency : aucun contrôle ou vérification de ces informations n'est prévu.
Un accès plus restreint dans les lieux. Jusqu’alors, un lobbyiste inscrit sur le registre bénéficiait d’un badge d’accès à l’année lui permettant d’aller et venir au Palais-Bourbon. Une pratique consistant à “arpenter les couloirs à la rencontre de parlementaires, décrite comme inefficace et potentiellement source d’incidents” et qui “suscite de fortes réticences de la part des députés, qui ressentent très négativement le démarchage dont ils peuvent faire l’objet, au détour d’un couloir”, selon le rapport Sirugue.
Désormais, la salle des Quatre-Colonnes où se retrouvent députés et journalistes ainsi que la grande salle attenante des Pas-Perdus seront interdites aux représentants d’intérêts, qui devront en outre récupérer un nouveau badge d’accès pour chaque visite. “Le représentant d’intérêt ne pourrait être présent à l’Assemblée nationale que dans un but précis”, explique Christophe Sirugue. L’association Transparency aurait voulu que les choses aillent plus loin, avec la publication de la liste des réunions et des rencontres entre les députés et des représentants d’intérêts.
Des rapports plus exhaustifs. Les rapporteurs des textes de loi vont être appelés à plus de rigueur dans leurs rédactions. En 2011, une étude de Transparency International France, avec l’association Regards Citoyens, avait montré que dans 62% des cas, les rapports des textes de lois ne mentionnaient pas la liste des personnes auditionnées ou rencontrées, un chiffre anormalement élevé.Le nouveau règlement prévoira l’obligation de publier cette liste ainsi qu’une mention explicite lorsqu’aucune audition n’a été conduite.
De plus, devront être distingués les représentants d’intérêts inscrits sur le registre et ceux qui ne le sont pas. “Seraient ainsi clairement mis en avant les lobbyistes qui jouent le jeu de la transparence”, et les autres pointés du doigt, veut croire M. Sirugue.
Sa réforme, si elle est ambitieuse, repose encore beaucoup sur le bon vouloir de tous les acteurs. Malgré cela, l’Assemblée nationale reste, dans la reconnaissance du lobbying, en avance sur le Sénat, les ministères et toutes les administrations publiques.