Anne-Marie, caissière au Cora de Mondelange en Moselle depuis dix ans est sans doute sur le point d'être licenciée. La lettre recommandée qu'elle a reçue de la direction du magasin le 25 octobre n'est rien d'autre qu'une convocation pour un entretien préalable le 7 novembre prochain dans le cadre d'une procédure de licenciement pour faute grave. Anne-Marie est-elle partie avec la caisse ? Non. Comme le révélait le "Républicain Lorrain" jeudi 26 octobre, elle a simplement ramassé un ticket de caisse.
"Une pression terrible"
Le 24 septembre dernier, "j'ai vu que, sur un ticket oublié par une cliente à une caisse automatique, figurait une offre promotionnelle de Mac Do, explique-t-elle au 'Nouvel Observateur'. J'ai donc ramassé le ticket et découpé le bon". Mais lorsque Anne-Marie termine sa journée de travail, elle est convoquée par la direction et accompagnée jusque dans le bureau par un agent de sécurité. S'en suivent deux heures d'entretien "dans une petite pièce avec une pression terrible", selon Denis Pesce, secrétaire de l'union CGT de la Moselle qui suit le dossier. Finalement, l'enseigne Cora porte plainte pour vol et c'est, cette fois-ci, par la gendarmerie qu'Anne-Marie est convoquée. Mais l'affaire ne s'arrête pas là : portée devant le Procureur de la République, celui-ci lui a adressé un rappel à la loi estimant que ce ticket est bien la propriété de Cora. Si cette mesure la protège d'éventuelles poursuites judiciaires, elle lui signifie également son tort au regard de la loi. "C'est grave, estime Denis Pesce, car cette décision du Procureur peut aider la direction à faire aboutir la procédure de licenciement ".
Une "chasse aux sorcières"
Mais pour la CGT, cette histoire tient bien moins à une histoire de ticket de caisse qu'à une "véritable chasse aux sorcières". Dans la grande distribution les syndicats sont assez peu implantés, mais au Cora de Mondelange la CGT a recueilli 85% des suffrages aux dernières élections, explique la CGT. C'est d'ailleurs le seul syndicat présent sur le site avec une dizaine de délégués pour environ 300 employés au total. Depuis deux ans, date de l'arrivée d'un nouveau directeur de magasin, les élus sont victimes d'un "contexte de répression syndical", assure Denis Pesce. Et Anne-Marie, élue CGT au Comité d'entreprise et suppléante du délégué du personnel, en fait partie. "En deux mois, nous avons reçu 39 lettres recommandées", souligne le syndicaliste. "C'est une volonté déterminée de dégager la CGT", confirme Anne-Marie émue. L'hôtesse de caisse affirme être en dépression depuis le début de cette histoire. "Il m'a anéantie au point que je me sens coupable", ajoute-t-elle.
Aucun dialogue social
Dans un communiqué publié mercredi, la CGT commerce dénonce des "méthodes d'un autre âge" et une "politique de réductions des coûts" ainsi que l'absence de "dialogue social" dans l'établissement. Toujours selon le syndicat, "l’union départementale CGT de Moselle et la fédération Commerce CGT qui ont participé à une réunion de soutien aux salariés de cet établissement hier ont eu la mauvaise surprise d’être accueillies par un huissier mandaté par Cora pour constater d’éventuels débordements lors de cette réunion".
Jointe par "le Nouvel Observateur", la direction du Cora de Mondelange a simplement répondu qu'une procédure étant en cours, il n'était pas possible de la commenter. De son côté, le groupe Cora a posté un message sur sa page Facebook, affirmant "comprendre" les réactions indignées des internautes, ajoutant : "Nous sommes actuellement en contact avec la direction de l’hypermarché Cora de Mondelange afin de clarifier cette situation."
Quant à Anne-Marie, elle doit attendre son entretien du 7 novembre qui déterminera de la suite. Mais la salariée étant une élue syndicale, si la procédure se poursuit, elle devra être soumise à un inspecteur du travail puis au comité de l'établissement qui arrêtera alors la décision finale.
Anne Collin - Le Nouvel Observateur