Source : www.marianne.net
La fameuse et fumeuse tirade «Moi, président», ne visait à rien d'autre qu'à rétablir cette confiance mise à mal par cinq longues années - un interminable hiver - de changements de pied, de volte-face, de tromperies, d'enfumages, baptisés pompeusement par les proches de Nicolas Sarkozy et leurs nombreux amis «storytellling», en français courant : histoires à dormir debout pour éditorialistes couchés.
Bref, François Hollande a, d'abord, été élu pour «tourner la page», pour reprendre cette expression que Ségolène Royal vient, non sans une certaine cruauté, de remettre au goût du jour. Or, il faut bien constater aujourd'hui que, si la page a été tournée, c'est avec les engagements pris par le candidat à l'élection présidentielle et non avec la politique de son prédécesseur. Il n'était pas nécessaire de tendre l'oreille, mercredi 15 janvier, pour entendre le concert d'éloges qui montait des rangs de l'opposition après la conférence du chef de l'Etat (Bruno Le Maire, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Louis Borloo...). Du (presque) jamais-vu sous la Ve République.
L'infidélité, puisque, en l'espèce, infidélité il y a, est à rechercher ici et maintenant, dans des choix, des pratiques et des méthodes politiques et non dans le remake, version «Plus belle la vie», des amours d'un président et d'une actrice. Ces histoires-là sont surtout privées... d'intérêt, fussent-elles des alcôves fortes.
Avaler des boas
Le «tournant» de François Hollande, écrivions-nous dans Marianne la semaine dernière, donne le tournis. Prétendre que tout était déjà écrit et qu'il suffisait de déchiffrer les hiéroglyphes hollandais écrits autrefois dans la salle des congrès de Lorient, grotte miraculeuse des deloristes, est une farce. Pas un ministre actuel ne sait où le conduit le chef de l'Etat, pas un député, pas un maire. Ils ont tous, peu ou prou, l'impression d'évoluer dans un monde flottant.
Le président de la République n'a pas seulement cocufié le socialisme et trompé la gauche. Le PS s'en remettra. Il est prêt à accepter encore davantage. D'abord, on avale les couleuvres, puis ce sont les boas. Le chef de l'Etat n'a pas respecté ses engagements, notamment à l'égard de ceux qui réclament que l'on s'attaque aux dérives de la finance, que l'on entrave les oukases de Mme Merkel, que l'on arrête de sacrifier la jeunesse de ce pays...
L'épisode Gayet aura, peut-être, eu au moins un mérite : il aura mis en lumière la seule vraie constance de l'hôte de l'Elysée : le souci d'attendre le dernier moment pour trancher, comptant sans doute qu'une autre personne ou qu'un autre événement tranche à sa place. Il ne peut pas s'en empêcher. «It's beyond my control ("C'est au-dessus de mes forces")», répète Valmont dans les Liaisons dangereuses de Stephen Frears. Hollande n'est pas Valmont, même s'il ne croise sur son chemin que des Merteuil. Il ressemble à beaucoup d'entre nous. Sa principale liaison dangereuse, il l'entretient avec lui-même.