Les vœux de lutte d'Édouard Martin
Mes chers compatriotes,
Je suis Édouard Martin, je suis salarié à ArcelorMittal à Florange où je me trouve. Derrière moi, les hauts-fourneaux qui sont arrêtés depuis dix-huit mois. Je profite de l'instant qui m'est donné pour lancer un petit message. Je voudrais faire référence au slogan de la CFDT dans les années 70 qui était le suivant : « Vivre et travailler au pays ».
Pour moi, vivre et travailler au pays, ce n'est pas un lieu géographique entouré de frontières de barbelés ou de grillages où on empêcherait les gens de circuler ici et là. Vivre et travailler au pays, c'est surtout vivre là où nous avons grandi, là où nous voulons continuer notre vie, là où nous voulons que nos enfants grandissent et aient aussi un avenir. C'est cette usine derrière moi qui représente tout cela.
Et si nous nous battons aujourd’hui contre la fermeture de cette usine, c’est parce qu’il nous semble invraisemblable, incongru de fermer une usine qui produit les meilleurs aciers au monde, qui est compétitive, qui fait des bénéfices quand l'économie va mieux. Et c'est là-dessus que le combat se porte. C'est tout sauf un combat corporatiste. C'est un combat que nous menons pour l'intérêt général, pour notre région, notre territoire, pour le pays, pour l'Europe.
Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est surtout arrêter, arrêter de servir le système qui se détruit, qui nous détruit, qui s'autodétruit : la finance internationale. Voilà le but de notre combat. C'est contre tout cela que nous essayons de nous battre. Et c'est contre tout cela que nous souhaitons gagner, pas uniquement pour nous, mais pour l'ensemble de la société, pour l'ensemble des humains et des ouvriers que nous sommes.
Je profite aussi de cet instant pour faire référence à Jean Jaurès puisque les socialistes sont au pouvoir. Et de manière à ne pas écorcher sa pensée, ni ses propos, je propose de vous lire un court passage d’un discours qu'il a tenu lors de la grève des mineurs de Carmaux (NDLR: dans le Tarn en 1892). Il s'exprimait contre la bourgeoisie qui essayait de faire taire les luttes des ouvriers, la lutte des prolétaires :
« Et vous vous étonnez de la véhémence de nos paroles, de la force de nos accusations ! Mais songez donc que nous parlons au nom d’un siècle de silence ! Songez donc qu’il y a cent ans, il y avait dans ces ateliers et dans ces mines des hommes qui souffraient, qui mouraient sans avoir le droit d’ouvrir la bouche et de laisser passer, en guise de protestation, même leur souffle de misère : ils se taisaient. Puis un commencement de liberté républicaine est venu. Alors, nous parlons pour eux, et tous les gémissements étouffés, et toutes les révoltes muettes qui ont crié tout bas dans leur poitrine comprimée vibrent en nous, et éclatent par nous en un cri de colère qui a trop attendu et que vous ne comprimerez pas toujours. »
Donc, si j’avais un vœu à émettre pour l’année 2013, il serait de dire, à vous, mes chers concitoyens : ne vous taisez pas ! Combattez, luttez ! Ne laissez pas faire cette classe dominante qui essaye de nous mettre à terre ! Eh bien avec nous, nous ensemble, nous allons montrer qu'un autre modèle est possible, qu’une autre vie est possible, et que la finance internationale ne passera pas au détriment de l’intérêt des citoyens que nous sommes.
Je vous souhaite une très belle année 2013.
Vive la France ! Vive la République !
La vidéo de l'entretien qui a suivi l'enregistrement des vœux :
Retrouvez tous nos articles sur Florange et le conflit avec Mittal dans notre dossier, ici.