LEMONDE.FR avec AFP | 15.12.11 | 06h48 • Mis à jour le 15.12.11 | 12h37
Les enseignants des écoles primaires étaient 11,2 % à faire grève, jeudi 15 décembre, et ceux des collèges et lycées, 16,4 %, pour demander le retrait du projet de réforme de l'évaluation et de l'avancement des enseignants, selon une estimation du ministère de l'éducation nationale.
Dans le primaire, où les enseignants grévistes doivent se déclarer quarante-huit heures à l'avance en raison du service minimum d'accueil (SMA), le SNUipp-FSU, principal syndicat, a annoncé plus de 21 % de personnels en grève. Dans le secondaire, le SNES-FSU, principal syndicat, prévoyait de donner une estimation en fin de matinée. Selon le ministère, par type d'établissement, il y avait 11,2 % d'enseignants en grève dans les écoles primaires, 21,1 % dans les collèges, 7,7 % dans les lycées professionnels et 12,9 % dans les lycées généraux et technologiques.
Un large front de syndicats d'enseignants appellait jeudi à une journée de grève et de manifestations pour exiger le retrait du projet de réforme de l'évaluation des professeurs, prôné par le ministre de l'Education Luc Chatel qui défend la mise en place d'un système selon lui "plus juste". Cette journée d'action, la deuxième depuis celle, très suivie, du 27 septembre contre les suppressions de postes, est soutenue par des associations telles que la Société des agrégés de l'université et la Conférence des présidents d'associations de professeurs spécialistes. Seul le SGEN-CFDT ne s'est pas joint au mouvement.
Des manifestations sont prévues dans tous les départements. A Paris, le défilé partira à 14 h 30 de Denfert-Rochereau (14e arrondissement) pour arriver à Sèvres-Babylone (7e), non loin du ministère de l'éducation nationale. Le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, sera dans ce cortège.
En primaire, le mouvement sera suivi par 8,5 % des enseignants, selon le ministère, mais par plus d'un professeur sur cinq selon le Snuipp-FSU (principal syndicat). Cependant, c'est davantage la mobilisation dans le secondaire qui donnera la tonalité de la journée. La pétition intersyndicale demandant le retrait des textes recueillait mercredi soir plus de 65 000 signatures électroniques.
"AMÉLIORER LE SYSTÈME"
Invité mercredi soir de France 3, Luc Chatel a indiqué "vouloir améliorer le système (d'évaluation) pour qu'il soit plus juste, qu'il prenne en compte l'engagement des enseignants et qu'il ait un impact plus important sur la carrière des enseignants". Les projets du ministère comportent la fin de la traditionnelle double notation des enseignants : administrative, par le chef d'établissement, et pédagogique, la plus importante pour la carrière, par l'inspecteur régional, formé dans la discipline des collègues qu'il inspecte.
A la place, les enseignants seraient évalués lors d'un entretien, tous les trois ans, avec leur "supérieur hiérarchique direct" (le chef d'établissement en collège et lycée, "l'inspecteur compétent" dans les écoles), et cette évaluation déterminerait l'évolution des salaires. Les syndicats dénoncent un projet qui "dénature en profondeur les métiers" des enseignants et va peser sur leur pouvoir d'achat.
Les syndicats dénoncent la "dénaturation du métier"
| 15.12.11 | 13h25 • Mis à jour le 15.12.11 | 13h59
A son arrivée, en 2009, l'équipe de Luc Chatel a reçu un avertissement du SNES-FSU, le principal syndicat des professeurs du second degré : "Deux sujets peuvent susciter chez les enseignants des réactions passionnelles : la bivalence (l'enseignement de deux disciplines) et le pouvoir hiérarchique du chef d'établissement."
Le ministère était prévenu qu'en lançant une réforme visant à confier aux principaux et proviseurs l'évaluation des professeurs, il touchait un point sensible. Si sensible que la quasi-totalité des syndicats ont appelé à la grève, jeudi 15 décembre, pour exiger le retrait du projet. La grève est suivie par 16,43 % des enseignants du second degré, selon le ministère, mais seuls sont comptabilisés ceux dont la journée débute à 8 heures. Le primaire, peu concerné par la réforme, est moins mobilisé.
L'intersyndicale, heurtée par l'"absence de concertation", refuse le "positionnement du chef d'établissement comme seul évaluateur". "Il n'a pas les compétences professionnelles pour évaluer les enseignants, dénonce Daniel Robin, du SNES. Comment un ancien enseignant de philosophie peut-il évaluer la didactique d'un professeur de sciences ?" La réforme conduirait, selon les syndicats, à une "dénaturation du métier" dans la mesure où "l'évaluation ne porterait plus principalement sur l'activité en classe".
Méthodes de gestion du privé
Le ministère a calqué sa réforme sur celle de "l'appréciation de la valeur professionnelle" des fonctionnaires, appliquée en janvier 2012. "Il s'agit d'un processus d'extension de méthodes de gestion du privé à l'administration, souligne le sociologue Luc Rouban. Jusqu'à présent, on avait écarté les enseignants de cette évolution. Derrière ce projet, il y a l'idée que les enseignants sont des fonctionnaires comme les autres." L'évaluation par le chef d'établissement figure dans le projet de l'UMP pour 2012. Elle "sous-tend que le chef d'établissement doit être le seul maître à bord", analyse Christian Chevalier, du SE-UNSA.
La réforme a-t-elle des chances d'aboutir ? Le SGEN-CFDT, qui a suspendu son appel à la grève, dit avoir obtenu l'ouverture de négociations. L'intersyndicale, à l'inverse, soutient que le ministère ne transigera pas. Sur France Inter le 7 décembre, Luc Chatel réaffirmait qu'"il faut un patron dans un établissement".
Aurélie Collas