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Plus de sabre, de grenadier ni de brosme au rayon poissonnerie des supermarchés Casino : le groupe vient de faire savoir qu'il ne proposerait plus ces poissons d'eau profonde à partir du 1er janvier 2014. Cette décision vient encore renforcer le camp des opposants à la pêche des grands fonds, lancés dans une offensive politico-médiatique tous azimuts à la veille d'un vote du Parlement européen sur cette question devenue sensible. Les eurodéputés réunis en session plénière à Strasbourg doivent en débattre et adopter une position les 9 et 10 décembre.
Les anti-chalutage profond – Claire Nouvian en tête – sont en train de récolter les fruits de leurs efforts. La fondatrice de l'association Bloom qui milite vigoureusement sur ce thème depuis des années a remis, mardi 3 décembre au cabinet de François Hollande, une pétition exhortant le président de la République « à soutenir la proposition européenne d'interdire le chalutage en eaux profondes, qui est reconnu comme l'une des méthodes de pêche les plus destructrices de l'histoire. »
Mardi 3 décembre au matin, cet appel qui a pour ambition d'atteindre 700 000 signatures, en avait réuni 698 942. Une autre pétition circule, lancée conjointement avec l'association anglaise Fishlove, adressée cette fois aux parlementaires européens.
BANDE DESSINÉE ET MOINE BOUDHISTE
Mais, la bande dessinée humoristique et pédagogique de Pénélope Bagieu qui a fait le tour du Net, a manifestement stimulé les ardeurs du public, davantage que tous les appels réunis par Bloom de personnalités emblématiques comme le millionnaire Richard Branson, le moine boudhiste Matthieu Ricard ou l'écologiste Nicolas Hulot. Elle a aussi produit plus d'effets que le texte coordonné par la même association et signé par 300 scientifiques internationaux, mobilisés contre les « pratiques de pêche destructrices ».
C'est en effet d'abord contre une technique de capture, le chalutage profond, que se cristallise cette mobilisation, plutôt que sur la défense de telle ou telle espèce vivant quelques centaines de mètres sous la surface. La Commission européenne a proposé d'en finir avec cette pratique en juillet 2012. Depuis, de reports en tergiversations, le texte n'a guère avancé. Il arrive fortement amendé au Parlement européen.
Ensuite, il va devoir convaincre le conseil des ministres européens de la pêche de son bien-fondé. Or, au Parlement comme chez le ministre Frédéric Cuvillier, les Français freinent des quatre fers contre toute mesure qui pourrait avoir des conséquences sur l'emploi en Bretagne, alors que la région est frappée par une violente crise économique. L'Espagne est sur la même ligne.
UN POISSON VÉTÉRAN DE 120 ANS
En plus d'abîmer les habitats sous-marins – de détruire coraux et éponges lorsqu'il y en a, mais aussi de déplacer les sédiments contenus dans les fonds sableux –, le chalutage profond a pour autre gros défaut de manquer de sélectivité. Pour trois espèces les plus communément ciblées, des dizaines d'autres sont pêchées puis rejetées. Or, la faune profonde est particulièrement vulnérable. Elle a d'autant plus de mal à se régénérer qu'elle vit plus longtemps et se reproduit plus lentement. Du moins pour ce que l'on sait des populations d'espèces profondes : on n'en connaît guère que ce que révèlent les contenus des filets.
Même sommaires, ces estimations n'incitent pas à l'optimisme. En 2010, l'interdiction de la pêche de l'empereur – un vétéran fragile dont la durée de vie peut atteindre 120 ans – s'est imposée tant sa population avait fondu. Trois ans auparavant, le groupe Casino avait déjà décidé de le retirer de ses étals par souci d'encourager une pêche durable et responsable. L'enseigne avait aussi cessé de commercialiser la lingue bleue dès 2007.