Anne Dastakian - Marianne | Samedi 10 Décembre 2011 à 18:01
Plusieurs dizaines de milliers de citoyens russes ont manifesté ce samedi après-midi dans 90 villes de Russie pour exprimer leur exaspération face au pouvoir en place. Alors que les observateurs étaient inquiets de la réaction du pouvoir à l'annonce de ces manifestations, ces dernières se sont finalement déroulées sans incidents majeurs
Impressionnées par les dizaines de milliers de leurs concitoyens, prêts à braver la représsion policière pour manifester leur indignation face aux fraudes massives relevées lors des législatives du 4 décembre dernier, les autorités russes ont décidé de faire profil bas. Sous haute présence policière, certes, mais sans la violence et les centaines d’arrestations enregistrées depuis l’élection, quelques cent milliers de Russes se sont rassemblés pacifiquement, samedi, de Kaliningrad à Vladivostok, dans 90 villes de Russie, par une température moscovite de 0 degrés. Même le désormais célèbre en France écrivain Eduard Limonov, chef du parti national-bolchévique, n’est pas parvenu à faire sortir la maréchausée de ses gonds : il a pu, en toute impunité, manifester avec quelques dizaines de partisans, sans autorisation, au pied de la statue de Karl Marx sur la place de la Révolution ! Face à tant d’indifférence, il a fini par rejoindre le meeting autorisé. La police, comme il se doit, a cherché à minimiser le mouvement : à l’en croire, seuls 20.000 opposants se sont réunis sur la Place Bolotnaïa à Moscou, un chiffre que les organisateurs estiment plus réalistement à 80.000 -- la foule débordant largement la place sur les ponts enjambant la Moskova, et les quais adjacents. Il faut dire que les autorités moscovites n’avaient autorisé que 30.000 participants…
Idem à St Petersbourg, où la police concède 10.000 participants, contre les 20.000 clâmés par l’opposition. Arborant moultes drapeaux bigarrés –allant de l’extrême-gauche aux ultras-libéraux, en passant par les nationalistes-, les manifestants, dont beaucoup participaient à une telle protestation pour la première fois, ont écouté et acclamé des figures connues de l’opposition. Flottant au dessus de la foule, les banderoles clamaient « Rendons au pays les élections ! », « Exigeons un nouveau comptage des voix ! », « La Russie sans Poutine ! », etc.. A l’issue du meeting moscovite, une résolution en cinq points a été adoptée : elle réclame l’annulation de l’élection et l’organisation d’un nouveau scrutin, la libération des prisonniers politiques, une enquête sur tous les cas de fraude signalés ainsi que le limogeage du président de la Commission centrale électorale Vladimir Tchourov. Celui-là même qui, la veille, a entériné le résultat de l’élection que tous les observateurs indépendants –OSCE y compris- ont qualifié de « lourdement falsifiées ». Ainsi Dmitri Orechkine, du site nabludatel.org (observateur.org) estime le taux de fraude à au moins 20%, n’accordant à Russie Unie pas plus de 25% des voix, au lieu des 49,5% officiellement receuillis. « Il est impossible, à l’heure actuelle, de savoir l’étendue réelle de la fraude », analyse Grigory Melkoniantz, vice-président de l’ONG Golos (la voix) spécialiste du contrôle de la régularité des élections. «Les autorité ont fraudé si insolemment et ouvertement que les gens ne l’ont pas supporté», soupire le jeune homme, qui promet que «chaque fraude relevée fera l’objet d’une plainte ». A l’évidence, un vent d’exaspération souffle sur la Russie..