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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 15:56

 

Source : www.inegalites.fr

 

 

Les riches en France : de qui parle-t-on ?

2 octobre 2014 -

 

 

A quel niveau devient-on riche ? En utilisant plusieurs méthodes différentes, nous aboutissons à environ 3 000 euros mensuels pour une personne seule, 5 500 euros pour un couple et 7 000 euros pour un couple avec deux enfants. L’analyse de Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.


La question du seuil de la richesse est rarement posée. Sociologues et économistes ne s’y intéressent pas vraiment. L’Insee non plus. Rien à voir avec l’ampleur de la littérature sur les pauvres. A quel niveau devient-on riche ? En utilisant plusieurs méthodes différentes, nous aboutissons à environ 3 000 euros mensuels après impôts et prestations sociales pour une personne seule, 5 500 euros pour un couple et 7 000 euros pour un couple avec deux enfants. Des sommes ridicules vues d’en haut mais considérables vues d’en bas. Quelques explications.

Première définition : la richesse, c’est le double du revenu médian

Pour évaluer le seuil de la richesse, pourquoi ne pas partir du revenu médian ? [1]. Longtemps, le seuil de pauvreté a été défini de façon arbitraire comme la moitié de ce revenu médian. Pourquoi ne pas fixer le seuil de richesse au double [2] ? Une proposition ni plus ni moins absurde que le seuil de pauvreté, pourtant utilisé sans ménagement. On entre dans le club des riches à partir de 2 900 euros par mois pour une personne seule (après impôts et prestations sociales, données 2011), 5 700 euros pour un couple sans enfant et 7 700 euros pour un couple avec deux enfants.

Deuxième définition : la richesse, c’est le seuil des 10 % les plus riches

Appartenir au dixième le plus favorisé, cela représente symboliquement quelque chose. En tous cas, on ne peut plus se dire « moyen », même si certains commentateurs le font. Avec ce seuil on obtiendrait des valeurs un peu inférieures à la définition précédente. Il se situe à 2 800 euros pour une personne seule, 5 500 euros pour un couple sans enfant et 7 100 euros pour un couple avec deux enfants. Cette pratique a tout de même un inconvénient majeur : par définition, la proportion de personnes aisées ne varie jamais. C’est le seuil qui change et non le taux.

Pauvre ou riche : une question arbitraire. Toute définition de la richesse ou de la pauvreté est arbitraire. Ce n’est qu’en confrontant les outils et les points de vue que l’on peut avancer dans le travail de construction. Beaucoup pensent bien faire en élevant au maximum le seuil de pauvreté, pour y inclure la population la plus large possible. Même chose à l’autre extrémité, mais avec l’effet inverse de réduire la population concernée : en France personne n’aime être qualifié de riche. Les plus favorisés pèsent dans le débat pour élever le seuil de la richesse le plus possible vers le haut. Le rapport de force idéologique des différents camps va peser sur les normes sociales et la construction des indicateurs utilisés. Personne ne détient la vérité mais la pression est réelle. L’important est de mesurer de façon précise la portée des différents outils.

Troisième définition : la richesse selon l’opinion

Une autre méthode consiste à poser la question par sondage à la population. Elle n’est pas très fiable compte tenu de la difficulté de réunir un échantillon représentatif, incluant notamment les plus démunis, et de l’impact du bruit médiatique sur le sujet au moment où sont posées les questions. Un sondage de l’Ifop en 2011 situait la barre à 8 300 euros pour un couple avec deux enfants. L’année d’avant, elle était inférieure de 1 800 euros : 6 500 euros. Mais ces données n’intègrent pas les impôts. Poser une question à une population qui n’a pas vraiment connaissance des niveaux de revenus aboutit à une réponse dont la valeur n’a qu’un intérêt réduit. Ceci dit, on obtient un ordre de grandeur équivalent au revenu médian multiplié par deux, aux alentours de 7 500 euros pour un couple avec deux enfants [3].

Quatrième définition : les seuils de l’impôt

Les parlementaires se sont très souvent posé la question du niveau de la richesse sans le nommer explicitement : il leur faut définir un niveau maximum de revenu qui permet de bénéficier de certains avantages fiscaux. Au-delà, on juge que l’on est assez riche pour ne plus en avoir besoin. Si l’on prend certaines niches fiscales, le seuil de richesse a dégringolé. En 2009, on pouvait obtenir un maximum de 25 000 euros de réduction d’impôts, contre 10 000 euros en 2014, en utilisant les niches fiscales [4]. Pour être redevable d’un impôt de 10 000 euros et donc bénéficier de la réduction maximale (au-delà, ce serait trop), un célibataire n’ayant aucune autre déduction doit disposer d’environ 4 800 euros mensuels : le seuil est donc bien supérieur au double du revenu médian. Mais ce maximum est le même qu’il s’agisse d’une personne seule, d’un couple ou d’une famille. Dans ces derniers cas, on se situe en-deçà des seuils de richesse déterminés précédemment.

Cinquième définition : un patrimoine qui rapporte sans rien faire

Les données précédentes ne disent rien du niveau de patrimoine. Pour être précis, il faudrait ajouter au revenu des ménages propriétaires, la valeur des loyers qu’ils ne versent pas (que l’on appelle « loyer fictif ») [5]. L’Insee estime en effet que le niveau de vie médian en serait augmenté de 10 %, ce qui élèverait donc d’autant le seuil de richesse.

Pour le reste, détenir un stock d’actions ou d’obligations n’a d’impact sur les niveaux de vie que lorsqu’il se traduit en revenus et donc en dépenses. Ce ne sont pas les 10 millions de dollars que l’on détient en Suisse qui améliorent la vie, mais leur rendement, le revenu du patrimoine. Deux sociologues, Alain Bihr et Roland Pfefferkorn [6] ont proposé depuis longtemps un seuil de richesse articulant patrimoine et revenus : selon eux, on devient riche quand son patrimoine assure un niveau de vie équivalent au niveau de vie médian. Etre riche, c’est vivre de ses rentes. Il faudrait donc atteindre 1 500 euros de revenus mensuels [7] pour un célibataire. Avec un taux de rendement net après inflation et imposition du patrimoine de 4 %, on deviendrait riche avec un capital de 450 000 euros [8].

Cette définition pose de nombreux problèmes. Quels taux de rentabilité utiliser pour ce calcul ? Ceux-ci varient selon les placements, et le rendement des actions est très volatil. Surtout, cette définition écarte de la richesse des salariés aux niveaux de vie très élevés mais sans patrimoine, et considère comme « riche » des rentiers dont le niveau de vie est juste au dessus de la médiane [9].

420 000 euros : un riche patrimoine On peut aussi déterminer le niveau d’un riche patrimoine, sorte de seuil de la fortune. Si l’on applique la même méthode que pour les revenus, le double du patrimoine médian est de 226 000 euros par ménage (l’Insee ne distingue pas par individu). Mais on rassemble toutes les générations. Mesuré entre 50 et 59 ans, le seuil de la fortune serait de 420 000 euros.

Sixième définition, la richesse en conditions de vie

Une dernière méthode d’estimation de la richesse pourrait être utilisée : la richesse en conditions de vie. L’Insee mesure la part de la population qui n’a pas les moyens d’accéder à tel ou tel bien de consommation ou d’avoir recours à tel ou tel service : il s’agit de la pauvreté dite « en conditions de vie ». On pourrait déterminer la richesse par ses signes extérieurs. Parmi ces signes on pourrait intégrer certains éléments : le nombre de mètres carrés par personne (la moyenne étant de 40 m2, tous logements et tous âges confondus), la possession d’une montre Rolex, comme l’a déclaré le publicitaire Jacques Seguela ou encore le fait d’avoir une résidence secondaire, de partir en vacances à l’étranger, d’employer du personnel à domicile.

D’autres éléments, plus complexes, pourraient aussi entrer en ligne de compte, comme la stabilité du revenu. Toucher 3 000 euros mensuels une année donnée pour un artisan qui a accumulé plus de chantiers que d’habitude, n’est pas la même chose que pour celui qui les perçoit chaque mois régulièrement. Le fait d’avoir un statut de la fonction publique ou de travailler dans une grande entreprise devient un élément distinctif de richesse dans une période de chômage de masse. Avoir du temps pour soi, pouvoir définir ses horaires de travail, bénéficier de congés plus longs que les cinq semaines légales sont autant d’éléments qui pourraient aussi intervenir dans la notion de richesse.

Et le capital culturel ? On pourrait mesurer la richesse en fonction du capital non pas économique mais culturel : le niveau de diplôme, dont le rôle est déterminant. Culturellement parlant, les classes moyennes françaises se situent autour du CAP ou du BEP. C’est après un bac + 2 que l’on entre dans l’univers des riches, façon titre scolaire. Si on en juge par la teneur du débat actuel sur les inégalités, les « riches » du point de vue du diplôme ont bien moins le sens de leur place dans la hiérarchie sociale que les « riches » vus par le niveau de revenu. Ce qui est normal, puisque l’école a légitimé leur place dans la société.

Conclusion : l’argent a mauvaise presse

L’argent a mauvaise presse en France. Il n’est pas « convenable » de faire étalage de sa richesse. Les catégories les plus aisées ont tout à gagner à cette pudeur collective qui masque la réalité des revenus des plus favorisés. Est-on riche avec 2 900 euros ? 4 000 euros ? 10 000 euros ? A ce niveau, on reste bien modeste rapporté aux patrons des plus grandes entreprises qui chiffrent leurs revenus en centaines de milliers d’euros. On est toujours le pauvre d’un autre. Surtout en France où cela permet de se défausser de la solidarité sur le voisin du dessus. Une position confortable. Cela n’empêche qu’il existe, au sein des populations les plus riches, des écarts de taille. Entre le cadre supérieur et une partie du patronat qui perçoit quelques centaines d’années de Smic chaque année, les niveaux de vie sont incomparables. Inversement, pointer du doigt les revenus des cadres supérieurs aisés permet aussi d’oublier l’accumulation démesurée de certains. Pour aller plus loin, il faudrait distinguer les éléments qui, à l’intérieur de ces milieux favorisés, opèrent des distinctions.

Louis Maurin, directeur de l’Observatoire des inégalités.

Photo / © ivan kmit - Fotolia.com

Notes

[1Tout au long de cet article, on raisonne à partir des données de l’Insee en revenu « disponible », après impôts et prestations sociales, sauf indication contraire.

[2Voir : « Qui est riche en France ? », Louis Maurin, Alternatives Economiques, n°153, novembre 1997.

[3Cette coïncidence a déjà été soulignée par l’économiste Jean Gadrey sur son blog.

[4En réalité bien davantage puisque certaines niches restent plafonnées aux régimes antérieurs.

[5Ceux qui ont achevé de rembourser leurs emprunts ont une charge liée à leur logement très inférieure aux locataires et ceux qui remboursent des emprunts en réalité investissent : ils se forgent du capital, ce qui n’est pas comparable au fait de payer un loyer à perte.

[6Voir « Déchiffrer les inégalités », ed. La découverte, 1999.

[7Le niveau de vie médian des seuls célibataires effectivement mesuré par l’Insee, non celui calculé pour une unité de consommation qui est de 1 600 euros.

[8Car 0,04*450 000 = 18 000 euros qui divisés par 12 font 1 500 euros. On note que le capital n’est pas entamé et peut se transmettre aux enfants.

[9L’oisiveté du rentier est une grande richesse, mais est-elle plus favorable que celle du cadre supérieur qui s’épanouit au travail ? L’incapacité d’une partie de ces derniers à s’arrêter de travailler au moment de la retraite montre bien leur intérêt pour la chose.

Date de rédaction le 2 septembre 2014

Dernière révision le 2 octobre 2014

© Tous droits réservés - Observatoire des inégalités - (voir les modalités des droits de reproduction)

 

 

Source : www.inegalites.fr

 

 

 

 

 

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