Source : www.marianne.net
Le graphique de l'année selon Krugman
Quel est le graphique de l’année ? Pour les économistes, qui goûtent ce genre d'images, la question n’est pas secondaire. Résumer en une courbe, un diagramme ou un histogramme une information devenue ainsi immédiatement compréhensible par le plus grand nombre est un exercice délicat auquel tous doivent se plier s’ils veulent diffuser leurs analyses. Paul Krugman, le célèbre chroniqueur du New York Times, a fait son choix pour l'année 2014 : il s’agit du graphique réalisé par Branko Milanovic, l’ex-économiste en chef de la Banque mondiale.
Ce graphique décrit la croissance des revenus entre 1988 et 2008 et donne à voir les effets de vingt années de mondialisation, et ce non à l’échelle nationale comme il est classique de le faire, mais à l’échelle de la planète. On peut y contempler les énormes inégalités qui ont fini par se creuser. A Marianne, on se félicite de ce choix d'autant plus que nous avions publié pour la première fois en France ce graphique en forme d’éléphant au début de l’année dernière sous le titre : « Dessine-moi les inégalités ». En le distinguant, Paul Krugman nous donne l’occasion de le diffuser une nouvelle fois, en attendant (on peut toujours rêver) que François Lenglet, grand fan de graphiques, le montre un jour a l'écran.
Qu’y voit-on plus particulièrement ?
- La progression impressionnante des revenus de l'élite mondiale dont les membres fréquentent le club très fermé des 0,1 % - 0,01 % les plus riches.
- Une partie de la population, en gros les habitants des pays émergents, a aussi largement profité de la mondialisation à l’œuvre entre 1988 et 2005.
- Entre ces deux catégories de personnes, à la base de la trompe de « l'éléphant » en somme, on remarque un trou synonyme d'une perte de revenus. Branko Milanovic suggère que cela correspond à la classe moyenne inférieure des États-Unis et, plus généralement, aux classes populaires des pays avancés. Il y a fort à parier, comme le précise Krugman, que les effets de l'austérité post 2008 aient accru cette dégradation. Le chroniqueur estime que ce « creux » clairement identifiable grâce au graphique de Milanovic va avoir des conséquences importantes dans les années à venir. Il lui a même trouvé un nom, à la fois pertinent et glaçant : « la vallée du découragement »...
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