Le Monde.fr avec AFP et Reuters | 11.06.2012 à 17h37 • Mis à jour le 11.06.2012 à 17h37
Deux ans que la crise des dettes sévit dans la zone euro. Crise des dettes doublée d'une crise bancaire. Sur quatre pays ayant appelé à l'aide, deux y ont en effet été contraints pour sauver leurs banques : l'Irlande et l'Espagne. Le total de ces plans d'aide représente 643 milliards d'euros à ce jour, secteurs privé et public confondus.
Dernier épisode en date, les ministres des finances de la zone euro ont convenu samedi de prêter jusqu'à 100 milliards d'euros à l'Espagne afin de lui permettre de renflouer ses banques en difficulté. "Le montant du prêt doit couvrir les besoins estimés de capitaux avec une marge de sécurité additionnelle", a assuré l'Eurogroupe dans un communiqué.
Selon plusieurs sources autorisées, les discussions sur le plan d'aide ont été tendues, en particulier concernant l'implication du Fonds monétaire international (FMI), que Madrid entendait limiter au maximum, et qui ne fournit aucun concours financier. Le FMI apportera cependant son aide pour la mise en place et la surveillance de l'assistance financière à l'Espagne ; les institutions européennes, de leur côté, s'assureront que Madrid respecte ses engagements en matière économique et budgétaire.
- Flou sur l'origine des fonds dédiés à l'Espagne
Nonobstant, un certain flou persiste sur l'origine des fonds. D'après le communiqué de l'Eurogroupe, les fonds pourront être apportés soit au travers du mécanisme de sauvetage temporaire de la zone euro, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), soit au travers du mécanisme permanent, le Mécanisme européen de stabilité (MES), qui devrait être opérationnel le mois prochain. La Finlande a d'ores et déjà prévenu que si les fonds provenaient du FESF, elle exigerait des garanties.
Le plan d'aide ne semble pas assorti de conditions pouvant aggraver les mesures d'austérité ou accentuer les réformes structurelles déjà mises en œuvre par le gouvernement conservateur du premier ministre, Mariano Rajoy. "Les fonds demandés étant destinés à couvrir les besoins du secteur financier, les conditions qui lui sont attachées, comme convenu lors de la réunion de l'Eurogroupe, porteront spécifiquement sur le secteur financier", a souligné Luis de Guindos, le ministre de l'économie.
Si l'Espagne rejoint la Grèce, l'Irlande et le Portugal dans le club des pays ayant bénéficié d'un plan de sauvetage, l'aide financière qui lui est accordée est spécifiquement destinée au secteur financier. Une différence capitale pour le pays, mais aussi pour la zone euro, qui évite ainsi de trop solliciter des fonds de sauvetage qui ne sont pas dimensionnés pour couvrir les besoins de financement d'un pays comme l'Espagne sur plusieurs années, en plus de l'aide additionnelle dont l'Irlande et le Portugal pourraient avoir besoin.
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- L'Irlande veut les mêmes conditions que l'Espagne
Dans la même configuration que l'Espagne, avec son secteur bancaire fragilisé par l'immobilier, l'Irlande n'a pourtant pas bénéficié des mêmes conditions. Le pays va demander à se voir accorder rétroactivement le même traitement, soit un plan d'aide spécifiquement dédié aux banques.
C'est en tout cas ce qu'ont déclaré samedi soir des sources gouvernementales européennes. Dublin veut discuter de cette question à la prochaine réunion des ministres des finances de la zone euro, qui aura lieu le 21 juin à Luxembourg.
L'Irlande est le deuxième pays après la Grèce à avoir conclu un plan d'aide international avec l'Union européenne (UE) et le FMI, en novembre 2010. Cette année-là, le déficit public atteint 32 % du PIB, un naufrage consécutif à la bulle immobilière de 2008 qui a dévasté le secteur bancaire de l'île.
L'aide de 85 milliards d'euros (dont 35 milliards pour les banques) est, en ce qui la concerne, assortie de conditions draconiennes. Il s'agit d'une cure de quatre années, composée aux deux tiers par des coupes budgétaires et par un tiers d'une hausse de la fiscalité. Notamment, la TVA est augmentée de 21 % à 22 % en 2013, puis à 23 % en 2014.
L'Irlande s'est pliée à cette discipline budgétaire, et le FMI et l'UE lui ont décerné des satisfécits répétés pour son programme de redressement économique. Mais leur dernière mission, fin avril, a mis en exergue la nécessité de nouvelles mesures pour encourager la croissance. Ils ont accepté que le pays puisse investir une bonne partie du produit des privatisations des banques, plutôt que de consacrer exclusivement cette somme au désendettement du pays.
La facture des banques pour l'Etat s'élève en effet à 63 milliards, selon des estimations, via les nationalisations et les prises de participation, et, de leur côté, les citoyens se lassent des impôts à répétition.
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- Le Portugal reçoit 78 milliards
En mai 2011, le Portugal a conclu avec l'UE et le FMI un plan de rigueur et de réformes afin d'assainir ses finances publiques et de relancer l'économie, en contrepartie d'un prêt de 78 milliards d'euros. La "Troïka" (UE-FMI-BCE) des créanciers du Portugal a validé le 1er mars dernier, à l'issue de sa troisième évaluation, la mise en œuvre des mesures de rigueur, comprenant une réduction des salaires des fonctionnaires, des retraites et des prestations sociales, ainsi qu'une hausse généralisée des impôts.
Ce plan doit durer trois ans. Mais le pays devrait connaître cette année une récession d'environ 3,3 %, et le chômage dépasse 14 %. Et un deuxième plan d'aide pourrait être envisagé. Cependant, alors que la dette publique du Portugal devrait plafonner à 118,6 % du PIB l'an prochain, nombre d'analystes jugent toujours que le Portugal aura besoin d'une nouvelle aide internationale, car les taux d'intérêt que lui exigent les investisseurs restent prohibitifs malgré une tendance à la baisse.
Trois des principales banques portugaises ont parallèlement été recapitalisées grâce au plan d'assistance international afin de respecter les exigences de solvabilité édictées par les autorités européennes : Millennium bcp, Banco BPI et le groupe public Caixa Geral de Depositos. Ces contributions représentent 6,65 milliards d'euros pour le secteur bancaire, comprises dans l'enveloppe totale d'aide internationale.
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- 380 milliards d'euros pour la Grèce
L'aide fournie pour éviter à la Grèce, écrasée par le poids de sa dette publique, de sombrer dans la faillite atteint au total 380 milliards d'euros, à la fois sous forme de prêts, de sommes injectées directement et d'un effacement de dettes.
Dans le détail, deux plans d'aide publique, d'un montant total de 240 milliards d'euros, ont été décidés en deux temps : 110 milliards au moment du lancement du premier plan d'aide, en mai 2010, et 130 milliards supplémentaires en mars 2012. Ces deux plans ont été accompagnés à chaque fois d'un programme draconien d'ajustement budgétaire, sous le contrôle étroit de la "Troïka".
A ces 240 milliards d'euros se sont ajoutés 40 milliards de financements de l'UE et un effacement de 100 milliards d'euros de dette par le secteur privé. Le but est de ramener le taux d'endettement du pays à 120 % en 2020, contre 160 % prévus cette année.
Mais les créanciers d'Athènes ont déjà à plusieurs reprises manifesté leur impatience face à la lenteur des réformes. Notamment en ce qui concerne les rentrées fiscales, la sortie de l'ornière semble difficile : le pays reste englué dans la récession pour la cinquième année consécutive (recul du PIB de 4,7 % attendu par l'UE cette année).
Lire : "La 'peur de tout perdre' des Grecs" (édition Abonnés)