| 14.10.11 | 13h48 • Mis à jour le 14.10.11 | 13h48
Madrid Correspondance - Dans plus de 860 villes de 78 pays, des citoyens devaient répondre à l'appel des "indignés" espagnols à manifester, pacifiquement, samedi 15 octobre : "United for a Global Change" ("Tous ensemble pour un changement global").
Cinq mois tout juste après sa naissance, le 15 mai, lorsqu'une manifestation dénonçant la dictature des marchés débouchait sur l'occupation pacifique de la Puerta del Sol, à Madrid, le mouvement de revendication citoyenne n'a pas changé d'objectifs.
Dans un manifeste, traduit en dix-huit langues, il demande toujours "une véritable démocratie". "Unis d'une seule voix, nous allons faire savoir aux hommes politiques, et aux élites financières qu'ils servent, que c'est à nous, le peuple, de décider de notre avenir."
Les "indignés" espagnols, qui ont vu comment la Grèce, l'Italie, le Chili, Israël ou encore plus récemment New York, avec le mouvement Occupy Wall Street, reprenaient le flambeau de la résistance citoyenne, se sentent plus forts et légitimes que jamais.
"Cela prouve que nos revendications ne sont pas seulement espagnoles. Partout dans le monde, nos droits - à l'alimentation, au logement, à une protection sociale - sont bafoués", souligne Carlos Paredes, porte-parole de Démocratie réelle maintenant (DRY), l'un des collectifs à l'origine du mouvement des "indignés".
D'un pays à l'autre, l'indignation a pris des formes différentes. A New York, les participants d'Occupy Wall Street s'appuient, par exemple, sur les syndicats, chose impensable en Espagne, une large frange de la société n'ayant pas digéré leur soutien à la réforme des retraites.
"Chaque géographie a ses particularités, reprend M. Paredes. Nous qui sommes dans ce mouvement depuis l'origine, nous avons un respect profond pour l'évolution du mouvement et je crois que nous pouvons être fiers. Ceci dit, nous sentons aussi une terrible responsabilité vis-à-vis de ce qui peut se passer."
La peur des débordements est une préoccupation des "indignés", dont le manifeste affirme explicitement le caractère "pacifique" des actions. "Et ce, même si ce mouvement est horizontal et que nous n'avons rien à voir avec les manifestations qui se dérouleront dans chaque pays", convient le porte-parole de DRY.
Dans la plupart des cas, les "indignés" se sont contentés de faire passer l'appel à la manifestation sur des forums, des réseaux sociaux et Internet en général. Plus rarement, ils se sont aussi mis en contact avec des groupes d'activistes d'autres pays pour relayer leurs mots d'ordre, comme en Italie ou à New York. "Il suffit d'aller sur Facebook et de chercher ceux qui veulent la même chose que nous, renchérit M. Paredes. Parfois, un dialogue s'instaure, mais, souvent, il n'y en a même pas besoin. Si l'idée semble bonne, les gens la reprennent..."
Et puis, il y a aussi les rassemblements tels que le Hub Meeting de Barcelone, en septembre, auquel ont participé des collectifs d'activistes venus de toute l'Europe. "En juillet, nous avions aussi été invités à une rencontre euro-méditerranéenne en Tunisie", affirme Tomas Muñoz, porte-parole de Jeunesse sans futur, un autre des collectifs à l'origine du mouvement des "indignés".
De quoi confirmer que le modèle de mobilisation qui associe campements protestataires, assemblées populaires et manifestations pacifiques séduit les activistes internationaux au-delà des frontières espagnoles.
"Mais nous n'avons rien inventé, insiste M. Muñoz. Nos pères sont les manifestants du "printemps arabe". A la Puerta del Sol, nous n'avons fait que reproduire leur combat, car nous luttons aussi contre une dictature, celle des marchés."
Tout a été fait pour que la mobilisation se propage comme une traînée de poudre, à grand renfort de communication virale et sites participatifs. Sur la page Internet 15october.net, chacun peut ainsi enregistrer le lieu où il pense manifester, le nom de l'organisateur et une adresse courriel pour lancer un appel à la mobilisation.
Le succès de la mobilisation, en revanche, reste un mystère. "Nous savons qu'en Italie, au Brésil et au Chili, la réponse devrait être très forte. Mais en Angleterre, en France ou en Allemagne, nous n'en avons aucune idée", avoue M. Paredes.
L'objectif pour les "indignés" espagnols est d'abord de continuer à aller de l'avant en Espagne même. Ces dernières semaines, ils ont participé à des manifestations en faveur de la défense des services publics, contre la loi des hypothèques, sont entrés dans les universités et les lycées.
A Santiago du Chili, Auckland, San Francisco, Montréal, Paris, Rome, Athènes ou Bruxelles, des manifestations auront lieu ce samedi sous un seul et même mot d'ordre. En Espagne, près de 60 villes y participeront. A Madrid, la manifestation se terminera Puerta del Sol, où tout a commencé. Et, fidèle à lui-même, le mouvement organisera sur cette place devenue symbolique une assemblée populaire. Pour parler du futur des "indignés".
Sandrine Morel
Article paru dans l'édition du 15.10.11
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