Le buvard bavard - 29 octobre 2011
Publié par Badi Baltazar
Dans le cadre de l'Agora Internationale qui s'est déroulée tant bien que mal pendant la période du 8 au 15 octobre 2011, j'ai décidé par solidarité de relayer ici une lettre adressée il y a deux jours par un indigné bruxellois, Monsieur Raoul Gamarra, au Bourgmestre de la commune bruxelloise de Koekelberg, Monsieur Philippe Pivin.
A Monsieur Philippe Pivin
Bruxelles, le 27 octobre 2011
Les derniers Indignés se préparent à partir.
C'est l’heure du bilan sur cet événement historique.
J’aurais bien aimé que cette troisième lettre que j’ai l’honneur de vous adresser, soit le témoignage loyal de ma gratitude et de mes remerciements les plus sincères, pour l’attitude compréhensive et citoyenne dont vous auriez pu faire preuve à l’égard des Indignés de toute l’Europe, tel que l'ont fait d'autres bourgmestres de Bruxelles : avec discrétion, respect et considération.
Hélas Monsieur le Bourgmestre, vous avez raté l’occasion de montrer au monde entier les gestes fondamentaux de tolérance d’un bourgmestre soucieux de ses attachements à la liberté d’expression et de ses devoirs démocratiques envers la population, même si l’inspiration qu’éclaircissent vos actes et vos idées sont contre le courant de l’Histoire.
Cette lettre est l’expression de notre indignation suite à la campagne médiatique de criminalisation orchestrée tout azimuts contre notre mouvement. Campagne à laquelle vous avez largement participé. Sous l’angle de la répulsion et de la peur. La droite, lourdement aveugle de notre pays a visiblement trop peur du renouveau de l’espoir et de l’amour qu’offrent les Indignés de Belgique et les Indignés de l’humanité toute entière.
L’histoire de notre relation avec la commune de Koekelberg est ponctuée de bizarreries ubuesques et entachées de mauvaise volonté. C'est pourquoi, au nom du respect acharné que nous les Indignés avons pour la vérité, nous tenons à apporter les précisions utiles et nécessaires ci-dessous.
Notre première communication demandant la permission de camper sur le Parc Élisabeth a été inexplicablement égarée par vos services pendant deux semaines.
Une deuxième communication nous a été demandée par votre chef de cabinet, Monsieur Ducarme.
La réponse fût prompte et sévère, dans le sens que nous n'aurions pas dû annoncer que nous avions choisi le Parc Élisabeth comme point de chute pour nos marcheurs venus de toute l’Europe.
A ce reproche, nous ne pouvons que répondre que nous n'avions pas, à ce moment là, d’autres solutions praticables. Il nous était donc impossible de faire marche arrière, à quelques jours de l’arrivée des marcheurs. Les deux semaines de silence de votre part ont pesé sur notre planning.
Votre réponse négative à ma demande d’autorisation de camper sur le Parc Élisabeth, datée du 4 octobre, c'est-à-dire 10 jours avant l’arrivée des marcheurs, a provoqué dans nos rangs un sentiment d’incompréhension et de frustration générale.
Difficile dans de telles circonstances de faire marche arrière dans notre choix, car le temps s'avérait trop court pour chercher un nouveau point de chute, ailleurs.
C’est pour cela, Monsieur le Bourgmestre, que je me suis permis de vous adresser une deuxième lettre. Dans celle-ci, je vous avais invité à la prudence et à reconsidérer votre décision, car un tel refus, étayé d’arguments fortement discutables, pouvait installer une logique de confrontation avec la police, confrontation que nous avons toujours voulu à tout prix éviter.
Par la suite, vous m’avez proposé à la place du Parc Elizabeth les locaux inhabités de la « Hoogesschool Universitait Brussel » de Koekelberg que vous avez présenté comme étant l’endroit « idéal » pour développer nos activités de l’Agora, alors que vous étiez pleinement conscient de l’état de délabrement et des graves problèmes de conception dans le bâtiment, au niveau de son réseau de tuyauteries de distribution et d’évacuation d’eau, du chauffage, de l'électricité, etc.
Nous ignorions que la communauté universitaire avait déménagé, entre autres raisons, à cause d'un problème "d'insalubrité sanitaire».
Dès la première demi heure après notre installation dans ce bâtiment, nous avons constater des inondations provenant des toits, sans compter la remonté anormal des excréments via les W.C. et les taques d’égouts, notamment du côté de la cuisine.
Nous avons donc immédiatement communiqué cela aux services compétents de votre commune, lesquels nous ont envoyé un plombier accompagné d’un policier. Mais ses efforts se sont avérés inutiles. Deux autres plombiers engagés à nos frais ont aussi échoué.
Nous avons alors contacté le propriétaire du lieu, qui a pu remédié temporairement à la gravité de la dégradation du bâtiment et nous a, par la même occasion, accordé l'autorisation de maintenir notre permanence dans les locaux de l'université jusqu'au lundi 17 octobre. Nous avons donc établi pour nos équipes de nettoyage un planning étalé entre le dimanche 16 et le lundi 17 octobre.
Or le 15 octobre, vous nous avez sommé de quitter l’Université. Le même jour, à 15 heures, vous avez ordonné à la police d’investir les locaux alors que la totalité des Indignés était en train de manifester dans le centre ville. Vous nous avez empêchés de récupérer nos affaires et d'honorer notre promesse de laisser les locaux de l'université dans un parfait état de propreté, comme ce fût le cas lors du déménagement du Parc du cinquantenaire et du Stade de Saint Josse, à Evere.
Au sujet des tags dont une certaine presse continue de parler, avec l’intention de bien faire passer le message félon, selon lequel les Indignés sont une bande de marginaux en colère, de chômeurs désœuvrés, de sans-papiers illettrés et de SDF enragés, je tiens à vous préciser que nos slogans sont toujours porteurs d’espoir, de désespoir parfois ou d’indignation. Ils ont tous pour objectif de défendre les intérêts des citoyens actuellement menacés par de puissants courants financiers.
C’est pourquoi Monsieur le bourgmestre, je trouve bizarre que des tags au contenu étranger à nos principes aient été maladroitement dessinés pendant notre absence dans les locaux de l’université. Je trouve également étrange les coups de canif que des mains mal intentionnées ont portés aux tentes et aux sacs à dos de nos marcheurs, à juste titre doublement indignés.
Finalement, monsieur le Bourgmestre, je visionnerai de nouveau la mise en scène des images de la « dégradation » et je me permets de vous conseiller vivement de visionner les images flagrantes de la haine d’un policier qui a voulu « dégrader » le visage d'une fille indignée. Deux symboles très forts qui révèlent où se trouve l’ignominie. A vous de choisir.
Veuillez agréer, Monsieur Pivin, mes salutations distinguées.