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Source : www.mediapart.fr
Le parti populaire (PP) au pouvoir et le parti socialiste (PSOE) ont enregistré une cuisante défaite aux élections européennes. Le collectif Podemos, issu du mouvement des indignés, crée la surprise en remportant 5 sièges au Parlement européen.
Podemos (« Nous pouvons ») fait une entrée triomphale sur la scène politique espagnole. Le collectif, emmené par le professeur de sciences politiques Pablo Iglesias, a dépassé les estimations les plus optimistes (2 sièges) de tous les instituts de sondages en remportant cinq sièges au Parlement européen dimanche 25 mai. Avec plus de 1,2 million de voix, il se rapproche des écolo-communistes d'Izquierda Unida (IU, Gauche unie), qui remportent six sièges (quatre de plus qu'en 2009). Jamais un parti avec à peine six mois d'existence n'avait emporté une telle adhésion.
Ces élections étaient les premières depuis l'arrivée de Mariano Rajoy à la présidence du gouvernement espagnol et le message des électeurs est clair : ils sanctionnent lourdement le parti populaire (PP, droite) au pouvoir… et encore plus le parti socialiste (PSOE) qui l'a précédé. Le parti de Rajoy gagne 16 sièges (26,06 % des suffrages, 8 sièges perdus) et la formation d'Alfredo Pérez Rubalcaba 14 sièges (23 %, 9 sièges perdus). La claque pour le bipartisme est sévère : aux européennes de 2009, ces deux partis cumulaient 47 des 54 sièges espagnols au Parlement de Strasbourg ; depuis hier, il n'en ont plus que 30, ne recueillant à eux deux même pas la moitié (49,06 %) des suffrages exprimés. Au cours d'une conférence de presse lundi, le secrétaire général du PSOE, Alfredo Pérez Rubalcaba, a assumé la responsabilité de la défaite et annoncé un congrès extraordinaire du parti les 19 et 20 juillet, avant des primaires ouvertes. Il ne démissionne pas mais ne se présentera pas.
Podemos devient à l'issue de ce scrutin la quatrième formation politique espagnole – dépassant UPyD (4 sièges) – et même la troisième en Aragon, dans les Canaries, à Madrid, aux Baléares et dans les Asturies. Outre Iglesias, figure la plus médiatique de Podemos, les nouveaux eurodéputés sont l'enseignante et militante contre les plans d'austérité dans l'éducation Teresa Rodríguez, l'ancien procureur anticorruption Carlos Jiménez Villarejo, Lola Sánchez et le scientifique Pablo Echenique-Robba.
Une fois les résultats annoncés, qui frisent les 8 % des suffrages exprimés, les sympathisants ont laissé éclater leur joie au siège de la formation à Madrid, communauté où elle a relégué IU à la cinquième place. Au cri de « oui on peut », ils ont fêté leur victoire, même si Iglesias a lancé un appel au calme : « Pour l'instant, nous n'avons pas atteint notre objectif qui est de former une alternative de gouvernement. » La tête de liste n'a pas manqué de souligner que ces 1,2 million de voix sont un « sérieux avertissement » pour le PP et le PSOE, et a promis de travailler avec « d'autres partis du sud de l'Europe » : « Nous ne voulons pas être une colonie de l'Allemagne », a-t-il lancé.
Surprise de cette soirée électorale en Espagne, le jeune parti tourne la page de ses débuts : la présentation, il y a moins d'un an, d'un manifeste dans lequel il dénonçait la « soumission des institutions aux pouvoirs économiques » et qui voulait regagner la souveraineté populaire à une époque de « profonde crise de légitimité » de l'Union européenne. « Transformer l'indignation en changement politique » : voilà ce qu'il proposait.
L'irruption d'un nouveau parti capable de séduire son électorat inquiétait Izquierda Unida ces dernières semaines, mais des tentatives de rapprochement en vue d'une candidature unique aux élections européennes ont échoué. Podemos avait posé comme condition d'alliance l'organisation de primaires ouvertes, alors qu'IU faisait le choix de soumettre une candidature aux fédérations et à une commission de 15 dirigeants. Le jeune parti a décidé d'organiser ses propres primaires, auxquelles 33 000 personnes ont participé, votant à plus de 60 % pour une candidature Iglesias.
La tête de liste, qui a terminé sa campagne vendredi « convaincu » que « la caste (dirigeante, ndlr) et ses partis » allaient recevoir « une correction des électeurs », a tenu des meetings et réunions dans plusieurs villes, en faisant un usage intensif des réseaux sociaux et en participant à des débats télévisés. « Nous avons réussi à mobiliser ce que personne n'a réussi à mobiliser : l'illusion », a-t-il déclaré au cours de son dernier meeting devant 4 000 sympathisants réunis à Madrid vendredi 23 mai.
Dorénavant, Podemos devra décider d'intégrer ou pas les groupes européens existants. Celui de la Gauche unitaire européenne (GUE), où figure le Grec Alexis Tsipras de Syriza, a sa préférence. Iglesias a répété à de nombreuses occasions sa volonté d'entrer dans le même groupe qu'IU, qu'il a qualifié de « groupe naturel » pour Podemos.
Il devra aussi décider de son avenir politique pour les prochaines échéances nationales. Iglesias a déclaré que le défi est de se poser comme alternative aux partis dominants lors des prochaines élections générales, l'année prochaine, auxquelles le parti a « vocation » à se présenter.
Quant au Parlement européen, Iglesias a souligné que parmi les premières mesures que son parti voulait défendre figuraient la baisse des salaires des eurodéputés et la “directive Villarejo” visant à lutter contre la corruption en limitant le nombre de mandats et les salaires, en durcissant le régime d'incompatibilités pour décourager le cumul mandat/responsabilités dans le privé, et en éliminant les privilèges.
Si Podemos a mordu sur l'électorat d'IU, ce parti a néanmoins triplé son nombre de sièges par rapport à 2009 avec l'élection de 6 eurodéputés (13,44 % des suffrages) ; il enregistre aussi son meilleur résultat depuis 1994. Sa tête de liste, Willy Meyer, s'est déclaré dimanche soir « triplement satisfait », assurant que « l'objectif » d'IU était atteint : « vaincre le bipartisme ». « Nous sommes déterminés à construire un nouveau projet pour le pays, et toutes les alliances de gauche sont nécessaires pour une alternative aux politiques néolibérales », a déclaré Cayo Lara, le coordinateur fédéral d'IU, évoquant ainsi une possible alliance avec Podemos. Soulignant que Rajoy avait voulu faire de ces élections un référendum, il a affirmé qu'il n'avait « d'autre légitimité que de présenter la démission de tout le gouvernement, de dissoudre l'assemblée et de convoquer des élections générales ».
Le parti X, issu lui aussi du mouvement des indignés de 2011, n'a emporté aucun siège. Emmené par l'informaticien franco-italien Hervé Falciani, il a mené une campagne électorale beaucoup plus discrète.
Laurence Rizet avec Manuel Rico, Daniel Ríos et Ibon Uría de la rédaction d'infoLibre, journal numérique partenaire de Mediapart
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