Source : lexpansion.lexpress.fr
Un audit interne du FMI critique l'austérité budgétaire et les politiques monétaires expansionnistes préconisées par l'institution à partir de 2010. Et doute de sa capacité à anticiper la prochaine crise financière.
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La directrice du FMI, Christine Lagarde, le 10 octobre 2014 à Washington
afp.com/Mandel Ngan
Les conseils économiques du Fond monétaire international sont-ils encore crédibles? A en croire un audit interne de l'institution publié mardi, il est permis d'en douter. Ce document, publié mardi par le bureau d'évaluation indépendant (IEO) du FMI, passe au crible les préconisations émises par l'institution entre la crise financière de 2008 et 2013. Et son évaluation du "cocktail de mesures" proposé, mêlant austérité budgétaire et soutien monétaire massif, est au final très sévère. Il "a été loin d'être efficace et a contribué à la volatilité des flux de capitaux sur les marchés émergents", tranche l'IEO.
Certes, reconnaît l'audit, le FMI a joué, au départ, un rôle crucial dans la lutte contre la crise en appelant "au bon moment", dès 2008-2009, les pays industrialisés à lancer de grands plans de relance budgétaire pour booster l'activité. Mais il a trop vite revêtu ses habits de gardien de l'orthodoxie budgétaire en recommandant dès 2010 des cures d'austérités à certains pays développés, estime le rapport. L'appel à la consolidation budgétaire était "prématuré" et a fini par étouffer la reprise, assure l'IEO qui ne fait toutefois qu'effleurer l'impact controversé des plans d'aide du FMI en zone euro, notamment en Grèce et au Portugal.
Le FMI lui-même avait esquissé un début de mea culpa à l'automne 2012 en reconnaissant avoir sous-estimé l'impact de l'austérité sur la croissance. Récemment, il semble par ailleurs avoir de nouveau changé de braquet en préconisant des investissements massifs dans les infrastructures, quitte à creuser les dettes publiques.
Le FMI était toutefois conscient des conséquences de l'austérité budgétaire puisqu'il incitait parallèlement les banques centrales à prendre le relais des Etats pour soutenir l'activité. Mais cette préconisation est également très critiquée.
D'après l'IEO, le soutien des banques centrales, combinant taux proches de zéro et rachats d'actifs, a été crucial après la crise mais il n'a pas pu se subsister entièrement au levier budgétaire des Etats. "De nombreux analystes et dirigeants politiques ont soutenu que des politiques expansionnistes sur le plan monétaire et budgétaire, marchant main dans la main, auraient été plus efficaces pour stimuler la demande", note l'IEO.
Surtout, ces mesures d'injections massives de liquidités ont eu des retombées négatives sur le globe auxquelles le Fonds aurait "dû porter une plus grande attention", indique le rapport. Les spéculations sur un retour à la normale monétaire aux Etats-Unis ont ainsi alimenté des mouvements de capitaux déstabilisateurs en 2013 dans de nombreux pays émergents, déstabilisant leur monnaie et leur économie. Le FMI a "sous-évalué" les risques encourus par ces pays en 2011-2012 et n'a été alarmiste qu'en septembre 2013 à un moment où ils avaient déjà subi "d'importantes phases de volatilité financière", indique le documant.
Le rapport se montre également circonspect sur la capacité du FMI à détecter le prochain chocs financier, en raison de mécanismes devenus "trop complexes" ."La quantité d'analyses est très difficile à absorber, pour les dirigeants politiques comme pour les équipes du FMI", assure l'organe d'évaluation interne du Fonds, qui note également que les ressources du FMI pourraient s'avérer insuffisantes en cas de nouvelle crise.
Répondant à l'IEO, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, a salué un rapport "équilibré" tout en assurant ne "pas partager" les critiques sur le remède anti-crise du FMI."Je crois profondément que conseiller aux économies ayant un fardeau croissant de la dette de s'orienter vers une consolidation budgétaire était la bonne décision à prendre", déclare-t-elle dans un communiqué distinct.