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30 mars 2013 6 30 /03 /mars /2013 18:31

 

 

 

Tous les ans, les négociations entre les représentants de la grande distribution et leurs fournisseurs donnent lieu à des annonces solennelles. Il y a quelques jours, la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution (FCD), qui représente les grandes enseignes, a ainsi officiellement annoncé qu’à l’issue d’âpres discussions de plusieurs mois, les prix des produits alimentaires vendus dans leurs rayons resteront stables en 2013. Ces négociations sont encadrées par la loi et sont censés permettre aux fournisseurs de peser un peu face aux grandes centrales qui représentent les super et les hypermarchés.

Voilà pour la théorie, et pour la vitrine. Mais en fait, les tarifs affichés à l’issue de ces négociations correspondent rarement à l’argent qui arrive finalement dans les caisses des fournisseurs. Les grandes surfaces leur réclament en effet très régulièrement des ristournes, souvent peu justifiées, que les petits producteurs sont rarement en mesure de refuser. C’est le cas de ce fabricant de produits d’art, dont Cultura, une enseigne de loisirs créatifs, qui compte une cinquantaine de magasins en France, est le plus gros client. « Il y a trente ans, notre marque était distribuée par un réseau de magasins indépendants, souvent dirigés par des passionnés, témoigne le dirigeant de ce fabricant, qui a requis l’anonymat. Aujourd’hui, nous répondons aux commandes des financiers qui ont investi notre profession, et qui savent qu’ils nous tiennent. On n’a pas le choix. »


 

Avec moins d’un million de chiffre d’affaires annuel, ce producteur a un besoin vital d'être référencé par la grande enseigne, qui lui fournit environ un cinquième de son activité. En contrepartie, Cultura lui demande de grignoter ces marges chaque année un peu plus, à coup de conséquentes « remises sur factures » et autres « ristournes de fin d’année ». « Au début des années 2000, lorsque les magasins se sont développés, ils nous ont référencés parce que nous sommes très présents dans les magasins spécialisés. Vu les possibilités d’expansion, nous leur avons accordé une remise de 15 % sur tous nos tarifs », raconte le dirigeant.

Mais, au fil des ans, les exigences du distributeur se sont durcies. La remise de base dépasse désormais 20 %. « La méthode est simple : une année, ils ont énormément restreint leurs commandes et ne m’ont permis de réaliser que la moitié du chiffre d’affaires que j’avais réalisé dans leurs rayons l’année précédente. Je peux vous dire qu’après, j’ai accepté leurs conditions ! »

À ce rabais de base, s’ajoute une très longue liste, selon un contrat auquel Mediapart a eu accès. Entre 4 % et 7 % de remise « logistique », si le fabricant livre ses produits dans un centre de stockage et non directement aux magasins (mais ce n’est pas toujours lui qui choisit). 10 % de réduction supplémentaire sur les premières commandes réalisées lorsque la chaîne ouvre un nouveau magasin. Mais aussi, assure le dirigeant, 3 % de rabais pour les produits proposés par Cultura lors des opérations spéciales de rentrée. Ou encore 2 000 euros à débourser pour chaque photo apparaissant dans les catalogues fabriqués par l'enseigne.

Il faut encore comptabiliser une lourde ristourne dite « de fin d’année » : 4 % pour compenser la « centralisation » des commandes par une centrale d’achat unique. Sans oublier un rabais supplémentaire allant de 2,5 % à 5 %, en fonction du chiffre d’affaires réalisé dans les magasins de l’enseigne ! « En additionnant tout, je consens entre 30 et 40 % de réduction sur mes factures, et donc sur ma marge, calcule le chef d’entreprise. Et ça bouffe ma trésorerie. » Selon lui, cette perte de revenus pousse bon nombre de fabricants de son secteur à faire fabriquer leurs produits en Chine, au mépris de la qualité.

Dérives trop nombreuses

L’entrepreneur assure que son cas n’est pas isolé, et cite l’exemple extrême de certains collègues, qui, outre les remises qu’ils consentent à des enseignes de grande distribution, iraient jusqu’à installer eux-mêmes les présentoirs où seront disposés leurs produits et financent une partie de leur mise en place. Mais impossible d’en savoir beaucoup plus. Les témoignages sont très rares et les distributeurs refusent de s’exprimer sur le sujet. Ainsi, Cultura a souhaité ne faire « aucun commentaire », malgré nos multiples sollicitations.

Le sujet est, il est vrai, délicat. La loi de modernisation de l’économie (LME), promulguée en août 2008, était censée avoir réglé la question des « marges arrière », ces rabais consentis par les fournisseurs pour que leurs produits soient mis en valeur dans les rayons. « On a interdit les marges arrière, mais rien n’a changé ! Ce sont juste les mots dans le contrat qui ont été modifiés », grince notre chef d’entreprise. Une modification a tout de même eu lieu : désormais, toutes les négociations et remises sont obligatoirement portées sur le papier, dans un contrat unique, renégocié tous les ans.

Mais un rapport de l’Assemblée nationale sur le bilan de la LME, rédigé dès 2010, donne partiellement raison à notre témoin. Le texte indique que « les marges arrière ont fortement diminué », représentant en général plutôt autour de 10 % du prix de vente, mais pointe aussi « des abus persistants ». Par exemple, certaines grandes surfaces imposent des pénalités de retard si les produits ne sont pas livrés à temps ou forcent leurs fournisseurs à racheter leur stock d’invendus…

En octobre dernier, lors d’un colloque organisé par le magazine spécialisé LSA, la directrice générale de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), Nathalie Homobono, regrettait les dérives encore trop nombreuses dans les rapports de force entre distributeurs et fournisseurs. « Pour une grande partie des fournisseurs, les négociations des prix demeurent difficiles face à une distribution concentrée », estimait-elle. Selon ses chiffres, les distributeurs ont été condamnés en 2011 à plus de 2,2 millions d'euros d'amendes, sans compter les dédommagements aux fournisseurs.

Deux condamnations résument assez bien l’état du secteur. En mars 2012, Carrefour a été condamné par la Cour d'appel de Paris à restituer 17 millions d'euros de marges arrière à des fournisseurs, en plus de l’amende de 2 millions à laquelle l’enseigne avait déjà été condamnée en première instance. En novembre 2011, c’est Leclerc qui a été condamné à payer un million d'euros par le tribunal de commerce de Paris. Il n'a pas apprécié les pratiques du distributeur : la Cour d’appel de Versailles avait jugé en octobre 2009 qu'il devait rembourser 23,3 millions d'euros à 28 fournisseurs, pour des marges arrière perçues entre 1999 et 2001. Leclerc avait obtempéré, mais obligé par la suite ces fournisseurs à… lui restituer les sommes.

 

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