Source : www.reporterre.net
Olivier Mary (Reporterre)
mardi 11 février 2014
La santé apparente du secteur aéronautique a une cause essentielle : le transport aérien paye beaucoup moins d’impôts que les autres activités. Faisant peser sur la collectivité son impact polluant et handicapant les autres moyens de transport moins nocifs.
Le secteur aérien ne semble pas subir la crise économique. En 2013, la fréquentation des aéroports français a connu en effet une nette progression : sur l’ensemble de l’année, le trafic aérien de voyageur a augmenté de + 2,5%. Le phénomène est spectaculaire à Orly (+ 7,7%), Nantes (+9,9%) et Beauvais (+ 10,8%).
En 2013, des plateformes comme Bordeaux ont atteint ou battu leur record annuel de fréquentation. Comment expliquer un tel succès ? Tout simplement par les privilèges acquis au fil des années par l’industrie aéronautique. Entre les avantages fiscaux et les profits engrangés grâce au système de quotas de C02, le secteur a toutes les raisons d’afficher une santé insolente.
Cela pose un réel problème en termes de réchauffement climatique : un avion émet environ 140 grammes de CO2 au kilomètre par passager, contre 100g/km en moyenne pour un automobiliste. Si la contribution de l’aviation aux émissions globales de gaz à effet de serre de l’Union Européenne est estimée à seulement 3%, cet impact serait en fait 2 à 4 fois plus important selon le rapport spécial du Giec.
Un phénomène qui devrait s’accélérer avec l’accroissement régulier du nombre de voyageurs. « Si rien n’est fait, les émissions de ce secteur doivent doubler, voire tripler d’ici à 2050, réduisant à néant toute chance de limiter le réchauffement de la planète bien en deçà de 2° C d’ici la fin du siècle » estime le Réseau Action climat..
Tous les avantages dont bénéficie la filière ont eu pour conséquence la baisse des prix des billets, les rendant plus avantageux que des modes de transport plus propres : résultat, depuis 1990, les émissions de ce secteur au sein de l’Union ont augmenté de 110%.
Des privilèges en cascade
- Signature de la Convention de Chicago -
Ces avantages remontent à la signature en 1944 de la Convention de Chicago et étaient destinés à accompagner l’essor du transport aérien. L’exemption de toute taxe pour le kérosène destiné aux vols internationaux est inscrite dans ce texte. « Au niveau national il en va de même, le carburant utilisé pour l’aviation est totalement exonéré de taxe intérieure sur la consommation mais aussi de TVA. Ainsi le kérosène est le seul carburant d’origine fossile dont la consommation ne supporte aucune taxe », rappelle le Rac.
Des privilèges injustes pour le groupe parlementaire Europe Ecologie les Verts, qui avait déposé le 13 octobre 2012 un amendement (N° 448A) au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.
« Il s’agit de mettre fin, progressivement, à une niche fiscale qui fausse la concurrence avec le train, comme cela été voté au Pays-Bas, et qui permettrait de récupérer 300 millions d’euros par an » explique Denis Baupin, Vice-Président de l’Assemblée Nationale et Député de Paris pour EELV. « Mais l’amendement a été refusé sous prétexte que cela risquait de faire du tort à Air France, » regrette l’élu.
« Les socialistes avait proposé la taxation du kérosène par la voix de Jérôme Cahuzac lorsqu’ils étaient dans l’opposition, une fois au pouvoir, plus rien », dénonce aussi Lorelei Limousin, chargée de mission transports au Rac. Avec toujours le même argument, protéger Air France.
Pourtant, le texte, plutôt mesuré, ne prévoyait pas la taxation du kérosène pour les vols dits de service public, vers des régions périphériques comme la Corse ou l’outremer, pour éviter de fâcher leurs élus.
Quant à la TVA sur les billets pour les vols internationaux (et intra-européens), elle est fixée à... 0 %. Une dérogation née en 1977 qui ne devait s’appliquer que de manière provisoire. Les compagnies peuvent même réclamer le remboursement de la TVA pour leurs achats de biens et de services destinés à leur activité alors qu’elles ne l’ont pas payé pour les billets !
A l’échelle de l’Union européenne, cette absence de TVA coûte dix milliards d’euros par an. En fait, les billets nationaux sont les seuls à être taxés. Et encore, à un taux réduit, qui vient de passer de 7 à 10 % le 1er janvier 2014. Une maigre augmentation qui fait pourtant bondir le SNPL, premier syndicat de pilotes chez Air France.
Il dénonce « l’augmentation de TVA sur les transports, [qui] annule l’intégralité du bénéfice du crédit d’impôt compétitivité décidé l’an dernier par l’Etat français » et l’augmentation de 12 % à partir du 1er avril de la taxe de solidarité, dite « taxe Chirac », qui finance la lutte contre les pandémies dans les pays en développement.
« Nous demandons à l’Etat de cesser de ponctionner les compagnies françaises », a déclaré le président du SNPL Air France ALPA, Jean-Louis Barber, dans un communiqué. Il est vrai que cela crée un déficit de compétitivité par rapport, notamment, aux compagnies à bas coûts.
Bercy est pourtant bien arrangeant avec l’aérien : l’article 262-II-4 du Code général des impôts, exonère...
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