On ne prête qu’aux riches ? Ils n’en ont jamais eu aussi peu besoin. Le club des 300 personnes les plus prospères du globe s’est en effet encore enrichi de 524 milliards de dollars l’an passé (385 milliards d’euros). Il pèse désormais 3 700 milliards de dollars, soit près d’une fois et demi le produit intérieur brut de la France. Dix fois la richesse du Venezuela. Cent fois celle de la Serbie. Mille fois celle du Burkina Faso. Ou encore, trente fois l’aide publique au développement allouée en 2012 pour lutter contre la pauvreté dans le monde. La seule rente de 524 milliards tombée l’année dernière dans l’escarcelle des milliardaires qui l’étaient déjà suffirait à sortir de la pauvreté extrême les 1,2 milliard d’habitants qui survivent sur la planète avec 1,25 dollar par jour. Voilà pour les comparaisons qui racontent comment va le monde.
Jamais les milliardaires ne se sont ainsi autant gavés d’argent qu’en 2013, assure le Bloomberg’s Billionaires Index (1). La faute, notamment, à une politique monétaire expansionniste des banques centrales. Elle favorise la prise de risque des investisseurs, dope les marchés financiers, comme le S & P 500, à Wall Street, qui a bondi de 30% (les 500 sociétés cotées valent 3 700 milliards de dollars de plus qu’un an plus tôt). Et elle permet aux riches détenteurs d’actions en Bourse de s’enrichir encore plus (lire ci-contre).
Culbute. Il avait rétrogradé, le voilà à nouveau au sommet. Bill Gates retrouve la première place au détriment du magnat des télécoms mexicain, Carlos Slim. L’an passé, Gates s’est donc goinfré de 15,8 milliards pour en totaliser 78,2. Il aura juste fallu laisser prospérer son portefeuille d’actions. Comme ses 4,5% dans Microsoft, fondée en 1975, qui ont gonflé de 40%. Ou ses actifs dans la Canadian National Railway (+ 34%), dans Ecolab (+ 45%), etc. Sans parler de son fonds d’investissement Cascade qui a fait la culbute…
Ce triomphe de l’économie casino récompense évidemment ceux qui ont fait des jeux d’argent leur business. Le deuxième plus grand bénéficiaire de l’an écoulé - 14,3 milliards - s’appelle ainsi Sheldon Adelson. Le créateur de la plus grande entreprise de casinos de la planète, Las Vegas Sands, a vu sa boîte gagner 71%, dont 58% des marges viennent de Macao, qui a trusté 45 milliards de revenus l’an passé…
L’aristocratie française, ancienne ou nouvelle, figure bien au palmarès de la richesse. Au 15e rang, Liliane Bettencourt (L’Oréal) a gagné 7,3 milliards et en pèse désormais 33,4. A la 18e place, Bernard Arnault (LVMH) a récolté 3,2 milliards et en vaut 31,4. François Pinault est 46e, Serge Dassault 66e, les frères Wertheimer (Chanel) 114e et 115e, Margarita Louis-Dreyfus 187e, Xavier Niel 195e…
Damned, il y a quand même quelques pertes dans cet océan indécent de prospérité. Ainsi, 70 des 300 hyper-riches boivent (un peu) la tasse. Prenez Eike Batista, ex-numéro 7 mondial en 2012. Ce cador brésilien de l’industrie extractive à l’ascension fulgurante claironnait il y a encore quatre ans que partout où il creusait, il trouvait «quelque chose». Une faillite l’a propulsé au bûcher des vanités : 30 milliards partis en fumée. Une chute à l’image d’autres oligarques, victimes du renversement d’un cycle de hausse des matières premières qu’ils croyaient sans fin. L’Ukrainien Rinat Akhmetov lâchera donc moins dans les transferts du club de foot Chakhtar Donesk : il a paumé 5,1 milliards mais ne revendra pas forcément le penthouse le plus cher au monde, à Londres, acquis pour la modique somme de 221 millions. Et Oleg Deripaska, le Russe à la tête de Rusal, ex-leader de l’aluminium qui, avant la crise, rêvait de bâtir un port de luxe pour 800 yachts s’est vu (snif, snif !) délesté de 3,8 milliards.
Perf. Il y a peu de chances que cette année inverse la tendance. «Les riches devraient devenir encore plus riches», assure le Grec-Américain John Catsimatidis, milliardaire du Parti républicain à la tête du groupe Red Apple. Pourquoi ? Parce que les banques centrales vont continuer à prêter de l’argent quasi gratuitement. «Comme les taux d’intérêt vont rester bas, les marchés d’actions vont continuer à augmenter et l’économie progressera d’au moins 2%», ajoute-t-il. Pas sûr, pour autant, que le MSCI mondial, l’indice boursier qui mesure la perf des Bourses des pays riches, qui a pris 24% l’an passé, continue à être autant déconnecté de l’économie réelle. Seule bonne nouvelle : entre le 1er et le 2 janvier, les 300 milliardaires ont perdu 17,8 milliards.