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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 11:03
| Par Louise Fessard

 

Les sénateurs discutent le 25 octobre 2011 d'une proposition de loi, adoptée par l'Assemble nationale le 12 octobre, créant un service citoyen encadré par d'anciens militaires pour les mineurs délinquants de 16 ans et plus. A la suite du changement de majorité au Sénat, cette proposition de loi du député UMP Eric Ciotti, déjà rejetée par la commission des lois du Sénat, pourrait également être écartée en séance plénière mardi. «Si à l'issue de la séance, le Sénat adopte, comme je l'espère, la question préalable présentée par la commission des lois, la proposition de loi sera réputée rejetée», explique Jean-Pierre Sueur, président PS de cette commission.

Le projet, approuvé par Nicolas Sarkozy, s'inscrit dans une orientation idéologique constante depuis 2007 : concentrer les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) sur une réponse pénale dans des centres fermés (centres éducatifs fermés, établissements pénitentiaires pour mineurs et maintenant établissements publics d'insertion de la défense ou Epide), à rebours d'un accompagnement éducatif au long cours en milieu ouvert.

«Je n'ai rien contre les Epide, expliquait ainsi Jean-Jacques Urvoas, le monsieur sécurité du PS lors d'un débat public à Marseille le 17 septembre. Mais le problème est ce qui se passe après. Si on ne s'occupe pas des jeunes quand ils retournent dans leurs quartiers, ils risquent de retomber dans les mêmes fréquentations, les mêmes conneries, et ça, la droite, qui a supprimé 600 postes d'éducateurs de rue en quatre ans, ne veut pas le comprendre.» «Quand on voit l'insuffisance notoire du budget de la PJJ, on comprend qu'on a affaire à une loi d'affichage, totalement improvisée», estime également Jean-Pierre Sueur.

En juin 2011, à l'Unité éducative de milieu ouvert (UEMO) Viton, Mediapart avait rencontré deux éducateurs de la PJJ qui suivent les jeunes délinquants de l'est de Marseille. Leur travail : démêler l'écheveau de vies compliquées, parfois entre délinquance et maltraitance, et s'assurer du suivi des mesures ou de la peine prononcées par le juge des enfants. Un psychologue et une assistante sociale sont également présents à Viton. Une tâche de longue haleine, bien moins médiatique et spectaculaire que les centres éducatifs fermés et autres EPM qui ont actuellement les faveurs du gouvernement.

Chacun des sept éducateurs de l'UEMO Viton suit une vingtaine de jeunes, avant et après un éventuelle condamnation par le juge des enfants, avec des pics à trente. «Mais à trente, on ne les voit qu'une fois par mois, ce n'est plus du suivi», dit Gérard Bourgon, 58 ans.

Cet ancien pédopsychiatre a roulé sa bosse comme éducateur spécialisé dans la banlieue parisienne, puis dans un foyer marseillais avant de rejoindre le «milieu ouvert». L'éducateur de la PJJ fonctionne avec un juge des enfants, toujours le même pour chaque jeune : «Les jeunes sont parfois interloqués de voir que l'information remonte jusqu'au magistrat», relève Gérard Bourgon.

Certains jeunes sont très demandeurs, d'autres ne se lèveront que si leur éducateur vient leur secouer les puces chez eux. «Nous préférons voir le jeune ici, mais ça ne nous empêche pas d'aller le réveiller le matin quand il a rendez-vous à la mission locale, explique Serge Hallépée, le directeur de l'UEMO. C'est l'occasion de voir dans quelles conditions il vit. Parfois le gamin n'a pas de chambre ou il dort dans le même lit que sa sœur.»  

«Le plus long est d'établir le lien, qu'il y ait une sorte de confiance réciproque, après le jeune sait qu'on va faire de la route ensemble», explique Gérard Bourgon. En moyenne deux ans. «Parfois, c'est une erreur de parcours et le jeune repart rapidement sur une bonne trajectoire, parfois on le suit de 13 à 19 ans», détaille Stéphanie Martinon, 33 ans, également éducatrice.

Lorsqu'on évoque la réponse immédiate aux infractions prônée autant à droite qu'à gauche, ils sourient. L'unité a accumulé une cinquantaine de mesures éducatives en retard, soit cinquante jeunes qui devraient être suivis mais ne le sont pas pour l'instant, faute du poste d'éducateur supplémentaire nécessaire.

L'éducateur de milieu ouvert est du genre sparadrap. Même lorsque son «client» est en détention, il ne le lâche pas et prépare sa sortie en lien avec les éducateurs de la prison, quand il y en a.

Du sur mesure

Les éducateurs de Marseille rendent ainsi régulièrement visite à des jeunes emprisonnés au quartier pour mineurs de Grasse, à la prison pour mineurs de Meyzieu près de Lyon, ou jusqu'à celle de Lavaur près de Toulouse. Avec parfois des déblocages en prison: «Hier nous avons reçu les parents d'une jeune fille détenue aux Baumettes, car nous allons faire un signalement pour des agressions sexuelles dont elle aurait été victime dans son enfance et dont elle a parlé depuis qu'elle est en prison», explique Stéphanie Martinon.

Premier acte, des investigations qui peuvent durer six mois pour faire l'état des lieux, rencontrer à plusieurs reprises le jeune et ses parents, réfléchir aux moyens de faire bouger les dysfonctionnements repérés. «On fait vraiment du sur mesure à la PJJ, il faut travailler avec tout ce qui fait l'environnement du gamin, sa famille, les associations, les enseignants, etc., explique Serge Hallépée. Nous avons parfois des difficultés à rencontrer les parents, on se rend compte que les boîtes à lettres sont cassées, qu'on ne s'est pas adressés à la bonne personne (par exemple dans les familles comoriennes, c'est l'oncle maternel qui est chargé de l'éducation, pas le père), que les parents ne savent pas lire ou se font une représentation telle de l'institution judiciaire qu'ils n'osent pas...»

C'est à la lumière de ces investigations que le juge prononce des mesures éducatives, et éventuellement une peine.

Ce mercredi-là, Gérard Bourgon a dû annuler tous ces rendez-vous de l'après-midi, afin de se rendre au tribunal pour enfants de Marseille, où un garçon qu'il suit est jugé pour quatre affaires. Le jeune homme déscolarisé depuis juin 2010, et en liberté surveillée, est, entre autres, accusé d'outrage à des forces de police. Le cas ne se présente pas bien. «Il avait signé une convention pour faire un stage chez un maçon mais il n'est pas venu, ce qui risque de lui être préjudiciable auprès du juge», soupire Gérard Bourgon.

Lors des audiences, les éducateurs de la PJJ plaident sur le plan éducatif «pour faire ressortir ce qui est positif, les efforts réalisés et s'il a vraiment déconné, on le dit aussi», explique-t-il.

Avec des cas de conscience, comme quand un jeune confie qu'il a gardé l'argent d'un casse. «A l'audience, j'ai été obligée de lui dire "Sois honnête et raconte tout", se rappelle Stéphanie Martinon. C'est normal, nous ne sommes pas des éducateurs de rue, nous dépendons du ministère de la justice.»

«Nous ne sommes pas des magiciens»

Au tribunal pour enfants de Marseille, c'est du grand pêle-mêle. Prévenus, auteurs, adultes et mineurs patientent ensemble dans les couloirs, les escaliers, sans suffisamment de sièges pour tous. «Ça créée une promiscuité choquante, dit Gérard Bourgon. Mais parfois aussi, on a des victimes très en colère qui veulent des milliers d'euros de dédommagement et comprennent à l'audience qu'on ne peut demander ça face à de telles trajectoires de vie.»

Car la PJJ sert de recours quand les autres institutions craquent. «Très souvent quand les gamins arrivent chez nous, ils sont lâchés de partout, éducation nationale, missions locales, aide sociale à l'enfance, et on nous attend au tournant», dit Stéphanie Martinon. «On essaie de travailler avec l'éducation nationale, mais elle est en difficulté et n'a pas les moyens de prendre en charge les jeunes avec des troubles du comportement, regrette le directeur de l'Uemo. Les classes-relais à Marseille se comptent sur les doigts de la main de Django Reinhardt. On a aussi du mal à trouver des institutions pour les gamins psychotiques, tout le monde se refile la patate chaude et on les retrouve chez nous.»

A ceci près que les éducateurs ne sont «pas des sauveurs», remarque Gérard Bourgon.  «Quand dans une cité, comme celle de La Cayolle (au sud de Marseille), les familles sont dans la transgression sur plusieurs générations, nous n'allons pas faire des miracles et changer le système», dit-il. «En fait, nous sommes souvent victimes de représentations idéalisées des autres institutions, qui nous prennent pour des magiciens et essaient de nous refiler le bébé», souligne le directeur.

Un phénomène encore accentué par la judiciarisation actuelle, c'est-à-dire cette tendance à déléguer à la justice ce qui aurait pu être traité par l'école ou le commissariat du coin. «La dernière fois, nous avons reçu trois copains de troisième, qui avaient balancé des fruits depuis la fenêtre d'un appartement dans une cour de récré, raconte Gérard Bourgon. Une fillette avait reçu un citron dans l'œil et a eu un cocard. Les jeunes avaient fait un peu de garde à vue, eu une trouille bleue, ça suffisait. Etait-ce la peine de mobiliser la grosse cavalerie de la justice pour ça ?»

«On veut mettre ces jeunes à l'écart»

Les éducateurs sont aussi assez sceptiques sur la transformation actuelle des foyers classiques en centres fermés, qui s'accompagne d'une baisse des moyens de la PJJ en milieu ouvert. «Ce sont des structures hypercontenantes avec un emploi du temps très minuté et des activités intenses, le problème est le sas de sortie: que se passe-t-il quand le gamin retrouve son environnement, sa famille?», demande Gérard Bourgon.

«La PJJ en milieu ouvert fait un travail très long, très patient de partenariat avec d'autres organisations, de construction d'un lien de confiance avec le jeune, qui est aujourd'hui considéré comme une perte de temps, décrypte Maria Inès, co-secrétaire nationale du syndicat SNPES-PJJ. On veut aller plus vite pour ces jeunes, les mettre à l'écart dans des centres fermés pour qu'on ne les entende plus dans ces quartiers, et c'est tout. Mais quand ils sortent de centre éducatif fermé, la plupart continuent à être suivis par la PJJ, car les problèmes ne se résolvent pas magiquement en six mois de séjour dans un centre.»

«L'efficacité de la PJJ n'est pas visible sur le court terme, mais c'est le sens même de notre travail de se dérouler sur le long terme», dit Stéphanie Martinon.

Il y a des belles histoires, comme ce jeune Comorien suivi sur une affaire criminelle à 16 ans, qu'ils ont récemment revu. Il était devenu animateur. Mais la plupart du temps, les jeunes devenus adultes ne donnent pas de nouvelles. «Et ça arrive aussi qu'on apprenne par des collègues de la pénitentiaire qu'untel est aux Baumettes», raconte Stéphanie Martinon.

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