Le Monde.fr avec AFP | 04.04.2012 à 21h12 • Mis à jour le 05.04.2012 à 09h17
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Un peu avant neuf heures du matin, sous un arbre de la place Syntagma, à quelques mètres de la sortie du métro et du Parlement, un retraité de 77 ans s'est tiré une balle dans la tête, mercredi 4 avril, au cœur de la capitale grecque. L'annonce de ce suicide a suscité une vive émotion en Grèce. Des milliers de personnes sont venues, tout au long de la journée, porter des fleurs, des bougies et des messages, accrochés tout autour du tronc du cyprès. "Ce n'est pas un suicide, c'est un assassinat politique", disait une affiche.
Selon le correspondant du Monde à Athènes, Alain Salles, le pharmacien à la retraite a laissé une note manuscrite, non signée. Dimitris Christoulas y revendique la portée symbolique de son acte : "Puisque mon âge avancé ne me permet pas de réagir de façon dynamique (mais si un Grec attrapait une Kalachnikov, je serais juste derrière lui), je ne vois pas d'autres solutions que cette fin digne de ma vie. Ainsi, je n'aurai pas à fouiller les poubelles pour assurer ma subsistance." Il a ajouté : "Je crois que les jeunes sans avenir prendront un jour les armes et pendront les traîtres de ce pays sur la place Syntagma, comme les Italiens l'ont fait avec Mussolini en 1945."
La lettre fait également référence au "gouvernement Tsolakoglou", le premier gouvernement collaborationniste, pendant l'occupation allemande. Certains manifestants dénoncent régulièrement "l'occupation de la troïka" en la comparant à l'occupation nazie. Une affiche placée sur le cyprès accusait : "la junte des prêteurs l'a assassiné", assimilant le Fonds monétaire international, la Commission européenne et la Banque centrale européenne au régime des colonels qui a plongé le pays dans la dictature de 1967 à 1974.
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La plupart des manifestants, silencieux et émus, refusaient de parler aux médias mais certains scandaient le mot "Assassins". "Soulevez-vous, son sort sera le sort de nous tous", "Que cette mort soit la dernière de citoyens innocents. J'espère que les prochaines victimes seront les politiciens traîtres", pouvait-on lire sur les notes déposées par les Athéniens. La police a bouclé l'avenue longeant le Parlement.
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"Il est tragique qu'un de nos concitoyens ait mis fin à ses jours. Dans ces moments difficiles pour notre société, gouvernement et citoyens, nous devons soutenir les gens qui se trouvent dans la détresse", a indiqué le premier ministre, Lucas Papadémos, dans un communiqué.
Le porte-parole du gouvernement, Pantélis Kapsis, a souligné que "les circonstances précises" de cette "tragédie humaine" n'étaient pas encore connues. Selon les médias, plusieurs témoins ont entendu l'homme crier qu'il ne voulait pas léguer de dettes à ses enfants. Selon la police, Dimitris Christoulas souffrait d'un cancer du pancréas.
AUGMENTATION DES SUICIDES
Plusieurs études ont rendu compte ces derniers mois d'une augmentation des dépressions et suicides en Grèce, où la crise économique et sociale a fait bondir le taux de chômage, chuter salaires et retraites, paupérisant des pans entiers de la population. A l'image de ses voisins du Sud, la Grèce affiche toutefois un taux de suicide beaucoup plus bas que les pays du nord de l'Europe.
Alors que des élections législatives anticipées sont attendues début mai dans le pays, ce drame a fait réagir l'ensemble de la classe politique, qui y voit le signe du "désespoir" et de "la dépression" de la population grecque. "Je suis ébranlé, malheureusement ce n'est pas la première victime, nous avons un taux record de suicides. Il faut faire sortir les Grecs du désespoir", a déclaré Antonis Samaras, chef de Nouvelle Démocratie (conservateur), en tête dans les sondages.
"RÉFLÉCHIR À LA SITUATION DU PAYS"
De son côté, le Parti communiste a appelé "les coupables et les responsables du désespoir du peuple grec à se taire devant les résultats abominables de la crise capitaliste".
Plus mesuré, Evangélos Vénizélos, chef des socialistes du Pasok, parti majoritaire dans le gouvernement de coalition et artisan du deuxième prêt international accordé récemment au pays, a estimé que "les commentaires politiques n'ont pas leur place après cet incident choquant", ajoutant : "Il faut réfléchir à la situation du pays et faire preuve de solidarité et de cohésion."
En Italie, également sous le coup d'une sévère cure d'austérité, un maçon poursuivi pour fraude fiscale à Bologne et un Marocain de Vérone qui n'était plus payé depuis des mois se sont immolés par le feu la semaine dernière.