Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
Source : agoravox.fr
L'Euro : bouc émissaire qui retarde les réformes structurelles pour la classe dirigeante française, erreur historique pour quelques extra-terrestres (Emmanuel Todd). C'est à cet euro-schisme qu'ont assisté les téléspectateurs de l'émission ‘Mots croisés’ intitulée ‘À quoi sert l'Europe’, le 9 décembre 2013. C'est l'occasion de faire une mise au point sur ce que l'on nous cache depuis le traité de Maastricht : la Réserve Fédérale Américaine (FED) jugeait que, à défaut d'Etat fédéral comparable à celui des États-Unis, le projet d'union monétaire européenne serait voué à l'échec.
Jean-Claude Trichet s'inquiète du malaise européen !
Pour la suite de cet article, ayons à l'esprit des propos de Jean-Claude Trichet sur le marasme économique frappant la zone euro, tels que rapportés dans Le Point en octobre 2013 :
Alors directeur du Trésor, [dans les années 90], M. Trichet a négocié au nom de Paris chaque virgule de tous les articles concernant les aspects monétaires [du traité de Maastricht], pour ensuite diriger, de 2003 à 2011, l'institution née du texte : la Banque centrale européenne (BCE).
Ce traité, ratifié d'extrême justesse par référendum en France et régulièrement accusé d'avoir enfermé l'économie européenne dans un carcan budgétaire, il n'en renie pas une ligne. Surtout, il refuse de faire de l'euro le « bouc émissaire » du marasme économique.
« Il est très dommage que les Européens aient tendance à être constamment négatifs sur eux-mêmes. Nombreux sont ceux qui ont la tentation de se servir de l'Europe et de l'euro comme d'un bouc émissaire. (...) L'histoire nous enseigne combien de telles tendances sont dangereuses », affirme-t-il lors d'un entretien avec l'AFP dans un salon imposant de la Banque de France, dont il fut gouverneur.
Ce que nous proposons dans ce qui suit, c'est le regard de ses pairs d'outre atlantique sur l'opportunité de cette union monétaire, justement lorsqu'il était directeur du Trésor.
Les pairs de Trichet, défavorables à l'union monétaire européenne
Un prix Nobel d'économie reconnaît qu'il a eu tort d'apporter son soutien à l'union monétaire européenne : cette nouvelle est reprise récemment dans la presse anglo-saxonne et, en France, un article paru dans Atlantico le 13 décembre 2013.
Mettons cette information en perspective : ce professeur de la London School of Economics représentait-il le consensus des experts de l'époque, c'est-à-dire les années 90, ou était-il à contre-courant de ses pairs ?
La réponse à cette question nous est fournie par une étude rétrospective, publiée en décembre 2009, et commanditée par la Commission européenne. Voici son titre (traduit de l'anglais) :
Experts américains, de 1989 à 2002, presque tous d'accord sur l'euro : une mauvaise idée, vouée à l'échec.
Pourquoi américains ? L'enquête explique ce choix de plusieurs façons. En voici les principales. La première, c'est que les États-Unis ont une longue expérience d'une union monétaire et ont une économie du même ordre de grandeur que le continent européen. La deuxième c'est que les Etats-Unis ont le leadership dans la plupart des sciences, et, particulièrement en économie, sont la référence.
L'économiste américain Jeffrey Sachs, un des plus influents dans le domaine du développement, écrivait à l'époque :
Aux États-Unis, toute baisse de 1$ dans le revenu par tête dans une région en récession est compensée à hauteur de 0.40$ par un transfert d'argent fédéral vers cette région. Ce transfert se décompose en un reçu fiscal de 6 cents et un allègement de l'impôt fédéral de 34 cents.
C'est la traduction du principe de la sécurité sociale (une assurance) appliqué aux régions. Autrement dit, grâce à l'état fédéral, il y a mutualisation du risque macroéconomique entre les régions.
Plutôt que venir à bout du raisonnement tout de suite, faisons le par étape en faisant le va et vient entre le théorie et la pratique.
Aux État-Unis, les courbes de chômage des régions convergent
On peut, avec le recul de la crise financière apprécier la portée de ce mécanisme de mutualisation du risque macroéconomique entre les régions.
Reportons nous au graphique ci-joint qui fait figurer les taux de chômage dans quatre des états des États-Unis : la Californie (au coeur des subprimes), le Michigan (industriel), New York (centre financier), et le Texas (état pétrolier). À partir de 2008 toutes les courbes sont à la hausse, avec des différences d'amplitudes (plus forte pour la Californie et le Michigan), atteignent un pic vers 2011, et, jusqu'en 2013 tendent à converger à la baisse.
D'autres facteurs contribuent à cette harmonisation des courbes de chômage entre états des États-Unis, notamment la mobilité du travail. Mais cette dernière étant bien inférieure d'un pays à l'autre dans la zone euro, ne serait-ce qu'à cause de la barrière de la langue, le mécanisme de mutualisation du risque macroéconomique n'en est que plus nécessaire.
Dans la zone euro, la divergence des courbe chômages valide ...
L'enseignement, pour l'euro, qu'ont retiré les experts américains dans les années 90, de l'expérience américaine est implicite dans ce qui précède, sachant que l'union monétaire européenne ne prévoyait d'état fédéral. Explicitons cet enseignement :
‘En l'absence d'État fédéral suffisamment puissant pour mutualiser le risque macroéconomique entre les pays membres de la zone euro, les économies de ces derniers seraient condamnées à diverger en cas de crise économique, locale ou généralisée’
Et c'est ce qui s'est produit avec le crise financière (le choc, en 2008), et, dans la foulée la crise de l'euro (le contre-choc, fin 2009).
Intéressons nous au graphique joint à cet article sur le taux de chômage de quatre pays de la zone euro : Allemagne (81M d'habitants), Espagne (47M d'habitants), et France (66M d'habitants). Le Royaume Uni (63M d'habitants), qui ne fait pas partie de la zone euro, a été rajouté pour compléter la comparaison.
Au contraire des États-Unis, la zone euro est marquée par de fortes divergences qui ne s'atténuent pas avec le temps. L'Espagne monte à 25% et semble s'y maintenir. L'Allemagne voit son taux de chômage augmenter de 5% à 8% entre 2008 et 2009, et il amorce ensuite une baisse le ramenant à son niveau initial en 2013. La France voit son chômage se dégrader, plus lentement que l'Espagne, mais sûrement, de 8% à 11% entre 2008 et 2013. La situation du Royaume Uni est intermédiaire entre celle de l'Allemagne et de la France, avec un niveau de chômage oscillant autour de 8%.
Irresponsabilité de l'élite française ?
Compte tenu de la mise au point qui précède, c'est-à-dire la confirmation, par la crise de l'euro, du pessimisme des experts à l'approche de la monnaie unique, comment affirmer que l'Euro est un bouc émissaire facile pour ne pas faire les réformes structurelles qui s'imposent ?
‘Autrement dit, pourquoi tolère-t-on, en Europe, une contrainte économique que les États-Unis, dont on craint et brocarde, en France, le capitalisme sauvage qu'il nous exporte, trouverait suicidaire de s'imposer ?!’
Répondre à cette question, c'est se pencher sur la responsabilité (pour ce qui concerne le passé), et l'utilité (pour l'avenir), de l'élite française...
Source : agoravox.fr