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2 mai 2012 3 02 /05 /mai /2012 15:06
| Par Philippe Riès


Pourquoi retirer d’une étagère poussiéreuse l’épopée du « sauvetage d’Alstom », prototype du storytelling qui aura été, pendant cinq ans, la recette du sarkozysme en campagne électorale permanente ? D’abord parce que, comme le dit le candidat sortant, les Français ont droit « à la vérité et à la clarté ».


Ensuite, parce jusqu’au dernier moment, le « candidat du peuple » aura endossé le costume du super-héros volant au secours de l’emploi des Français et proclamé son amour des usines, surtout quand les ouvriers et ouvrières admis sur la photo souvenir ont le bon goût de ne pas dépasser sous la toise le visiteur d’une heure. Enfin, parce cette gestion politique par compassion affichée a été, sous le quinquennat qui s’achève, érigée en règle d'or, le moindre fait divers imposant la descente sur place, toutes affaires cessantes, du ministre concerné, voire du premier ministre ou du président lui-même. Tout cela, parce que Nicolas Sarkozy, un beau jour de l’année 2004, aurait sauvé du dépôt de bilan le groupe industriel Alstom.


Vrai ? Non, faux ou en tout cas très exagéré.


Pas plus qu’il n’a sauvé le monde et l’Europe au cours d’une présidence française de l’Union européenne dont le bilan a été gonflé à l’hélium (lire ici), Nicolas Sarkozy n’a « sauvé » Alstom. Petit rappel des faits.


En 2003, le groupe français d’énergie et de transport est au bord de la faillite. A l’origine, non pas tant une mauvaise conjoncture temporaire sur ses principaux marchés qu’un accident industriel. Pour assurer son indépendance technologique et élargir sa gamme de produits, la division Energie d'Alstom rachète l’activité des turbines industrielles de grande puissance du groupe helvético-suédois ABB. Bonne vision stratégique mais exécution calamiteuse. L’opération bouclée, la direction d’Alstom s’aperçoit que des dizaines d’unités déjà vendues à travers le monde de ces turbines de nouvelle génération ne marchent pas. Le fardeau financier qui découle de cette opération est écrasant : indemnisation des clients, mise à niveau technique, la facture équivaut à des milliards d’euros (entre 4 et 5 milliards d'euros).


Plus grave : toujours clairvoyantes et courageuses, les banques françaises prennent peur et coupent les vivres à Alstom, jugé trop endetté. Plus de cautions pour la signature des grands contrats d’équipement qui portent sur des montants considérables et des délais d’exécution de plusieurs années. C’est très simple : plus de cautions bancaires, plus de commandes. On a beaucoup parlé à l’époque du concurrent allemand Siemens, en position de prédateur à l’affût du démantèlement d’Alstom pour mettre la main sur des pans entiers de son activité. On ne sait pas que le patron d’une des principales banques privées françaises pariait lui aussi sur la faillite et le démembrement du groupe.


Nicolas Sarkozy face à Mario Monti

Dans ces conditions, l’intervention de l’Etat s’impose. Le schéma financier sera monté par Philippe Jaffré, l’ancien président d’Elf-Aquitaine, tiré de sa pré-retraite dorée par son ami et collègue de l’inspection des finances, Pierre Bilger, le PDG d’Alstom. Il n’y a que des coups à prendre mais Jaffré y va, jetant dans la bataille ses compétences financières, sa connaissance des milieux bancaires (il a été directeur général de la Caisse nationale du Crédit agricole) et des rouages de l’Etat, et les forces que la maladie qui l’emportera en 2007 commence à lui disputer.


Sur le plan industriel, le redressement du groupe est confié à une équipe nouvelle dirigée par un ingénieur du Corps des mines, Patrick Kron.


La réalité est que quand Nicolas Sarkory débarque à Bercy en mars 2004, le dispositif de sauvetage d’Alstom, qui prévoit une prise de participation temporaire de l'Etat, est complet, négocié avec l’équipe du précédent ministre de l’économie et des finances, l’ancien industriel Francis Mer. A noter que dans la présentation complète de cette affaire que fait Patrick Kron en décembre 2007, devant l’Ecole de Paris du management (lire ici), il mentionne Francis Mer mais pas une fois son successeur. Un oubli sans doute, ou une ingratitude. Il rappelle toutefois que l’Etat « s’est battu à Bruxelles pour que son intervention soit jugée compatible avec les règles européennes ».


Car c’est bien à cela que se limitera l’intervention de Nicolas Sarkozy dans le dossier : boucler la négociation avec la direction de la concurrence de la Commission européenne, sous l’autorité du commissaire à la concurrence, l’Italien... Mario Monti.


Voici ce qu’en dit Patrick Kron : « L’intervention de l’État a nécessité d’obtenir un accord de la Commission européenne, qui était dans une situation schizophrénique : d’un côté, elle était dans une logique de dissuasion et de punition des entreprises qui font appel à l’État ; de l’autre, les services de la Direction générale de la concurrence considéraient que dans notre marché assez concentré, il était important de maintenir Alstom dans le paysage pour garantir un niveau de concurrence suffisant. » Présentation bien française mais passablement tendancieuse.


Bruxelles ne voulait pas le démantèlement d'Alstom

Comme institution, la Commission n’affiche pas de préférence pour un statut d’entreprise, public ou privé. En revanche, elle exige que les plans de redressement financés par l’argent public produisent des résultats, afin de décourager les récidivistes. C’est pourquoi une entreprise aidée par un Etat ne peut pas tendre à nouveau la sébile avant dix ans. Et c’est souvent pour contourner cette règle que les gouvernements décident, en dernier ressort, de privatiser leurs canards boiteux. L’interminable et ridicule saga de la SNCM, qui a déjà coûté des centaines de millions d’euros au contribuable français, donne une idée de ce qui se passerait si on lâchait la bride sur le cou aux politiciens.


Mais l’essentiel, dans ce que rapporte Patrick Kron, est la confirmation que la Commission n’a pas voulu la disparition ou le démantèlement d’Alstom. Cela aurait laissé le marché européen dans des secteurs essentiels entre les mains de deux acteurs majeurs, Siemens et General Electric dans l’énergie, Siemens et Bombardier pour le transport ferroviaire. Ce que savaient tous ceux qui ont suivi ce dossier à Bruxelles.


Pas plus qu’il n’a eu à sauver Alstom du démantèlement, Nicolas Sarkozy n’a épargné au groupe industriel français les compensations qui accompagnent habituellement le feu vert des autorités européennes. Certaines douloureuses, d’autres accueillies avec un soulagement mal dissimulé comme le largage des Chantiers de l’Atlantique, un boulet financier. Comme le reconnaît Patrick Kron, il y a une certaine logique à exiger d’une entreprise très endettée qu’elle s’aide elle-même en cédant des actifs quand elle demande le soutien du contribuable. Au total, le périmètre d’Alstom sera réduit de 40 %.


Ce que l’éphémère (ils le furent tous) ministre de l’économie et des finances de Jacques Chirac a obtenu indéniablement, c’est, une fois l’accord de principe conclu avec Bruxelles, de faire participer l’austère Mario Monti à la “photo-op” pour les journalistes et photographes qui faisaient le pied de grue devant le siège de la Commission. Selon un témoin direct de cette “négociation” finale entre deux portes, celui qui est aujourd’hui à la tête d’un gouvernement de technocrates en charge de sortir l’Italie de l’ornière n’était évidemment pas dupe. Qu’il ait apprécié d’être ainsi manipulé, c’est une autre histoire.

 


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