Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes
sciences.blogs.liberation.fr - 22 novembre 2011
l'IRSN sur les évaluations post Fukushima
L'Autorité de sûreté nucléaire a publié sa première analyse des évaluations post-Fukushima sur les installations nucléaires françaises.
Conclusion principale ? Il faudra «des investissements tout à fait massifs qui prendront des années». André-Claude Lacoste, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire avertissait ainsi de ce que les conclusions à tirer de l’accident de Fukushima en termes d’actions pour améliorer la sûreté des installations n’auront rien de cosmétiques. Une déclaration faite à l’occasion de la publication d’un épais document - 500 pages - de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire analysant les rapports des exploitants (EDF, CEA, Areva) de centrales et usines en réponse à la demande de François Fillon d’un «audit» de leur sûreté.
L’exercice, conduit en parallèle avec celui des «stress tests» européens, vise à évaluer la résistance des installations à «des scénarios extrêmes, allant au-delà des situations prises en compte pour leur dimensionnement», précise l’IRSN. Ce qui s’est passé à la centrale de Fukushima Dai-ichi le 11 mars dernier, avec un séisme et un tsunami très supérieurs à ceux prévus lors de sa construction à la fin des années 1960.
Jacques Repussard, le directeur général de l’IRSN, précise que «la sûreté» des installations lui semble en revanche «bonne» au regard des risques déjà pris en compte par les référentiels de sûreté, modulo les travaux de «mise en conformité» de matériels dont le rythme doit s’accélérer. Ou de certains travaux simples comme la «rehausse» de protection anti-inondation afin d’élargir les marges de sécurité. Aucune installation ne lui semble donc en «danger imminent», ce qui conduirait l’ASN à ordonner sa fermeture immédiate.
Après plusieurs mois de brainstorming, l’IRSN propose une démarche nouvelle visant à dépasser ses habituelles bisbilles avec EDF sur les niveaux de risques naturels (séismes et inondations) à prendre en compte. L’idée ? Dresser la liste des équipements et actions humaines constituant un «noyau dur», indispensable pour faire face à «l’inimaginable», c’est à dire les catastrophes dépassant les «référentiels» : un séisme au-delà des calculs des géophysiciens, une inondation brutale par rupture de canal, un incendie, une explosion dans l’usine chimique d’à-côté, la perte du pompage normal de l’eau, une tempête millénaire. Mais aussi les cumuls : un séisme qui provoquerait un incendie interne. Ou la perte d’électricité non sur un réacteur mais sur l’ensemble des installations d’un site nucléaire
Ce noyau dur doit permettre, même en tels cas, la sauvegarde du réacteur: «de l’électricité, de l’eau circulant, une source froide, une salle de contrôle» en attendant une intervention extérieure, résume Jacques Repussard.
D’où l’avertissement - aux industriels, au gouvernement - lancé par Lacoste sur les «investissements massifs» visant à «bunkériser» ce noyau dur. Ces travaux seront partout importants. Ainsi, les salles de contrôle de repli ne sont en général pas très anti-sismiques… puisque l’on a protégé la salle de chaque réacteur contre les séismes. Elles ne sont pas non plus capables de résister à une émanation de gaz toxique venant d’un site industriel voisin. Les systèmes d’alimentation électrique de secours, ou les réserves d’eau devront être capables de résister à toutes ces agressions allant au-delà des référentiels de sécurité.
Les «noyaux durs» seront différents en fonction des sites, et restent à définir dans le détail. Mais certains sont déjà identifiés. A Gravelines, Saint Alban ou au Tricastin, il faudra se protéger du risque chimique des industries proches. A Civaux, Fessenheim et Bugey, il faudra durcir la résistance au séisme. A Fessenheim, Cruas, Tricastin, Chinon et Saint-Laurent, c’est le risque inondation qui devra être traité. Faisant référence au débat très politique en cours sur l’EPR de Flamanville, Jacques Repussard a fait remarquer qu’il sera le moins impacté par cette démarche. Conçu après l’accident de Three Miles Island (Etats-Unis) en 1979, il dispose de 6 groupes électrogènes de secours (contre 2 pour les autres réacteurs d’EDF), un radier en béton unique, une protection contre le niveau marin estimé pour 2080…
La démarche du «noyau dur» semble réunir les différents acteurs du système nucléaire, exploitants et contrôleurs. Mais comment sera t-elle accueillie par l’opinion publique et les gouvernements ?
Sa mise en œuvre exigera des années. Et les investissements qu’elle suppose ne seront réalisés que s’ils sont compensés par une garantie d’exploitation des centrales électronucléaires. Rien ne servirait de dépenser des dizaines de millions d’euros pour des réacteurs dont le gouvernement déciderait la fermeture d'ici quelques années.
► Lire ici la note d'information de l'IRSN.
► Lire ici la synthèse du rapport de l'IRSN.
► Le rapport intégral de l'IRSN est ici : tome-1 et tome-2.
Par Sylvestre Huet, le 22 novembre 2011