Dans le viseur de la Ligue du Nord
En juin, Dolores Valandro, élue de la Ligue du Nord à Padoue, réagit à un article relatant une supposée tentative de viol de deux Roumaines par un homme africain. Sur son compte Facebook, elle poste une photo de Cécile Kyenge accompagnée d’un commentaire appelant à violer la ministre. « Pour qu’elle puisse comprendre ce que ressent la victime de ce crime horrible », justifie-t-elle.
Point d’orgue il y a deux semaines, quand le vice-président du Sénat, Roberto Calderoli - Ligue du Nord toujours -, tient à donner son avis sur le physique de l’élue et la compare à un orang-outang. Le même Calderoli qui estimait en 2006 après la finale de la Coupe du monde de football que l’équipe de France avait « sacrifié son identité en alignant des nègres, des musulmans et des communistes ».
Berlusconi et les « bonnes choses » de Mussolini
Si Mario Borghezio a démissionné du groupe Europe libertés démocratie et Dolores Valadro a été expulsé de son parti, Roberto Calderodi est lui toujours en poste. L’absence de réelles sanctions contre les multiples agresseurs de Cécile Kyenge nourrit l’idée de ce « racisme institutionnel » italien que la ministre de l’Intégration entendait combattre lors de sa nomination.
L’écrivain et éditorialiste Gad Lerner s’est indigné de cette situation dans le quotidien La Repubblica. Il y dresse notamment un parallèle avec l’affaire Gilles Bourdouleix, le député UDI du Maine-et-Loire qui estimait qu’Hitler n’avait pas tué assez de Roms. Alors que Bourdouleix a quitté l'UDI, le vice-président du Sénat « s’en est sorti avec un petit reproche du secrétaire de la Ligue du Nord ». Lerner s’insurge ainsi contre « la tolérance ostensible et scandaleuse de la part des institutions » vis-à-vis du racisme en Italie.
Cette légitimation de la xénophobie tient surtout à son poids électoral, dans un pays en pleine rétractation identitaire. Berlusconi, en grand animal politique, ne s’y était pas trompé. Inaugurant le Mémorial de la Shoah de Milan le 27 janvier 2013, il Cavaliere déclarait que Benito Mussolini avait fait « de bonnes choses » dans plusieurs domaines. Face à une telle rhétorique, Cécile Kyenge n’est sans doute pas au bout de ses peines.