Après le Libor (marché des taux interbancaires), le marché du gaz à Londres paraît aussi être l’objet de manipulations. Le Financial services authority (FSA), le gendarme boursier de la City, a annoncé mercredi avoir ouvert une enquête sur de possibles manipulations du marché du gaz par les groupes d’énergie, à la suite d’alertes données par des traders. En parallèle, la commission de régulation de l’énergie a été avertie, elle aussi, de l’existence de mouvements suspects sur les cours du gaz, et a lancé sa propre enquête.
L’affaire est partie de l’alerte lancée par un trader travaillant pour la société ICIS Heren. Cette société indépendante fait partie d’un consortium privé chargé d’établir chaque jour – comme le Libor – les prix sur le marché spot du gaz, et qui servent de références pour l’ensemble des contrats gaziers négociés à Londres mais aussi ailleurs. Ce marché est estimé à 300 milliards de livres (375 milliards d’euros).
Le 28 septembre dernier, ce trader a remarqué des mouvements suspects et anormaux sur ce marché physique du gaz aux alentours de 4h30 (voir son récit sur le site du Guardian). La date et l’heure ont leur importance. Ce jour était la dernière séance de négociation du mois et marquait la fin de l’année financière pour le gaz. Les références arrêtées avaient donc une influence sur les contrats à terme à venir. Quant à l’heure, c’est à ce moment-là que les différentes sociétés chargées du calcul de l’index prennent leurs références pour déterminer le prix. Les personnes agissant sur ce marché étaient donc des mieux informées.
La FSA a déclaré « prendre très au sérieux les informations qui lui ont été données », et qu’elle allait mener une enquête approfondie auprès de tous les acteurs. Les six compagnies d’énergie, dont EDF, qui dominent le marché du gaz britannique sont dans la ligne de mire. Toutes démentent avoir commis la moindre faute.
Le gouvernement britannique demande que toute la lumière soit faite. Ce nouveau scandale tombe au plus mauvais moment pour lui. D’une part, il jette un nouveau discrédit sur la City et ses pratiques. D’autre part, il relance la polémique sur la déréglementation du marché de l’énergie en Grande-Bretagne et la flambée des prix qui s’ensuit.
De plus en plus d’observateurs et de politiques critiquent la déréglementation de ce marché qui a conduit non à la concurrence mais à la formation d’un oligopole aux mains de six groupes privés. Ceux-ci sont soupçonnés de profiter de leur position et d’une clientèle totalement captive pour augmenter abusivement leurs prix. Le prix du gaz en Grande-Bretagne a à nouveau augmenté de 9 % cette année. De plus en plus de ménages britanniques ont du mal à acquitter leurs factures de gaz et d’électricité.
À la suite du scandale du Libor, la commission européenne s’est demandé si de semblables manipulations ne pouvaient exister sur les marchés de l’électricité, du gaz ou du blé, où là aussi des index établis par des sociétés privées servent de références pour tout le marché. À la première évocation d’un renforcement des règles et de la surveillance, l’ensemble des groupes européens concernés se sont fortement mobilisés pour faire échouer les projets de reprise en main. La commission européenne s’est inclinée devant ce puissant lobby. À la lumière de ce nouveau scandale, il serait peut-être bienvenu de rouvrir le dossier.
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