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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Le nouveau gouvernement Pasok vu par un Grec

Marianne - Jeudi 22 Mars 2012 à 05:00

 

Greek Crisis
Historien et ethnologue, ancien correspondant en France pour la revue grecque Nemecis, Panagiotis... En savoir plus sur cet auteur

 

Depuis sa Grèce natale, l'historien et éthnologue Panagiotis Grigoriou, nous fait vivre à travers son blog le difficile quotidien de son pays en crise. Il cible aujourd'hui la politique et notamment le nouveau gouvernement Pasok.

 

(Athènes: le nouveau gouvernement - ARGYROPOULOS/SIPA)
(Athènes: le nouveau gouvernement - ARGYROPOULOS/SIPA)
Nous allons de surprise en surprise. Le peu d'État fonctionnel que nous avions se vide de sens, et se vide tout court. Nombreux députés des « grands » partis, sachant qu'ils ne seront plus jamais réélus, retirent, d'après les rumeurs de saison, leurs dernières billes du système, se faisant ainsi les initiateurs d'amendements issus du monde des affaires, dépeçant le cadavre de ce qui reste du pays, moyennant finance, un service alors très payant, assez analogue de celui présumé des lobbys à Bruxelles, jeu d'ailleurs assez connu mais rarement évoqué par les grands médias.

En revanche, pour ce qui tient de leur initiative du lundi soir, les deux députés, Charalambopoulos (Pasok – P.S.) et Varvitsiotis (N.D. - droite), auraient prétendu qu'ils n'étaient pour rien, et « que l'ordre venait d'en haut, de très haut même ». En effet, lundi soir, et sous forme d'amendement « photographique » (comme on désigne chez nous, ces dispositions « prépayées » dont fait preuve parfois notre illustre Pouvoir législatif), l'État « offre » à l'Église orthodoxe grecque et implicitement aux entreprises allemandes... collaboratrices, une superficie de 2.350 hectares sur le Massif du Pentélique, à proximité d'Athènes, dont 350 hectares, sur lesquels, les prestataires venus d'Allemagne, installeront des capteurs photovoltaïques, (si nos informations sont exactes, ils s'agit de la Kopf Solarschiff GmbH, située à Sultz, au sud-ouest de Stuttgart).

L'installation des photovoltaïques d'une capacité s'élevant à 300 MW, est censée modifier l'usage des parcelles, faisant de ce parc naturel protégé, une zone à usage plutôt industriel. En effet, c'est une occasion de première ordre pour l'Église pour ce qui relève du maintient et de l'extension de sa mainmise sur des terres appartenant à l'État grec, et par la même occasion, en piétinant à la fois la Constitution qui interdit tout changement d'usage sur les espaces protégés, comme cette montagne dont sont issus les marbres du Parthénon. Cette protection, est décrétée par le J.O. (grec) 755/1988, ainsi que par le J.O. Δ/35/2010, qui oblige à replanter, là où précisément sur cette même montagne, des incendies ont causé tant de dégâts.

Ainsi, et pour prétendre faire œuvre « d'écologie » déjà, le projet de l'Église orthodoxe grecque et de ses prestataires allemands, (selon nos informations et sous réserve, appartenant au grand projet Helios de 10 gigawatt, électrifiant l'Allemagne avec le soleil, la terre, et la souveraineté des autres pays... apparemment), prévoit de planter effectivement, les 2000 hectares, tout en modifiant l'usage, sur l'ensemble de la zone. Notons que selon les positions de élus locaux de la région, sur une partie de cette superficie, on a déjà replanté.

Ces élus locaux ont alors constitué un comité de lutte, car ils s'y opposent fermement (à ce projet). « Tout doit se faire très vite de notre côté aussi, car demain jeudi, les « députés » passeront au vote, la presse et les télés n'en parlent presque pas, un scandale dans le scandale », affirment-ils, très préoccupés. C'est un ami, Grigoris, habitant ces quartiers situés au nord de agglomération d'Athènes, et proche des élus locaux et du monde associatif, qui a voulu m'inviter hier. Ainsi, j'ai accompagné ces élus dans une partie de leurs démarches durant la matinée, car je ne les connaissais pas personnellement. Il faut dire d'abord et en quelque sorte, que ces élus aussi, ont fait partie de « l'ancien monde », principalement alors issus du « métacosmos » du Pasok et de la N.D., mais plus vraiment, à présent. Et tout comme le grand « reste » de la classe moyenne dont ils demeurent les représentants, ils... resteront de plus en plus en marge du pays réel des Troïkans, qui les exclut désormais du pouvoir décisionnel, des petites et des grandes richesses du pays, de leurs prérogatives même.

Ils ont certainement commis des « erreurs », en tordant les règles de l'urbanisme par exemple, ici ou là, mais ce n'est pas pour cela qu'ils sont « punis » en ce moment. Et surtout, ce n'est pas pour cette raison que les administrateurs du pays, depuis Bruxelles, Berlin, Paris ou Washington, organisent cette mise à sac généralisée. Sans doute par contre, sur le fond de l'affaire, les élus locaux ont raison. Ils se sont assurés hier déjà, du soutien des partis de gauche, SYRIZA et KKE, lesquels espèrent obliger le Parlement à organiser un vote, finalement nominatif des députés.

« Voilà Evangelos Venizélos qui arrive »

Ces représentants des élus, réunis également de façon officielle à travers la Communauté des communes oeuvrant pour la renaissance du mont Pentélique (SPAP), se sont rendus hier mardi, d'abord au siège du Pasok, rue d'Hippocrate. Quel microcosme ! Nous sommes alors gouvernés et trahis par une telle petitesse humaine, si suffisante de surcroît. En attendant notre réception par un représentant du Pasok, une femme âgée a alors pénétré dans les locaux, en hurlant : « j'ai usé tant de godasses pour ce parti depuis Andréas Papandréou en 1981. Vous avez tout trahi, vous avez massacré mes enfants, mes petits enfants, amputé ma retraite, de quel droit ? Salopards, je veux voir Venizélos lui même... ». Comment alors calmer cette ex- militante : « Madame, Monsieur Venizélos n'est pas encore arrivé, mais quelqu'un vous recevra, cessez de crier ainsi... ».

La dame a pris l'ascenseur de droite et les élus du SPAP, celui de droite. Au Pasok on sait encore recevoir au moins ! Étonnant. Étonnante aussi, fut la réponse donnée aux élus, les laissant disons... de marbre : « nous n'étions pas au courant au parti, adressez-vous aux députés, en tout cas, nous allons transmettre votre demande... de retrait pur et simple de l'amendement».

En sortant du bâtiment, voilà Evangelos Venizélos qui arrive, nouveau chef du Pasok désormais et démissionnaire du Ministère de l'Économie. Les élus échangent quelques propos avec lui : « Monsieur le Président, vous savez... c'est pour le Mont Pentélique, une affaire très grave, en êtes-vous informé ? », « Oui, oui », fut-elle la réponse de Venizélos, rien de plus.

Ensuite, nous nous sommes rendus sur le nouveau siège de la Nouvelle Démocratie, avenue Syngrou. Durant une bonne heure, les élus locaux et leur lutte, attendaient pour être enfin reçus. Nous avons observé pas mal de va et vient, plus que chez les frères... coalisés Pasokiens. Certains, apparemment des cadres locaux du parti N.D., venaient demander un « service », c'est à dire du travail, croyant toujours que Samaras, le chef de la N.D., gouvernera tout seul après les élections. Tout seul (?), dans un pays inexistant, occupé, dépecé et moribond, cela s'appelle avoir du sens politique... mémorandien, sans autre commentaire.

Le siège de Nouvelle Démocratie

Reçus par le responsable du «lien avec la société » à la Nouvelle Démocratie, les élus locaux ont obtenu finalement de la même... imprécision. « Nous ferons de notre mieux, mais la décision vient d'en haut ». Il y a peut-être de la temporisation aussi, dans l'air mauvais de la politique grecque. En retard sur leur programme, les élus indignés ont alors appelé deux taxis en sortant, pas de temps à perdre. Direction, le siège de l'Église orthodoxe, au centre ville. Dans le taxi déjà, ils se sont partagés les frais et leurs doutes. « Eh les gars, si ce projet est vraiment de l'ordre du milliard d'euros, les 800 millions étant apparemment allemands, donc pas de doute. Cet amendement viendrait d'en haut, nous, restons déterminés ».

Chez les dignitaires ecclésiastes, nous avons été aussitôt reçus par père Maximos, proche du chef de l'Eglise Ieronymos, et connaisseur du projet. En effet, le père Maximos, né en Allemagne, s'est installé en Grèce depuis janvier 2009. Certains volets du projet Helios qui concerne l'Église orthodoxe grecque, sont gérés et initiés apparemment par le père Maximos. Il l'a d'ailleurs pratiquement signifié lui-même aux élus : « Je suis triste de l'état dans lequel se trouve notre patrie, le désordre, l'anomie, la catastrophe, y compris sur le Mont Pentélique, que je connais bien d'ailleurs. Les entrepreneurs allemands nous ont demandé d'en faire quelque chose... un investissement disons porteur de l'avenir. Nous avons aussi discuté avec des écologistes en Allemagne. Notre projet est d'abord écologique, ensuite c'est pour apporter à l'Église des revenus plus que nécessaires dans son œuvre de bienfaisance envers notre peuple qui souffre. C'est aussi une double occasion pour ainsi geler la situation sur la montagne pour qu'elle ne se dégrade plus davantage, et en même temps enfin, une occasion de moderniser le pays, nos collaborateurs depuis l'Allemagne, nous y aident, ils faut saisir l'occasion. Personnellement je suis pauvre, je ne possède rien, à part mes livres, c'est pour l'œuvre de l'Église, c'est pour tout le monde... ».

L'entretien fut courtois. Les élus ont gentiment expliqué au père Maximos que les citoyens s'y opposent, tout comme les élus locaux, mais le dignitaire de l'église n'a pas changé d'argumentaire : « emmenez-moi des arguments écologiques et technocratiques, contredisant notre projet et alors... nous nous rediscuterons, moi vous savez, je suis au fond un technocrate... ». Il nous a offert des gâteux, un verre d'eau dans les règles de la meilleure hospitalité traditionnelle chez nous – rien de tel chez les partis politiques – et les élus locaux sont sortis... bredouilles.

Mardi soir ensuite, les élus locaux du SPAP ont provoqué une réunion publique dans un complexe sportif appartenant à la municipalité de Melissia. Des représentants locaux et nationaux de la gauche (SYRIZA et KKE) étaient présents, ils ont ainsi réitéré leur soutien actif. Il y avait deux cent personnes environ dans la salle. Il était surtout question de l'état des lieux et de la journée passée au centre ville. Car dans l'après midi, leurs élus (locaux) ont rencontré les deux députés, initiateurs de l'amendement à l'Assemblée (je n'étais pas présent). Un élu de la région du Pentelique, visiblement ému, a rapporté que Charalambopoulos, le député Pasok, « s'est montré... vraiment odieux, il faut le dire publiquement, plus personne, parmi ceux qui votent encore Pasok dans cette salle, plus personne ne doit lui apporter son bulletin de vote, vous entendez ? ».

Mais surtout, il était question de l'Église. « Pour cette dernière, c'est un exemple alors rêvé, c'est de la « jurisprudence » presque. Si les lois de protection sur l'environnement, et la Constitution sont ainsi piétinées ici au Mont Pentélique, alors plus rien n'arrêtera l'Église et les... investisseurs ailleurs. Mais c'est une occasion aussi rêvée pour nous, et notre lutte depuis toujours, contre l'Église, sur l'appartenance des terres. Si elle accepte la « donation » des 2.350 hectares en provenance de l'État, alors implicitement, elle reconnait que cette terre ne lui appartient pas », a argumenté un autre élu. « Nous sommes pour une fois tous unis derrière une cause qui désormais, dépasse les appartenances du passé ». Un homme dans la salle a alors demandé la parole : « C'est le Mémorandum, l'Occupation, cela change tout, mais les citoyens subissent une propagande défaitiste sans précédent, presque tous les médias sont contrôlés, et les gens restent assis tranquillement dans leurs canapés. Réveillons-les enfin, sinon... nous ne méritons rien d'autre... ». Un autre homme est allé plus loin dans son argumentaire, et avec pathos : « à chaque fois que l'État gagne un procès contre l'Église, il se retire ensuite en quelque sorte de ses droits, puis... les citoyens ayant porté plainte contre l'Église devant les tribunaux, subissent des menaces, leurs biens sont parfois dynamités, vous vous souvenez, il y a eu même quelqu'un, trouvé mort... l'affaire n'a pas été élucidée... ». Je trouvais ces propos choquants. J'ai voulu les soumettre à d'autres connaisseurs des affaires locales, ne connaissant pas l'historique exact de ce contentieux. Deux, parmi les élus locaux, n'ont pas pu confirmer les allégations de cet homme.

Réunion publique avec les élus du SPAP

Bilan en somme terriblement provisoire. Mais déjà, deux certitudes sont acquises à mon avis. D'abord, les dignitaires de l'Église ne sont pas des « technocrates », Papadémos le banquier, non plus, et pour la même raison. Lorsque l'Église décide des investissements, du cadastre (encore en état de réalisation), du cadre de vie, des activités économiques ou de la gestion des ressources et de l'environnement, eh bien, elle ne fait que de la politique. Je considère qu'elle n'a pas ce droit, tout simplement. Deuxièmement, c'est toute la mythologie de la « modernisation » nécessaire de la Grèce, entreprise par voie Mémorandaire, par les pays « gestionnaires » et donneurs de leçons, Allemagne en tête qui devient évidente en tant que telle. Voilà l'Allemagne « modernisatrice » via ses entreprises, cooptant avec l'Église grecque, la renforçant ainsi dans le sens de la non séparation entre les affaires de cette dernière et celles de l'État. On prend les mêmes et on recommence sous la Baronnie, mise à part la propagande, et la poudre aux yeux à l'encontre des Allemands d'abord, puis, des autres peuples prisonniers de l'Union Européenne. Mais déjà, l'État grec n'existe plus, tout le monde le sait. Peut-on au moins poser cette question au Parlement Européen, sur le projet « Helios » et sur la transformation du Pentélique, région alors protégée en zone industrielle ?

 

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