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10 mars 2012 6 10 /03 /mars /2012 18:00

LEMONDE.FR | 10.03.12 | 17h24

 
 

 

Dans la ville désertée de Futaba, située à l'intérieur du rayon d'évacuation de vingt kilomètres mis en place autour de la centrale nucléaire de Fukushima.

Dans la ville désertée de Futaba, située à l'intérieur du rayon d'évacuation de vingt kilomètres mis en place autour de la centrale nucléaire de Fukushima.AP/Sergey Ponomarev


Kazo, envoyé spécial - Dans la cour du lycée balayée par le vent de l'hiver, en complet noir et chemise blanche, tiré à quatre épingles comme pour une cérémonie, un porte-voix à la main, Katsukata Idogawa s'adresse à une quarantaine de personnes. Assez âgées, graves et silencieuses, elles écoutent les encouragements de leur maire.

"Nous sommes toujours dans le tunnel, mais ne perdez pas espoir". Comme ses administrés, Katsukata Idogawa n'a plus de ville : la commune de Futaba machi (sept mille habitants), à quelques kilomètres de la centrale accidentée de Fukushima Daichi, a été évacuée dans les premiers jours après la catastrophe du 11 mars.

UN LIEU DE STOCKAGE DES DÉCHETS RADIOACTIFS

Elle se trouve désormais dans la zone des vingt kilomètres interdits d'accès en raison d'un taux élevé de radioactivité. C'est une de ces villes fantômes appelées à devenir un lieu de stockage de déchets radioactifs. En d'autres termes, une poubelle nucléaire.

M. Idogawa, 65 ans, a été élu en 2005. Il vit avec 576 de ses administrés dans le lycée désaffecté de Kisei dans la ville de Kazo (département de Saitama) à deux cents kilomètres au sud-ouest de la centrale. Le 11 de chaque mois, il tient à honorer les disparus et à rappeler aux survivants qu'ils forment encore une communauté.

Derrière les fenêtres du bâtiment, sèche du linge. Les salles de classes ont été équipées de tatamis (nattes) et de légères cloisons. En fin de journée, les habitants vont chercher un casse-croûte à la cantine. Une grande salle a été transformée en mairie provisoire où s'affairent quelques employés. Sur les murs du couloir sont affichées des offres d'emploi. "Nous sommes une population en exil, abandonnée à son sort", confie M. Idogawa. "Un 'modèle' de communauté dans la précarité : des réfugiés de l'intérieur emportés dans un voyage sans fin."


"NULLE PART OÙ ALLER"

Le lycée de Kisei a accueilli jusqu'à mille quatre cents personnes. Une autre partie de la population de Futaba vit dans des appartements loués à Kazo ; une autre a immigré dans le département de Fukushima. "Pour combien de temps encore vivrons-nous ainsi ? Personne ne nous répond", dit M. Idogawa, qui demande la création d'une ville provisoire pour ses administrés. Mais la cohésion de la population se craquelle : les jeunes sont partis et ne reviendront pas. Les plus âgés veulent retourner à Futaba pour y mourir. "Nous n'avons nulle part où aller", lance une femme entre deux âges, un tablier autour des reins.

M. Idogawa a envoyé le mois dernier une lettre au premier ministre Noda pour lui poser une question : "Les habitants de Futaba sont-ils encore des citoyens japonais ?" La réponse a été affirmative… Mais rien n'a changé. Le maire a les larmes aux yeux lorsqu'un journaliste local lui demande ce qu'il pense de l'asile que lui a offert le département de Saitama : "Je ne dirai jamais assez merci."

Avec ses administrés, M. Idogawa a pris la route de l'exode, sans savoir exactement où il pourrait trouver asile. "Dans les jours qui suivirent la catastrophe, nous n'avons reçu aucune instruction ni information de Tokyo. On savait seulement ce qui se passait par la télévision. On a ainsi appris qu'il fallait évacuer dans un rayon de trois kilomètres", avait-il raconté lors d'une grande manifestation antinucléaire à Yokohama, au milieu de janvier.

Et, chacun pour soi, les habitants ont commencé à partir en voiture. Près de deux mille d'entre eux ont d'abord bivouaqué dans un gymnase dans la ville de Kawamata. "Au moment de l'explosion (le 14 mars dans le bâtiment du réacteur n° 3), j'étais en train d'organiser l'évacuation des personnes âgées sur leurs fauteuils roulants. On a vu des déchets flotter dans l'air. Je pensais que c'était la fin. Les gens fuyaient dans le désordre. On n'avait toujours aucune instruction", avait-il poursuivi.

 

AVEUGLEMENT

Lorsque Futaba était encore habitée, un large panneau en arc de cercle surplombait la route à l'entrée de l'agglomération : "L'énergie nucléaire nous assure un avenir radieux."

Pendant des décennies, Futaba, qui se trouve à proximité des réacteurs 5 et 6 (arrêtés pour la maintenance au moment de la catastrophe), a vécu des subventions versées par l'opérateur Tokyo Electric Power (Tepco). Certains critiquent vivement M. Idogawa pour son aveuglement. "Je ne nie pas ma responsabilité d'avoir collaboré avec Tepco. Mais ses dirigeants nous avaient assurés qu'il n'y avait aucun danger. Notre tort, c'est de les avoir crus. Nous avons été trompés, trahis. Aujourd'hui, nous sommes privés de nos maisons, de nos écoles, de notre vie, et ceux qui nous ont menti continuent à mentir et se permettent de dire aux victimes que leur ville sera désormais une poubelle. Avant de penser à décontaminer, il faut faire la lumière sur les responsabilités."

Assis sur un banc dans la cour du lycée, un homme âgé tire sur sa cigarette, penché en avant, regardant le sol. Il lève la tête, visage fermé : "Je n'ai rien à dire. Tout le monde a menti", dit-il d'une voix presque inaudible avant de s'absorber à nouveau dans la contemplation du sol.

 

Philippe Pons

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