Source : www.reporterre.net
Andrea Barolini (Reporterre)
vendredi 17 janvier 2014
Le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin se présente comme un énorme chantier de 26 milliards d’euros. Une manne qui attire déjà les entreprises liées à la mafia, alertent des élus italiens et des spécialistes de ces organisations criminelles.
Le Lyon-Turin risque de se révéler un eldorado pour les mafias italiennes. La sonnette d’alarme a été tiré plusieurs fois ces dernières années en Italie. Et tout récemment, Sonia Alfano, députée européenne et présidente de la Commission spéciale sur la Criminalité organisée, corruption et blanchiment de capitaux, a souligné les problèmes posés par la ratification des accords entre l’Italie et la France pour la construction de la ligne à grand vitesse.
Ce qui inquiète la députée italienne est un passage de l’accord pour la réalisation et l’exploitation de la nouvelle ligne ferroviaire qui a été approuvé par l’Assemblée nationale le 14 novembre dernier. Le document crée un « promoteur public » qui sera chargé de la conduite stratégique et opérationnelle de la partie transfrontalière franco-italienne du projet, c’est-à-dire le grand ouvrage entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse. Ce promoteur, indique le document, sera « responsable de la conclusion et du suivi de l’exécution des contrats que nécessitent la conception, la réalisation et l’exploitation de la section transfrontalière ».
Mais l’article 10 de l’accord explique que la passation et l’exécution des contrats par le promoteur public seront régie par le droit public français. A l’exception des contrats sans lien direct avec la conception, la réalisation ou l’exploitation des ouvrages et qui seront entièrement réalisés sur le territoire italien, lesquels seront soumis au droit italien.
- Schéma de la section du tunnel projeté du Lyon Turin -
Donc, toute la partie transfrontalière (la plus chère, car elle comprend le tunnel) sera réglée par le droit public français. Un faille par laquelle la mafia pourrait s’infiltrer dans le chantier, en Italie comme en France ? « Cette décision, a expliqué Sonia Alfano sur son site internet est le symptôme d’une grave irresponsabilité politique et d’un acharnement contre les habitants du Val de Suse. Il y a un risque réel posé par le fait que les normes qui disciplineront les appels d’offre seront françaises ». En effet, la France ne dispose pas, observe Sonia Alfano « d’un système législatif conçu pour éviter les infiltrations de la mafia ».
Les mêmes préoccupations ont aussi été exprimés par des élus italiens. Marco Scibona, sénateur du Movimento 5 Stelle (qui s’oppose au projet du Lyon-Turin depuis plusieurs années), a demandé un rendez-vous à Giancarlo Caselli, ancien procureur de la République à Palerme et depuis 2008 procureur à Turin, qui est la ville chef-lieu du département où se trouve le Val de Suse : « On a lui expliqué le problème, a-t-il déclaré à Reporterre, comme l’on a fait aussi avec Pietro Grasso ». M. Grasso est un ancien magistrat engagé dans la lutte contre la mafia et actuel président du Sénat italien. « Malheureusement on n’a reçu que des assurances très vagues. On a discuté également avec le ministre des Transports, Maurizio Lupi qui, lui, a reconnu le problème. Il estime que la réponse pourrait se trouver dans un amendement à la loi de ratification de l’accord. Mais cela ne changerait rien, car c’est en fait l’accord lui-même qu’il faudrait changer ».
Réduire les coûts en ne traitant pas les déchets dangereux
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