*Source : www.reporterre.net
Pascale Solana (Reporterre)
mardi 11 mars 2014
Il s’appelle Naoto Matsumura et est le dernier homme vivant sur la zone irradiée de Fukushima. Il était à Paris cette semaine pour une conférence. Reporterre raconte.
Le dernier homme de Fukushima est venu à Paris le 6 mars. Il entamait une tournée en France qui devait le mener au pied de la centrale de Fessenheim en Alsace et à Strasbourg le 11 mars, date anniversaire de la catastrophe nucléaire survenue au Japon en 2011.
Il s’appelle Naoto Matsumura. Il a 54 ans. Il a refusé d’évacuer la zone interdite autour de la centrale explosée et malgré le tsunami et l’accident nucléaire, il est resté dans son village, Tomioka. Cet agriculteur est le seul habitant autour de Fukushima.
Le photoreporter Antonio Pagnotta a pénétré plusieurs fois la zone rouge et l’a rencontré. De leurs échanges résulte un livre documenté sur la catastrophe et ses conséquences avec des éclairages qui permettent de comprendre le Japon meurtri. Il est paru en 2013 aux éditions Don Quichotte sous le titre Le dernier Homme de Fukushima.
C’est un récit touchant, à lire à petites doses pour ne pas s’irradier brutalement de malheur et de colère, un récit qui détaille la vie de cet homme avant, pendant et après ce 11 mars qui a figé le temps.
Naoto Matsumura y apparaît comme un résistant, un samouraï sans maître qui a refusé l’humiliation de l’évacuation, de l’errance et du rejet, ne garantissant même pas d’une absence de maladie dans le futur : la centrale nucléaire lui a tout pris, sa vie et ses biens. « Rester ici est ma façon de combattre pour ne pas oublier, ni ma colère ni mon chagrin » dit-il dans l’ouvrage.
En accord avec la philosophie de ses ancêtres, l’homme a continué de s’occuper de la nature irradiée qui perdure et des animaux domestiques rescapés. Chiens, chats, bœufs, veaux radioactifs ont été abattus ou abandonnés, parfois dans leur cage ou à l’attache. Jour après jour, Naoto Matsumura s’en est occupé.
La relation homme-animal est importante dans la tradition nippone, les animaux ne vivent pas à côté des hommes mais avec eux, et dans la rue comme dans les légendes, les animaux sont présents partout. L’action de Naoto Matsumura qui « tient la vie en respect » tout en suivant un cheminement intérieur relève en quelque sorte l’honneur de tous les Japonais.
Et plus même, au regard du shinto, philosophie basée sur le culte de la nature, le respect de celle-ci, l’admiration de sa beauté, la quête de pureté. Les rituels de purification sont très importants. « Des heures durant les Japonais peuvent contempler le spectacle de la nature sauvage ou la beauté des pierres et du sable d’un jardin zen » explique Antonio Pagnotta. En souillant éternellement la terre, c’est aussi des fondements spirituels que l’apocalypse nucléaire a détruit.
Partir ou rester ?
Trois ans plus tard, le 6 mars, à la mairie du IIe arrondissement de Paris, le dernier homme de Fukushima entouré d’élus et d’associatifs est à la tribune pour témoigner devant une petite centaine de personnes rassemblées lors d’un débat public. Il est 19 h passées. Ses cheveux blancs contrastent avec son teint halé. Emmitouflé dans une doudoune noire, visage impassible, il explique que « rien n’a marché ».
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