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Le blog des Indignés de Nimes et de la Démocratie Réelle Maintenant à Nimes

Le "délit de solidarité", outil d'intimidation des bénévoles, va être supprimé

 

LE MONDE | 28.09.2012 à 11h17 • Mis à jour le 28.09.2012 à 13h31

Par Elise Vincent 


Un campement d'immigrants à Calais, le 23 juin 2009.

C'est une disposition du projet de loi sur l'immigration très attendue du monde associatif : la suppression du "délit de solidarité", soit la possibilité pour toute personne d'être poursuivie pour avoir "tenté ou facilité" le séjour d'étrangers en situation irrégulière, en France. En 2009, ce délit "de solidarité" avait connu une forte médiatisation avec la sortie du film Welcome, de Philippe Lioret, qui mettait en scène un maître-nageur (Vincent Lindon) en difficulté avec la police pour avoir aidé un jeune Afghan qui souhaitait rejoindre le Royaume-Uni à la nage.

Le "délit de solidarité", expression inventée par les défenseurs des étrangers, se rapporte à l'article L. 622-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 30 000 euros, il permet de poursuivre "toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d'un étranger en France".

En vigueur depuis 1945, le L. 622-1 a été amendé au fil du temps. En 1998, une "immunité" a été ajoutée pour protéger la famille des étrangers sans papiers : notamment leur conjoint, leurs parents, leurs enfants et leurs frères et sœurs. Mais en 2003 les peines encourues ont été aggravées si le délit était commis en "bande organisée".

Le projet de loi de Manuel Valls se propose d'ajouter une exception à ces "immunités" pour "toute personne physique ou morale sans but lucratif qui porte assistance à un étranger lorsque cette aide n'a d'autre objectif que d'assurer des conditions de vie digne à l'étranger". Cette formulation abolit de fait le délit de solidarité, mais permet de continuer à poursuivre les filières illégales d'immigration.

 

 UTILISÉ "PAR LA POLICE ET LES PARQUETS POUR INTIMIDER" 

Dans le passé, le délit de solidarité a pu être utilisé contre des bénévoles venant en aide aux sans-papiers, même si les poursuites se soldaient généralement par un non-lieu ou une dispense de peine. Restée longtemps relativement "anecdotique", selon Christophe Deltombe, président d'Emmaüs, la menace s'est faite plus pressante après l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007. Le L. 622-1 a alors été utilisé "par la police et les parquets pour intimider", raconte M. Deltombe.

C'est à la suite d'un énième différend, en 2009, à Marseille, entre l'un des responsables de communautés Emmaüs et la police, qu'une mobilisation naît dans le milieu associatif contre le "délit de solidarité". A l'époque, la police avait placé en garde à vue le bénévole après que celui-ci avait refusé de fournir le listing des personnes hébergées dans son centre.

En vertu de "l'accueil inconditionnel" – garanti par l'article L. 345-1 du code de l'action sociale et des familles – les communautés Emmaüs logent en effet souvent des sans-papiers et les policiers cherchaient l'un d'entre eux. Finalement, le bénévole n'a pas été mis en examen mais sa situation a suscité une forte "émotion", selon M. Deltombe. En avril 2009, une manifestation dans 80 villes de France a réuni plusieurs milliers de personnes.

A la suite de cet épisode, la dernière loi sur l'immigration, entrée en vigueur en juin 2011, a modifié la définition du "délit de solidarité". Afin de répondre aux associatifs, il a été ajouté une immunité pour toutes les personnes qui viendraient en aide à un étranger en cas de "danger actuel ou imminent". Mais beaucoup de militants associatifs considéraient toujours trop floue cette définition de "l'urgence" donc trop peu protectrice de leur travail humanitaire. La clarification apportée par le projet de loi de Manuel Valls devrait les rassurer.

 

Lire le témoignage de Monique Pouille, bénévole du Calaisis, interpellée en 2009 pour "délit de solidarité"


Elise Vincent

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