Le conseil d'administration de la structure cotée du groupe Crédit agricole, autrement dit CASA, est entre les mains des dirigeants des caisses régionales qui y siègent à tour de rôle. Avec 55 % du capital, celles-ci et leur tutelle détiennent 12 postes d'administrateurs sur un total de 18 élus. En dépit de son poids de 45 % dans le capital, l'actionnariat public n'est représenté que par 6 administrateurs extérieurs avec Xavier Fontanet, président d'Essilor, comme la personnalité emblématique pendant dix ans. Il n'est pas anodin de relever que ce dirigeant a quitté le navire fin 2011.
Ainsi, les actionnaires extérieurs ont été pris en otages par les caisses régionales qui ont largement démontré leur incurie dans la gestion de la croissance externe de CASA. Comment une banque mutualiste qui revendique des valeurs pour ses sociétaires a-t-elle pu pareillement sacrifier les intérêts de ses actionnaires sur l'autel des ambitions de ses dirigeants, en premier lieu le récipiendaire de tant d'honneurs, René Caron, président du conseil d'administration jusqu'en 2011 ?
Que penser encore de la performance de Georges Pauget aux commandes opérationnelles lors de l'acquisition en 2006 de la banque grecque Emporiki ! Où est la force d'engagement du groupe Crédit agricole au service de ses actionnaires quand ceux-ci ont subi une décote de 50 % sur leurs premiers achats de titres en 2001 ?
Si "le bon sens a de l'avenir" comme le formule le message promotionnel de la banque verte, l'annonce par ses dirigeants, à la veille de la clôture des résultats 2012, concernant les dépréciations des écarts d'acquisition, portées à 21,7 milliards d'euros, démontre bien que leurs prédécesseurs en ont beaucoup manqué depuis 2001, en investissant sans discernement dans des activités surpayées et peu rentables.
Ceci expliquant cela, CASA affiche une perte historique de 6,47 milliards d'euros pour 2012. Face à une telle dégradation de la situation financière, les actionnaires peuvent se poser trois questions : Sommes-nous à l'abri d'une défaillance comme celle qui a ruiné les actionnaires de Dexia ? Les caisses régionales détentrices d'un pouvoir absolu ne vont-elles pas retirer CASA de la cote en offrant un prix bradé aux minoritaires ? Si le choix des caisses régionales est le maintien de CASA en Bourse, quels sacrifices leurs "notables" sont prêts à consentir afin de prendre à leur compte une partie du fardeau des pertes en renonçant, par exemple, pendant plusieurs années à leur quote-part des futurs dividendes ?