En septembre 2008, à l’occasion d’un célèbre discours prononcé à Toulon, Nicolas Sarkozy se grimait en gauchiste pour lancer : « La moralisation du capitalisme financier demeure la priorité. Je n’hésite pas à dire que les modes de rémunération des dirigeants et des opérateurs doivent être encadrés. Il y a trop d’abus, trop de scandales. Alors ou bien les professionnels se mettent d’accord sur des pratiques acceptables, ou bien nous règlerons le problème par la loi avant la fin de l’année. »
Laurence Parisot avait alors promis d’y mettre bon ordre. Résultat : les « professionnels » se sont mis d’accord sur des pratiques inacceptables, mais il n’y a pas eu de loi.
Et voilà comment les rémunérations (officielles) des patrons du CAC 40 ont pu atteindre le niveau moyen annuel de 4,11 millions d’euros en 2011, soit 342 000 euros par mois, autrement dit 260 fois le smic. Mais quand il est question d’augmenter ce dernier, tout le beau monde hurle au complot contre les « fondamentaux » de l’économie, comme si l’égalité, valeur suprême de la République, était à ranger au musée de l’histoire.
Le CAC contre la démocratie
La vérité, c’est que les grands groupes dits « français » produisent de moins en moins sur le sol national — et de plus en plus sous d’autres cieux — afin de satisfaire les exigences de cash des actionnaires. Certains s’en émeuvent le temps d’une élection, mais laissent faire. Renault en est un exemple caricatural. L’usine ultra-moderne de Tanger, au Maroc, va fabriquer des voitures qui reviendront pour partie en France, où elles risquent même de concurrencer celles construites par le groupe.
L’ancien ministre de l’Industrie, Christian Estrosi, en a profité pour dénoncer ce « dumping fiscal » et accuser Renault de « jouer contre l’industrie française ». Fort bien. Mais pourquoi ce « Sarkozyste canal historique » ne s’en est-il pas inquiété lorsqu’il était au gouvernement et qu’il avait la haute main sur le dossier Renault ?
Pourquoi ne demande-t-il pas des comptes à l’actuel Président qui laisse ainsi une grande entreprise, jadis nationalisée, faire ce que bon lui semble, au nez et à la barbe de l’Etat (encore) actionnaire?
Aujourd’hui, quiconque ose mettre sur la table du débat public les questions tabous de la mondialisation néolibérale, du libre-échangisme total, du pouvoir sans limite des actionnaires, ou des salaires mirobolants des princes de la finance, se voit immédiatement ostracisé. Aux yeux de l’élite, il est au mieux irréaliste, au pire irresponsable, dans tous les cas dangereux.
S’il fallait en tirer la conclusion que la caste du CAC a gagné, ce serait un krach pour la démocratie.