« Ce système mettra tout le monde d’accord sur la vidéosurveillance », s’enthousiasme Dominique Legrand, le président de l’Association nationale de la vidéo-protection (AN2V), qui regroupe les principaux industriels du secteur et bénéficie du soutien officiel du ministère de l'Intérieur. Cette association annonce qu'elle a pour but « le développement harmonieux des techniques de vidéosurveillance » et la synthèse de l'information à destination des collectivités territoriales. En d'autres termes c'est un lobby et une vitrine pour le business de la vidéosurveillance, qui a bien entendu également ses « produits d'appel » : des villes qui font exemple comme Cannes et Nice.
Autre site de ressources en la matière, Vision Industrielle.Org se présente lui-même comme « la première ressource francophone sur la vision industrielle et la biométrie ». De façon plus objective, l'on y apprend que « la télésurveillance intelligente est basée sur des algorithmes qui analysent en temps réel les séquences vidéos filmées par une caméra. Cette analyse permet la détection de mouvement, le comptage et le suivi de personnes, l'identification de personnes suspectes (sur base de comportements), l'identification » (voir l'article). Toutefois, cet article ne cache pas qu'il existe aussi de sérieuses « limitations » à ce système. Il donne même l'exemple suivant : « En cas d'une utilisation avancée pour la reconnaissance de suspects, le taux de fausses alertes peut être pénalisant. Ainsi, une évaluation menée par le département de la défense américain a montré qu'avec un taux de fausses alertes ramené à 1 %, seulement 22 % des personnes recherchées étaient correctement identifiées lorsque l'angle de prise de vue changeait. Installé dans un aéroport par lequel transitent 100 000 voyageurs par jours, un tel dispositif occasionne donc 1 000 fausses alertes par jour, perturbant par la même occasion le travail des forces de sécurité ». Ainsi, dans la vraie vie, il n'y a pas de technologie miracle et rien qui puisse remplacer l'intervention humaine. Mais l'on est pas ici dans la vraie vie, l'on est ici dans le rêve... ou plutôt dans le marketing, c'est-à-dire dans le business.
De la vidéo-protection à la vidéo-contravention
Qu'on se le dise, nous n'avions rien vu encore en matière de vidéosurveillance car voici que cette dernière est désormais « intelligente ». Merveille de la technologie, il suffirait de programmer le système de caméras et celles-ci détecteraient toutes seules les comportements « anormaux » et du coup suspects. Définitivement, la technologie supplanterait l'Homme, le logiciel verrait mieux que l'œil humain. Du coup, plutôt que de dépenser de l'argent à employer tous ces opérateurs de vidéosurveillance passifs, puis à s'apercevoir qu'il faut aussi les former et leur donner une stratégie si l'on veut qu'ils soient plus productifs, il suffirait de laisser la technologie repérer le problème puis se contenter de vérifier. Et, bien entendu, ce système conçu pour détecter des mouvements anormaux (les « intrus ») dans les entrepôts et les parkings ou autour des sites industriels sensibles (c'est-à-dire des lieux déserts peuplés d'objets immobiles) fonctionnerait tout aussi bien dans l'espace public, la rue et sa foule d'être humains. Tel est en tous cas le nouveau plan marketing inventé par les fabricants de vidéosurveillance pour engranger des bénéfices commerciaux encore plus importants. Développé depuis plusieurs années aux États-Unis (voir par exemple ce spot publicitaire de "TotalTrack"), il est actuellement en plein essor en France.
Le plan de vente est bien rodé. Il admet en effet de facto la véracité des critiques émises par les chercheurs ces dernières années à propos de l'efficacité très faible du système en matière de lutte contre la délinquance, de son coût démesuré pour les finances publiques locales et de la performance médiocre des agents regardant les écrans. Mais, comme toujours (et comme la fois d'avant), cette fois-ci c'est promis, c'est la révolution et on va voir ce qu'on va voir ! Et puis on prétend que cela réduira le nombre d'agents nécessaires (à voir puisque le système multiplie les alertes et donc les opérations de vérification), donc que ça coutera moins cher. Enfin presque, car la nouvelle technologie est évidemment plus chère, et les municipalités risquent de tiquer un peu en apprenant qu'il faut mettre à la poubelle leur ancien système. Comment les rassurer un peu ? C'est drôle, les marchands de sécurité annoncent que cette nouvelle génération de caméras sera particulièrement performante sur la détection des « attroupements » mais aussi sur le repérage des voitures stationnées en double file et sur la lecture des plaques d'immatriculation. Voilà donc comment les municipalités rentreront peut-être un peu dans leurs (énormes) frais : grâce aux contraventions ! Par contre, si vous vous faites arracher votre sac par deux personnes en scooter qui n'ont pas brûlé le feu rouge, ou bien si les cambrioleurs ne sont que deux et pas dix (ce qui est généralement la cas), ou encore si l'agression a lieu la nuit (où tout les chats sont désespérément gris), il est probable que la révolution technologique ne vous concernera pas autrement qu'au niveau de vos impôts locaux.
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