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Le livre de Christophe Deloire et Christophe Dubois commence par une recension stupéfiante de faits et de déclarations venus d’une partie des élites qui remettent en cause les principes même de la démocratie. Ils évoquent naturellement l’idée d’une suspension des droits de vote pour les pays qui conteviennent aux règles européennes, évoqué en octobre 2010 par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Cet apéritif n’est rien par rapport aux remises en cause consciente, comme Alain Minc, qui voyait en avril 2005 le référendum comme une «vérole antidémocratique» !
Ainsi, en novembre 2010, DSK évoquait une mise sous tutelle technocratique des budgets européens : «La solution la plus ambitieuse, largement discutée dans la littérature académique, serait de créer une autorité budgétaire centralisée, aussi indépendante politiquement que la BCE (…) elle fixerait les orientations budgétaires de chaque pays membre et allouerait les ressources provenant du budget central». Pour Mario Monti «cette démocratie est certes moins en prise avec les aléas de l’humeur de l’électorat (sic), mais elle est bien réelle». On se demande comment !
Jean-Paul Fitoussi voit dans l’importance croissante des règles (notamment européennes) une remise en cause du libre-arbitre démocratique. Le gouverneur de la Banque de France juge que les non techniciens ne peuvent rien apporter à la définition des règles financières et évoque un «risque très fort d’interférence politique». Pour Philippe Auberger, l’indépendance des banques centrales les met «à l’abri des fluctuations politiques». Pour Michel Rocard «les souverainetés nationales ont dépassé leur stade d’efficacité et elles entrent dans la période de la nuisance».
La contestation existe
C’est François Hollande qui lui avait répondu : «si nous entrons dans le jeu de la mondialisation, alors les contraintes financières, monétaires et, subsidiairement, européennes s’imposent». Mais quelques socialistes ont des éclairs de lucidité, comme Didier Migaud, qui dénoncent «ces gens (l’IASB, qui gère les règles comptables pour le monde entier) qui n’ont aucune légitimité et imposent leurs décisions à tout le monde (…) les politiques ont beaucoup démissionné. La question des normes apparaît tellement technique qu’on ne se rend pas compte à quel point c’est important».
Même s’il surestime sans doute la capacité du président actuel à se réinventer en révolutionnaire qui mettrait fin à cette anarchie néolibérale, il faut citer Emmanuel Todd, qui a été parmi les pionniers à dénoncer cette évolution, notamment en 1992 : «Les gens qui nous gouvernent essayent de maintenir en place le libre-échange dont l’effet mécanique est de laminer le mode de vie et les moyens d’existence des populations. Il est difficile d’avoir un modèle démocratique harmonieux quand les partis refusent ce qui intéresse les gens et privilégient ce qui les détruit».
Les deux auteurs signent un livre absolument indispensable sur le malaise démocratique de nos sociétés actuelles. Demain, je reviendrai sur leur description de la nouvelle aristocratie.
Source : Circus politicus, Christophe Deloire et Christophe Dubois, Albin Michel