Les auteurs citent le fameux discours de
Philippe Séguin de 1992 sur le traité de Maastricht à l’Assemblée, au sujet de l’indépendance de la BCE:
«Les décisions seront donc prises à la majorité, non par des représentants des Etats, mais par des personnalités indépendantes qui ne recevront pas d’ordres de leurs gouvernements respectifs. Donc la France, en tant qu’Etat, n’aura absolument aucune part à l’élaboration de la politique monétaire. C’est cela sans doute, qu’on appelle la souveraineté partagée. Curieux partage qui tendrait à priver la France de toute liberté de décision». C’est François Hollande qui lui avait répondu :
«si nous entrons dans le jeu de la mondialisation, alors les contraintes financières, monétaires et, subsidiairement, européennes s’imposent». Mais quelques socialistes ont des éclairs de lucidité, comme Didier Migaud, qui dénoncent
«ces gens (l’IASB, qui gère les règles comptables pour le monde entier)
qui n’ont aucune légitimité et imposent leurs décisions à tout le monde (…)
les politiques ont beaucoup démissionné. La question des normes apparaît tellement technique qu’on ne se rend pas compte à quel point c’est important». Même s’il surestime sans doute la capacité du président actuel à se réinventer en révolutionnaire qui mettrait fin à cette
anarchie néolibérale, il faut citer Emmanuel Todd, qui a été parmi les pionniers à dénoncer cette évolution, notamment en 1992 :
«Les gens qui nous gouvernent essayent de maintenir en place le libre-échange dont l’effet mécanique est de laminer le mode de vie et les moyens d’existence des populations. Il est difficile d’avoir un modèle démocratique harmonieux quand les partis refusent ce qui intéresse les gens et privilégient ce qui les détruit».
Les deux auteurs signent un livre absolument indispensable sur le malaise démocratique de nos sociétés actuelles. Demain, je reviendrai sur leur description de la nouvelle aristocratie.
Source :
Circus politicus, Christophe Deloire et Christophe Dubois, Albin Michel