La réaction d'une certaine partie de la classe politique et des commentateurs (ce matin, les questions posées par la journaliste de France Info à une députée socialiste d'origine grecque étaient déroutantes d'indignation) devant la décision de Papandréou d'organiser un référendum pour demander au peuple grec son avis sur des décisions prises jusqu'à présent sans qu'il soit vraiment consulté, en dit long sur cette peur du peuple toujours vive au sein même de régimes qui se prétendent démocratiques. Le peuple représente toujours un danger potentiel, il est le pôle de l'irrationalité, il est le risque de l'irruption de la violence et du désordre : le mouvement populaire est redoutable, parce qu'il n'obéit jamais à ce que les élites considèrent comme l'évidence même. Il n'a droit à la parole que lors des élections - le reste du temps, il ne parle pas, il "braille", selon la formule du ministre Darcos et personne de responsable ne songe à l'entendre, sauf à être taxé de populisme -, il donne sa voix et du même coup quelqu'un parle à sa place et il n'est jamais acquis que sa parole soit fidèlement répercutée dans les Assemblées : par exemple, il dit non et l'on fait comme s'il avait dit oui ; ou on lui repose la question jusqu'à ce qu'il l'ait bien comprise et réponde comme on veut qu'il réponde. Que le peuple se batte pour défendre des intérêts qui ne sont pas ceux des tenants du pouvoir montre bien qu'il n'a jamais atteint l'âge de raison - laisserait-on un enfant décider de son avenir ? ! et lorsque, au cours de l'histoire, c'est lui qui s'est levé pour défendre l'intérêt de la nation elle-même, alors que les prétendues élitesdans leur grande majorité, trahissaient allègrement, on se hâte d'oublier tout cela et de restaurer un régime favorable aux riches, de désarmer le peuple et de le renvoyer au travail.
Cette peur du peuple, c'est bien elle qui a transformé la dictature du prolétariat en dictature sur le prolétariat. C'est bien elle qui, intériorisée dans nos démocraties, est le ressort de cette apathie qui nourrit une délégation paresseuse de la volonté populaire ou un désintérêt croissant à l'égard d'un jeu politique qui apparait de plus en plus pipé.
Pour que le peuple cesse de faire peur, il conviendrait qu'il n'ait plus peur de lui-même et qu'il fasse entendre sa voix trop longtemps confisquée : une autre voie politique pourrait ainsi s'ouvrir qui serait celle d'une véritable démocratie.
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Rien n'empêche de faire de ce référendum un moment de basculement. si ce
n'est le crédo, usant, de l'impuissance...Que Papendréou ait des
arrières pensées, c'est sûr. Chirac en avait aussi en 2005. Mais
l'action humaine, et en particulier politique, a cela de fantastique et
de terrifiant à la fois : elle échappe à ses auteurs et provoque de
l'imprévisible. Nous étions dans "chronique d'une mort annoncée" Ce
référendum, provoqué par les mouvements des indignés et les renforçant,
est une nouvelle fantastique un 1er novembre : faisons en la première
pierre de l'enterrement du néolibéralisme et du capitalisme...
10 mars 2009 Une petite phrase qui en dit bien long...
Voilà la scène. On est à Bordeaux, lundi 9 mars, à Cap Sciences.
Xavier Darcos intervient dans le cadre de la signature d’une convention
pour la promotion de l’égalité dans le système éducatif. Il y a là aussi
une délégation de parents d’élèves, hostiles aux réformes en cours dans
le primaire, qui demande à être reçue. C’est alors que, les apercevant,
le ministre s’écrie :
" C’est encore ce peuple braillard et gavé de tout". Chacun appréciera le décalage abyssal entre le thème de
l’intervention de Darcos, consacré à l’égalité, et les propos qu’il
tient en off. M. le ministre adopte ici la posture de l’aristocrate
méprisant la plèbe et totalement coupé du quotidien de ses contemporains
qu’il croit « gavés de tout » en ces temps de crise. Autant de mépris
de classe affiché sans vergogne, ça vous scie les jambes.
http://bellaciao.org/fr/spip.php?article81921