par Automates Intelligents (JP Baquiast) (son site) vendredi 21 octobre 2011
Une machine à broyer s'est mise en place, d'une incroyable puissance. Plus rien de l'ancien monde n'y résistera et nul ne peut dire ce qui surgira des ruines.
Qu'appelons nous l'ancien monde ? Convenons de désigner par ce terme la Terre telle que l'avaient connue les milliards d'hommes y ayant vécu depuis le début des temps historiques, la Terre telle que l'avaient analysée les multiples scientifiques, littérateurs et poètes s'étant consacrés à son étude, la Terre avec ses grandeurs et ses drames.
Or tout ceci, ou ce qu'il en reste, est en train de disparaître. Une machine à broyer s'est mise en place, d'une incroyable puissance. Plus rien de l'ancien monde n'y résistera et nul ne peut dire ce qui surgira des ruines.
La machine en question est du type de ce que nous nommons un système anthropotechnique 1) Elle associe dans des unions de moins en moins séparables une humanité en proie à l'explosion de sa propre ubris et des technologies proliférant à un rythme constamment accéléré.
Les auto-analyses que génère cette machine sont généralement favorables. On parle de progrès continus. Le prix à payer en est lourd, puisque disparaissent une grande partie des espèces ayant survécu jusqu'ici aux précédentes destructions massives. De même disparaissent les derniers espaces géographiques ayant servi de berceau à l'humanité. Mais en contrepartie, selon la doxa dominante, l'intelligence générale, supportée par l'explosion des réseaux de connaissance, ne cesse de s'étendre et de s'approfondir, en marche semblerait-il pour conquérir le système solaire, et au delà.
Certaines de ces auto-analyses pourraient cependant inquiéter. Dans le puissant système anthropotechnique qui s'installe, la technique n'est-elle pas en train de dominer de plus en plus l'anthopologique ? Le cerveau humain, notamment, n'est-il pas en train de perdre ses spécificités anciennes pour se mouler de plus en plus étroitement sur les machines avec lesquelles il interagit en permanence ? Autrement dit, il en deviendrait une prolongation dépourvue des capacités d'invention et de critique ayant jusque alors piloté le « progrès technique ». Plus généralement, l'anthropos, en nous, perdrait les freins biologiques acquis au cours de millions d'années d'évolution, freins lui permettant de ne pas se transformer trop radicalement en machine à détruire et à se détruire.
Beaucoup d'observateurs, même issus du système, signalent ce risque à propos de la place prise désormais dans la vie des humains par les terminaux mobiles intelligents multiples, dont le rôle en tant qu'appareils de téléphone devient presque secondaire au regard de l'accès qu'ils ouvrent à d'innombrables bases de donnée set de connaissance évitant aux utilisateurs de penser par eux-mêmes. La plupart de ceux-ci s'en réjouissent, d'autres cependant s'en inquiètent.
Bien moins contestable, bien qu'ignoré généralement jusqu'à ce jour, est le dépérissement intellectuel que semble imposer aux adultes et surtout aux enfants la fréquentation quotidienne de quelques heures de télévision et de vidéo, y compris sur Internet. La vaste étude du neuroscientifique Michel Desmurget,
TV Lobotomie : La Vérité scientifique sur les effets de la télévision, Max Milo 2011, ne laisse aucune place au doute. Il ne devrait plus être possible d'ignorer ces faits – sauf que la puissante machine anthropotechnique des industriels et des acteurs du système est tout à fait capable de continuer à faire sur eux un imposant silence.
Un contrôle total
Mais il y a beaucoup plus significatif. Il s'agit de la mise en place de ce que notre ami Alain Cardon décrit dans un ouvrage en cours de finition, dont il nous a confié pour publication un premier manuscrit 2). Il décrit un environnement technologique au service des puissants de ce monde. Dans ce système les milliards d'humains activés à leur insu par le système ne peuvent faire autre chose que se comporter en esclaves dociles, producteurs-esclaves, consommateurs-esclaves, citoyens-esclaves.
Nous commenterons ce travail plus en détail ultérieurement. Laissons les lecteurs en juger par eux-mêmes. Certains reprocheront à l'auteur un pessimisme excessif. Mais la plupart éprouveront, espérons-le, un réveil de la raison : « comment pouvions nous être immergés dans un tel monde sans nous en apercevoir ? ». Nous pensons pour notre part, avec Alain Cardon, que même si l'évolution méta-historique décrite est irrésistible, l'effort pour s'y individualiser d'un nombre aussi grand que possible de ce que l'on appelle encore des citoyennes et citoyens ne pourra qu'avoir un effet utile. Au service de la démocratie comme à celui de la république.
Notes