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Accueil > Libertés > « Informer n’est pas un délit ! », affirment journalistes et citoyens
mercredi 28 janvier 2015
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La loi Macron veut restreindre la liberté d’information. Journalistes et citoyens s’insurgent.
"Secret des affaires" : informer n’est pas un délit
Il y a un loup dans la loi Macron. Le projet de loi actuellement discuté à l’Assemblée nationale contient un amendement, glissé en catimini dans le texte, qui menace d’entraver le travail d’enquête des journalistes et, par conséquent, l’information éclairée du citoyen. Sous couvert de lutte contre l’espionnage industriel, le législateur instaure comme nouvelle arme de dissuasion massive contre le journalisme un « secret des affaires » dont la définition autorise ni plus ni moins une censure inédite en France.
Selon le texte, le « secret des affaires » recouvre « une information non publique, qui fait l’objet de mesures de protection raisonnables » et qui a « une valeur économique ». Notre métier consistant a révéler des informations d’intérêt public, il sera désormais impossible de vous informer sur des pans entiers de la vie économique, sociale et politique du pays.
Le texte, qui a été préparé sans la moindre concertation, laisse la libre interprétation aux seules entreprises de ce qui relèverait désormais du « secret des affaires ». Autrement dit, avec la loi Macron, vous n’auriez jamais entendu parler du scandale du Médiator ou de celui de l’amiante, de l’affaire Luxleaks, UBS, HSBC sur l’évasion fiscale, des stratégies cachées des géants du tabac, mais aussi des dossiers Elf, Karachi, Tapie-Crédit Lyonnais, ou de l’affaire Amésys, du nom de cette société française qui a aidé une dictature à espionner sa population. Et on en passe… La simple révélation d’un projet de plan social pourrait, en l’état, elle aussi, tomber sous le coup de la loi Macron.
Avec ce texte, un juge saisi par l’entreprise sera appelé à devenir le rédacteur en chef de la nation qui décide de l’intérêt ou non d’une information. Une disposition spéciale prévoit même que la justice puisse empêcher la publication ou la diffusion d’une enquête. Dans le cas où le journaliste viole ce « secret des affaires », il encourt 3 ans d’emprisonnement et 375 000 euros d’amende. La mise est doublée en cas d’atteinte à « la souveraineté, à la sécurité ou aux intérêts économiques essentiels de la France ». Une triple notion suffisamment vague pour autoriser toutes les dérives liberticides.
Même tarif pour les lanceurs d’alerte, les fameuses sources sans lesquelles certaines affaires ne sortiraient pas. Ce texte inacceptable est mis au vote alors même qu’une loi prévoyant le renforcement de la protection des sources des journalistes a été discrètement enterrée l’été passé.
Nous, journalistes, refusons de nous contenter de recopier des communiqués de presse pour que vous, citoyens, restiez informés. Et comme disait George Orwell : « Le journalisme consiste à publier ce que d’autres ne voudraient pas voir publié : tout le reste n’est que relations publiques ». C’est pourquoi nous demandons le retrait pur et simple de ce texte.
Protégeons la presse et les lanceurs d’alerte !
La mobilisation marche ! Le ministre des finances Michel Sapin vient d’annoncer sur RTL que la loi sur le secret des affaires serait amendée pour protéger les lanceurs d’alerte ! Mais restons vigilants et continuons à nous mobiliser et mobiliser autour de nous car il en va de notre démocratie ! L’ensemble des journalistes viennent de condamner unanimement cette loi dangereuse.
Alors que la France en deuil finit seulement d’enterrer ses victimes des attaques terroristes, alors que toute la population a manifesté en masse pour défendre la liberté de la presse, nos députés préparent en catimini un amendement qui met en danger cette même liberté d’informer !
Au prétexte de protéger les entreprises françaises contre l’espionnage industriel, ils risquent de museler les lanceurs d’alerte et les journalistes en créant la notion de "secret des affaires".
Bien sûr il est légitime de lutter contre l’espionnage industriel, bien sûr il y a des failles juridiques à combler. Mais en l’état, le texte présenté aux députés constitue une incroyable atteinte à la liberté d’informer et risque d’amener nombre de journaux ou de lanceurs d’alerte à s’auto-censurer.
Le scandale du Médiator n’aurait sans doute jamais vu le jour sous une telle loi. Irène Frachon qui l’a percé à jour aurait risqué trois ans en prison et 375 000 euros d’amendes pour violation du secret professionel. Les salariés de Continental qui dénonçaient leur licenciement alors que l’entreprise était rentable auraient risqué la même peine.
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Source : www.reporterre.net